Entretien avec Alain Juppé

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Questionnaire à l’attention des candidats au second tour des primaires de la droite et du centre : « Relations internationales, politiques étrangères et affaires intérieurs ».

A l’approche du match final qui désignera dimanche soir le candidat de la droite et du centre pour la présidentielle, chaque réponse compte pour guider le choix des électeurs. Vos réponses à notre premier questionnaire ont suscité de nombreuses réactions et ont été largement partagées (milliers de mails sur l’ensemble du territoire à notre réseau d’affiliés et personnalités d’influence, centaines de partages via les réseaux sociaux). C’est pourquoi nous souhaitons vous proposer de renouveler l’exercice avec cette série de sous-questions plus précises concernant les grands dossiers auxquels vous vous attèlerez en matière de politique étrangère mais aussi de politique intérieure, certaines menaces pesant aujourd’hui sur notre pays ne permettant plus de distinguer l’une et l’autre :


1. L’Islam radical en France :

• Quelle sera votre réponse face aux djihadistes de Daech de retour en Europe ?

La réponse doit être de la plus grande fermeté. Sur ce sujet, il s’agit d’une part d’améliorer notre connaissance des flux, et d’autre part, d’avoir les moyens d’y répondre. Aussi, j’ai proposé de recréer un véritable réseau du renseignement territorial, de proximité, lequel a été très affaibli avec la suppression des « renseignements généraux » en 2008. Il sera chargé d’identifier en amont les personnes radicalisées à partir des « signaux faibles » récoltés sur le terrain et déjouer les projets d’attentats terroristes. Sur le second volet, je rétablirai la double peine pour expulser les condamnés étrangers radicalisés et créerai un délit de séjour pour toute personne s’étant rendu ou ayant tenté de le faire sur un théâtre extérieur d’opérations terroristes. Tous les moyens à notre disposition devront être employés : nouvelles technologies comme la biométrie et la reconnaissance comportementale, coopération européenne entre services de renseignements. Rien ne doit être oublié dans la lutte contre ce fléau.

Quel est votre positionnement vis-à-vis des relais des Frères musulmans en France ? Comment comptez-vous mettre un terme à la complaisance publique accordée à certaines organisations ou associations soutenant soit à visage découvert, soit de manière plus insidieuse, l’islam politique ?

Il faut être totalement mobilisés face aux organisations, françaises ou étrangères qui , font l’apologie ou la promotion, sur notre territoire, d’idées contraires aux valeurs de la République. Je serai de la plus grande vigilance à l’égard des lieux de culte dans le but de fermer les mosquées radicales, d’expulser les imams salafistes et de sanctionner effectivement toutes les personnes qui consultent des sites djihadistes pour mettre fin à l’endoctrinement sur internet.

• Comment accompagner les imams au renforcement d’un islam de France délesté des courants et pressions islamistes en son sein ?

Tout ce qui peut éradiquer l’influence étrangère dans la formation des imams de France est une bonne chose. Il faut trouver des moyens de financements français pour cette formation et il faut pouvoir s’assurer que cette formation se fasse en accord avec les principes fondamentaux de la République. .

• Quelle serait pour vous une politique de déradicalisation efficace ?

Le premier objectif d’une politique efficace de déradicalisation est déjà d’empêcher qu’elle ne se produise. Cela veut dire un investissement fort dans le développement économique et social des quartiers dans lesquels on observe ces mouvements. Cela veut dire l’incarcération ou l’expulsion des personnes qui en font l’apologie. Cela veut dire aussi faire que nos prisons cessent d’être des incubateurs de radicalisation : isolement des détenus radicalisés, fouilles systématiques pour s’assurer qu’ils ne disposent pas de téléphone portable, surveillance des courriers… Je suis d’ailleurs le seul à proposer la création d’une police pénitentiaire qui serait chargée de ces missions.Faire tout cela serait déjà un grand progrès .


2. Crise migratoire :

• Comment comptez-vous gérer les immigrants illégaux présents aujourd’hui en France ?

Je veux une immigration illégale zéro. Cela commence par indiquer clairement les principes sur lesquels notre politique migratoire est fondée . Pour ma part, je les ai énoncés distinctement depuis longtemps : je conditionnerai l’acquisition de la nationalité française pour les enfants nés en France (droit du sol) à la régularité du séjour d’au moins un des deux parents au moment de la naissance. Je ferai voter chaque année au Parlement un plafond d’immigration et une répartition par type d’immigration (% étudiants, % travail, % regroupement familial). Je mettrai en place un système par points qui permette d’accueillir en France les profils d’étrangers dont notre économie a besoin.
Je limiterai fortement le regroupement familial en le conditionnant à l’exercice d’un emploi, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui et en renforçant les conditions liées à la durée de séjour préalable et aux revenus. Les étrangers qui font venir leur famille en France doivent avoir les moyens de subvenir aux besoins de leur famille et ne pas vivre des allocations chômage.
Enfin il faut que l’administration en charge soit plus efficace. Je préconise d’abord l’établissement d’une liste européenne de pays sûrs. Les demandes d’asile en provenance de ces pays seront systématiquement rejetées. Ensuite la lenteur dans le traitement des dossiers ne peut que contribuer à créer des situations « grises ». Je pense que réduire très fortement les délais d’examen des demandes d’asile, et reconduire systématiquement, dans les faits , à la frontière les demandeurs déboutés, est ce qui permettra de lutter contre le détournement du droit d’asile.


