Par Le Monde – Benjamin Barthe
La répression du régime et la radicalisation des groupes armés ont eu progressivement raison des idéaux du soulèvement de la ville, en 2012.
La révolte d’Alep a commencé une belle journée de printemps par des chants, des pas de danse et des slogans insolents. Sur le campus de l’université, le 17 mai 2012, la venue d’un groupe d’observateurs des Nations unies a provisoirement éloigné les chabihas, les hommes de main du régime Assad. Leur descente, deux semaines plus tôt, dans les dortoirs en ébullition s’était conclue par la mort de quatre étudiants, dont un défenestré.
Des centaines de jeunes profitent de l’aubaine pour se rassembler sur le parvis et entonner l’hymne des révolutions arabes : « Al-chaab, yourid, izqat al-nizam » (« le peuple veut la chute du régime »). Pendant une petite heure, avant que des jets de gaz lacrymogène ne renvoient les frondeurs dans leur chambre, un parfum d’insoumission j amais vu flotte sur l’établissement.
La protestation rebondit le lendemain, un vendredi consacré aux « héros de l’université ». Dans plusieurs quartiers, notamment Salaheddine et Seïf Al-Daoula, des zones de HLM, dans le sud- ouest de la métropole, plusieurs milliers de personnes crient leur soif de liberté. Sur les toits, en surplomb, une nouveauté : des hommes équipés de kalachnikovs, membres de cette Armée libre syrienne (ASL) dont les médias parlent de plus en plus, protègent les protestataires.
Des habitants grimacent. Leur ville est restée très majoritairement à l’écart des troubles qui, depuis un an, secouent les autres grandes villes, comme Homs, Hama et Damas. Alep l’industrieuse, ex- capitale économique du pays, n’est pas sûre d’avoir envie de « révolution ». La bourgeoisie des quartiers ouest, objet de la méfiance d’Hafez Al-Assad, qui voulait punir la ville de s’être ralliée au soulèvement des Frères musulmans en 1979-1980, a bénéficié du processus de libéralisation économique lancée par son fils, Bachar Al-Assad, arrivé au pouvoir en 2000.
Les classes populaires, qui s’entassent dans les quartiers déshérités de l’est, sont les laissées-pour- compte de cette nouvelle politique. Mais elles ont gardé en mémoire l’extrême férocité de la répression qui, en 1980, avait causé des milliers de morts, mitraillés par des hélicoptères qui décollaient de la vieille citadelle. Alep a trop peur ou trop à perdre.
« avertissement »
Et le régime joue à merveille de ses réticences. Il coopte, infiltre, distribue de l’argent, agite l’épouvantail du sectarisme, menace et surtout terrorise. Les meneurs les plus politisés disparaissent un par un dans les geôles des moukhabarat, les services de renseignement tentaculaires du régime.
Une manifestation de médecins, pourtant organisée par un syndicat officiel, a fait l’objet d’une attaque par des gros bras, armés de petits couteaux très effilés, qu’ils plantent dans les côtes des marcheurs, en leur glissant à l’oreille : « C’est un avertissement. »« Nous n’y sommes jamais arrivés, le pouvoir était trop fort et l’affluence aux manifestations insuffisante », reconnaît Bassam Hajji Moustafa, un ex-communiste kurde, réfugié dans le sud de la Turquie, et qui fut l’un des cerveaux de cette révolution impossible.
Au nord de la métropole, de gros bourgs agricoles comme Azaz, Tel Refaat et Marea se sont libérés, avec l’aide de déserteurs de l’armée et de la police. Rejoints en douce par des étudiants écœurés par la répression, ils forment le noyau dur de l’ASL. Un label qui recouvre une collection de bandes armées, équipées de bric et de broc, d’inspirations variées mais qui partagent toutes la conviction que le régime ne peut pas se combattre à mains nues. Le coup d’éclat des 17 et 18 mai 2012 survient trop tard. C’est même le chant du cygne du soulèvement populaire et pacifique. Le régime a voulu la guerre, il l’aura.