• Que pensez-vous des centres d’accueil pour migrants ouverts récemment à Paris et quelle alternative auriez-vous souhaité mettre en place ?

C’est ici une question pour a maire de Paris. Notre capitale attire forcément beaucoup de migrants par son niveau de richesses.. Je me suis prononcé pour une répartition harmonieuse et concertée des migrants sur le territoire.

• Comment faites-vous la distinction entre migrants économiques et réfugiés politiques ?

Il y a un organisme en France qui est chargé justement de faire la distinction. C’est l’OFPRA, l’office français de protection des réfugiés et des apatrides. Il y a des critères bien précis pour pouvoir accorder le statut de réfugié politique, en accord avec nos engagements internationaux.

• Dans quelle mesure souhaitez-vous « fermer les frontières » et/ou « stopper l’immigration » ?

Il faut absolument assurer un véritable contrôle des frontières à l’intérieur et à l’extérieur de l’UE et négocier un nouveau traité pour remplacer Schengen. La France et l’Europe doivent avoir le contrôle de leurs frontières. Cela ne pourra se faire qu’en donnant à Frontex, l’agence européenne chargée des frontières extérieures des moyens sans commune mesure avec ceux dont elle dispose aujourd’hui. Il faut aussi conclure des accords souverains avec les pays d’origine des migrants économiques pour rendre leur réadmission effectiv
Enfin, nous ne réussirons pas sur le long terme si, d’une part, n’est pas mis en place au niveau international une gestion coordonnée de ces phénomènes et si, d’autre part, nous ne contribuons pas à régler, dans les pays d’origine, les causes de ces départs. Sur le premier point, il faudra mobiliser l’Europe et ses moyens financiers pour un traitement digne et soutenable des réfugiés dans le voisinage de la Syrie en attendant un règlement politique permettant leur retour. Et il faudra engager une coopération internationale dans les enceintes pertinentes de l’ONU. Sur le second, je propose de lier davantage nos politiques de développement aux efforts faits par les pays de départ pour une gestion responsable des migrations.


3. L’Europe et la Russie :

• Face aux velléités expansionnistes du Président Poutine (déjà éprouvées en Crimée) et face à l’éventuel effacement des Etats-Unis au sein de l’OTAN (déclarations de Trump en la matière), pensez-vous qu’il faille contenir la démarche des Russes et comment comptez-vous soutenir les Etats baltes proeuropéens s’ils étaient menacés ?

Je ne suis ni poutinolâtre, ni poutinophobe. Je défends les intérêts de la France et de la paix. C’est tout.

Mon message à la Russie est simple : la Russie et l’Union européenne ne sont pas des rivales
Mais il appartient aussi à la Russie de tourner la page de l’après-guerre froide, de renoncer aux nostalgies passéistes et aux divisions d’autrefois, et de respecter les accords internationaux qui fondent la paix européenne. Le rapport de force, le réarmement et les vieilles logiques de blocs, en mer Baltique, en mer Noire ou ailleurs, ne peuvent être les seuls critères d’une diplomatie. Ils n’aboutissent qu’à la confrontation – et elle viendrait vite si des membres de l’OTAN étaient menacés.

Un partenariat avec la Russie est possible . Notre dialogue politique doit reprendre. Je souhaite qu’une pleine application des accords de Minsk avec l’Ukraine permette une levée des sanctions et une baisse des tensions.

• Partagez-vous l’idée que le modèle russe, qui séduit beaucoup de courants politiques en Europe, est « autoritaire et nationaliste » ? Pensez-vous que cela soit un problème ou représente une menace pour l’Europe ?

Nous savons très bien ou mènent l’autoritarisme et le nationalisme en Europe et cela nous rappelle les heures sombres des années 1930, de la Grande Dépression et les ferments des pires abominations qui soient.

• Face à la montée des partis populistes en Europe, quel modèle pensez-vous que la France doit incarner en Europe ?