Sa préparation, dans le camp des anti-Assad, est l’affaire d’un drôle de duo : Abdel Kader Saleh, un marchand de miel de Marea, trentenaire pieux, a fédéré les principaux groupes armés de la province d’Alep au sein de la Liwa Al-Tawhid, le Bataillon de l’unicité ; et Abdel Jaber Al-Okeïdi, un ex-colonel moustachu de l’armée régulière, âgé d’une cinquantaine d’années, a dressé les plans d’attaque.
L’offensive est lancée le 20 juillet 2012 à l’aube, elle est fulgurante. Les sans-culottes du nord s’emparent de tout le nord-est de la ville, dont les quartiers de Hanano et Sakhour, tandis que des cellules dormantes se soulèvent à Salaheddine, dans le sud, assistées par des renforts venus de la province voisine d’Idlib. « Le soir, on a fermé les yeux. Quand on les a rouverts, l’ASL était partout », raconte un étudiant.
Dans les rues, pas de liesse populaire. Les visages sont intrigués, inquiets, personne ne sait trop à quoi s’en tenir. Qui sont ces campagnards, en claquettes et tee-shirt camouflage, qui prétendent venir les libérer, eux, les habitants d’Alep ? Seuls les quartiers acquis à la cause de la « révolution » se réjouissent ouvertement. Pas pour longtemps.
Les autorités syriennes, qui se savent hors de danger tant que les deux principales villes du pays, Damas et Alep, restent sous leur férule, réagissent au quart de tour. D’énormes tanks russes, les T72, conçus pour les charges en rase campagne, crachent leurs obus sur les façades de Salaheddine. Bientôt, les chasseurs bombardiers Mig entrent en action. Des immeubles entiers s’écroulent sur leurs habitants. L’aviation syrienne se spécialise dans le pilonnage des files d’attente devant les boulangeries. Human Rights Watch en recense dix à la date du 30 août. A chaque fois, des corps en charpie, d’hommes, de femmes et d’enfants, sont retirés des gravats.
Ces images, poissées de sang et de poussière, seront la signature de la guerre en Syrie. Incapable de juguler l’insurrection, le régime s’attaque à sa base, son environnement, pour forcer la population à fuir ou à haïr les rebelles. Une tactique contre-insurrectionnelle classique, inaugurée à Bab Amr, le réduit rebelle de Homs, à l’hiver 2012 et systématisée, ici, à Alep, pendant l’été. Faute d’attraper les poissons, on asséchera l’étang. Début septembre, l’un des chefs de la contre-offensive jure que les secteurs orientaux de la ville seront repris « d’ici dix jours ». Il se trompe.
En face, les rebelles gagnent du terrain dans la vieille ville. Ils compensent la faiblesse de leur armement par une fluidité à toute épreuve. Le quartier de Bab Al-Nayrab tombe le 31 juillet au prix de l’exécution de Zeino Berri et ses acolytes, une bande de chabihas qui vient de tendre un guet- apens mortel à des combattants de la brigade Tawhid. Les images du simulacre de « procès » du vieux chef de gang, le visage tuméfié, puis de son mitraillage sous les vivats de la foule, inondent l’Internet. C’est la première exaction de taille des rebelles d’Alep, loin d’être la dernière.
Deux mois plus tard, les vieux souks d’Alep, fleuron du patrimoine multiséculaire de la ville, partent en fumée. Les échoppes aux portes en bois, remplies d’étoffes et de broderies, ont pris feu dans les combats. Les deux camps se rejettent la responsabilité de ce désastre, vite éclipsé par de nouveaux bombardements. Toute l’énergie des cadres de l’ASL est tendue vers la libération de la partie ouest d’Alep.
Désormais en possession de deux postes frontières avec la Turquie, Bab Al-Hawa à l’ouest et Bab Al-Salama au nord, les rebelles pensent disposer d’une profondeur stratégique suffisante pour éviter le sort dramatique de leurs frères d’armes de Homs : dans cette ville plus au sud, les opposants sont acculés dans la casbah, à la merci de l’artillerie du régime. « On a la campagne qui est libérée et on a beaucoup de combattants, s’enthousiasme Abdallah Yassine, un chef de l’ASL. Il est impossible de nous encercler. » Il se trompe aussi.
L’espoir va durer un an et demi, jusqu’au début de l’année 2014. Saignée par les défections, sollicitée dans tous les coins du pays, l’armée recule peu à peu. Elle perd le contrôle des environs de l’aéroport international, les vols sont suspendus au début de l’année 2013. Elle perd aussi son principal bastion, dans la banlieue ouest d’Alep, la base 46, ce qui place les quartiers sous contrôle gouvernemental en état de siège. Ils ne peuvent plus être ravitaillés que par hélicoptères ou des routes détournées, exposées aux tirs adverses.
A l’est, on tente de s’organiser. Pour endiguer la dérive milicienne, symbolisée par le massacre des Berri et de nombreux cas de pillage, dans l’immense zone industrielle de Cheikh Najjar notamment, une « instance légale » (Hay’a char’iyya) est mise en place par la Brigade Al-Tawhid. Une entité hybride, à la fois tribunal et force de police, dont les décisions dérivent d’un mélange de droits islamique et coutumier, mais aussi et surtout du rapport de forces entre les unités rebelles. La Hay’a sévit d’autant plus facilement que le coupable n’a pas de soutien puissant.
Avec le soutien de militants souvent issus des quartiers ouest, les civils se mobilisent pour empêcher que les combattants confisquent la gestion de la ville. De nombreuses ONG sont créées, pour répondre aux urgences humanitaires, mais aussi rouvrir les écoles, fournir une formation aux femmes, etc. Un ersatz de municipalité est formé. Durant son séjour à Alep-Est, en juillet 2013, l’historien français Jean-Pierre Filiu, spécialiste du Proche-Orient, tombe même sur plusieurs cortèges de protestation. « Le peuple veut qu’on répare l’électricité », scande le premier, un clin d’œil au slogan phare des révolutions.
« Ramassis de bandits »
« L’ASL n’est qu’un ramassis de bandits de grand chemin », entend-on à un autre rassemblement, peuplé de figures de la résistance civile. « “La liberté se mérite aussi à mains nues, loin des lignes de front”, voilà ce que revendiquent les protestataires impatients », souligne Jean-Pierre Filiu dans Je vous écris d’Alep (Denoël, 2013), le récit de son immersion dans le volcan alépin. Sur le fronton de la mairie révolutionnaire, rapporte-t-il, un graffiti géant proclame : « La légitimité est au peuple et la religion à Dieu. »
Cette impeccable profession de foi laïque vise les islamistes, de plus en plus présents sur les lignes de front. Il s’agit de djihadistes étrangers, qui arrivent par bus entiers de la frontière, profitant de la complaisance des douaniers turcs. Ils rejoignent des salafistes syriens, que Bachar Al-Assad, expert en instrumentalisation des groupuscules islamistes, a opportunément libérés de ses geôles. On trouve aussi des cadres de l’ASL dévoyés, prêts à tout pour capter les valises de dollars, collectées par les prédicateurs du Golfe pour leurs « frères sunnites de Syrie ». Et puis des simples soldats, que le supplice des bombardements et les gesticulations stériles des capitales occidentales radicalisent peu à peu.
Les plus fanatisés – ou les plus ambitieux – rejoignent deux groupes en pleine ascension, le Front Al-Nosra et l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL). Le premier s’établit en ville, à la fin de l’année 2012, en se présentant comme un invité, au service de la révolution et de la population. Sa maîtrise de l’attaque suicide décime les rangs de l’armée régulière, et dévaste aussi des lieux publics, comme la place Saadallah-Al-Jabri, au cœur de l’Alep gouvernemental, théâtre d’un triple attentat, qui fauche une cinquantaine de personnes, en octobre 2012.Ses membres, plus disciplinés que les brigades de l’ASL, sont vus d’un bon œil par une partie des habitants, notamment des commerçants. « Ils ne volent pas », pouvait-on entendre alors.
Le deuxième groupe, émanation d’une branche renégate d’Al-Qaida en Irak, émerge au printemps 2013, tente une OPA sur son rival, qui la rejette, préférant rester fidèle à Ayman Al-Zawahiri, le successeur d’Oussama Ben Laden. A rebours du Front Al-Nosra, qui affecte de se fondre dans la rébellion, les recrues de l’EIIL, principalement étrangères, imposent leur loi dans les localités qu’elles contrôlent, ce qui occasionne des affrontements croissants avec l’ASL.