La France a une responsabilité particulière en Europe. Membre fondateur de l’Union européenne, dorénavant seul membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies et seule puissance nucléaire de l’Union Européenne , elle doit porter un message de paix mais aussi de fermeté face aux entorses à la règle de droit et aux ingérences. Elle ne pourra y parvenir que si elle est crédible. Crédible en combattant le terrorisme tout en respectant l’état de droit. Crédible en réussissant son redressement économique, condition de notre compétitivité et de la pérennisation de notre modèle social, tant envié ailleurs en Europe.

• Dans la résolution du conflit en Syrie, s’il fallait négocier avec la Russie et ses alliés (Iran, Hezbollah), quelle solution politique la France défendrait-elle ?

En Syrie, nous sommes dans une impasse totale. Les trêves échouent les unes après les autres. Nous ne devons pas renoncer à l’exigence de justice et de paix pour le peuple syrien. Nous avons une priorité, combattre Daech. Mais ce ne peut être une raison pour, comme le fait la Russie en voulant liquider toute opposition respectable au régime, s’allier avec Assad, qui est responsable de la mort d’au moins 300 000 de ses compatriotes. Je suis d’ailleurs très préoccupé à l’idée d’une alliance impliquant la Russie, l’Iran et le Hezbollah dont je rappelle que c’est une organisation terroriste qui menace la sécurité d’Israel. La Russie doit donc réfléchir sérieusement et sincèrement à une solution politique. Attendre encore et bombarder toujours, avec l’illusion d’une victoire totale, c’est se rendre complices de crimes de guerre et, pour la Russie, prendre le risque de s’enliser dans un nouvel Afghanistan.


4. Moyen et Proche-Orient :

• Si vous étiez élu Président de la République, quelle initiative française engageriez-vous pour accompagner la reconstruction du Moyen-Orient ?

La situation au Moyen-Orient est source d’inquiétudes, la zone concentrant tous les types de crises. L’élection du nouveau président américain va conduire à des changements profonds, dont on ne connait ni les orientations qui seront réellement prises, ni leurs effets de long terme. La communauté internationale doit s’engager davantage. Ce doit être le fait des Etats-Unis, qui doivent résister à la tentation isolationniste. Mais ce doit être aussi le cas de l’Union européenne, dont nous devrons remobiliser les membres pour qu’ils s’engagent de manière beaucoup plus homogène, cohérente et forte.

• Quelle place accordez-vous à la relance du processus de paix israélo-palestinien ? Sur ce dossier, toute initiative sans l’accord des deux parties est-elle envisageable ?
J’ai toujours été l’ami d’Israël, convaincu que sa sécurité n’est pas négociable et que nos deux pays sont liés par des liens d’une force inaltérable tissés par l’histoire et la foi commune dans la démocratie entre autres. Je suis convaincu aussi que la paix et la sécurité au Proche-Orient passent par un accord durable entre les Israéliens et les Palestiniens, c’est-à-dire par l’existence de deux Etats, vivant dans des frontières sûres et reconnues, capables de garantir leur sécurité, ayant Jérusalem pour capitale. Ceci exige des négociations et il est du devoir de la communauté internationale de tout faire pour qu’elles reprennent directement entre les deux parties car le blocage actuel est excessivement dangereux. Je le souhaite notamment pour la sécurité d’Israel.


• L’Etat d’Israël est très attaché à l’unité de sa capitale Jérusalem : dans le cadre d’un accord de paix, quelle serait votre position concernant le statut final de Jérusalem ? Des réfugiés palestiniens ?

Pour ma part, je suis et serai toujours attentif à ce que soit garanti le respect des lieux sacrés du judaïsme à Jérusalem et reconnu le lien indissoluble entre le judaïsme et Jérusalem. Cette ville revêt une importance capitale pour les trois grands monothéismes. Et nul ne saurait se voir contester ce droit fondamental qu’est l’accès aux Lieux Saints de sa foi. C’est la raison pour laquelle je suis attaché à ce que soit respecté le statu quo sur Jérusalem, d’autant plus nécessaire dans les moments où, comme celui que nous vivons, les tensions s’exacerbent.

• Comment l’aide apportée à l’Autorité palestinienne, hélas souvent détournée, pourrait-elle gagner en efficacité et permettre un renouvellement de son leadership ?

L’aide apportée à l’Autorité palestinienne sert à consolider ses institutions. Elle n’a pas vocation à accélérer ou à ralentir le renouvellement du leadership, question à laquelle seuls les Palestiniens peuvent répondre.

• Enfin, si vous êtes élu au second tour, comptez-vous vous rendre au Moyen-Orient et en Israël avant l’élection présidentielle ?

J’aime énormément cette région, que je connais bien. Un voyage sur place en amont du premier tour de l’élection présidentielle fait naturellement partie des déplacements importants que j’effectuerai .