Profitant de ces divisions, les troupes gouvernementales, désormais épaulées par le Hezbollah, le parti milicien chiite libanais, rompent le siège d’Alep-Ouest en novembre 2013 et repartent à l’offensive. L’armée régulière reprend le contrôle des environs de l’aéroport et parvient à éliminer, par une frappe ciblée, Abdel Kader Saleh, l’un des artisans de l’offensive de juillet 2012. Le bataillon Al-Tawhid ne résistera pas à la disparition de son chef charismatique. Quelques jours plus tôt, son ex-comparse, Abdel Jaber Al-Okeidi, avait rendu son tablier de commandant de l’ASL à Alep, exaspéré par le manque de discipline de ses hommes.
Pour sortir de cette mauvaise passe, les rebelles se résolvent à ouvrir un deuxième front : contre les djihadistes de l’EIIL. En janvier 2014, ils les délogent de l’hôpital pour enfants, dans le quartier de Kadi Askar, dont ils avaient fait leur quartier général alépin et de la zone industrielle de Cheikh Najjar, transformée en geôles pour journalistes occidentaux. Pourchassés par une alliance de brigades islamisto-nationalistes, les djihadistes au drapeau noir doivent se retrancher dans l’est de la province. L’opération est un succès, mais elle survient trop tard. L’EIIL dispose déjà de solides bases, comme Manbij et Al-Bab, d’où il repartira régulièrement à l’assaut des rebelles, obligeant ceux-ci à combattre simultanément sur deux fronts.
Parallèlement, le blitz du régime s’accentue. Son arme de prédilection, ce sont les barils explosifs : des fûts de 500 kilos, remplis de TNT et de ferraille, largués par hélicoptère. Une tactique du tiers- monde, que le régime a industrialisée. Produits à la chaîne dans une usine des environs d’Alep, ces engins pulvérisent les districts rebelles avec la régularité du marteau-pilon, pâté d’immeubles par pâté d’immeubles. Ils s’ajoutent aux raids des Mig et aux tirs de missiles balistiques Scud, plus rares, mais immensément dévastateurs. Des milliers de personnes, principalement civiles, périssent dans ce déluge de feu quotidien.
En retour, les insurgés se mettent à bombarder les quartiers ouest. Leurs armes du pauvre à eux, ce sont des bonbonnes de gaz bourrées d’explosifs. Tirés par un gros canon, ces projectiles, et d’autres plus classiques, comme des mortiers, causent des centaines de victimes dans la partie occidentale de la ville. En 2012 et 2013, plusieurs attaques à l’ouest avaient suscité la suspicion, notamment une double explosion à l’université, fatale à plus de 80 personnes, que de nombreux militants anti-Assad avaient attribuée au régime.
Mais cette fois, le doute n’est plus permis. Démoralisés, marginalisés, les pionniers du soulèvement de 2012 quittent l’un après l’autre les quartiers est. « Tout le monde se bat contre tout le monde alors que le régime continue à nous bombarder, vitupère Marouan Abou Omar, alors en partance pour les Pays-Bas. La vérité, c’est que nous sommes perdus. »
Une autre figure de la société civile d’Alep-Est, la chrétienne Marcell Shehwaro, responsable d’un réseau d’écoles primaires, est incarcérée pendant quelques jours, en mars 2014, en raison de son refus de porter le voile. Elle s’exile en Turquie peu après. « L’entrée des groupes armés a Alep été une erreur, maugrée Mohannad Ghabash, l’un des meneurs de la révolte de l’université. Les opposants se sont transformés en humanitaires, se sont épuisés à gérer l’impossible, tout en perdant le contact avec la partie ouest, dont ils étaient souvent originaires. C’est ce que voulait le régime. »
La chute de Cheikh Najjar en juillet 2014 ferme une première voie d’approvisionnement des anti- Assad. L’inquiétude monte d’un cran supplémentaire lorsque le Front Al-Nosra, à l’automne de cette année, s’attaque à plusieurs unités de l’ASL. En réaction à cette double menace, une large coalition est créée à la fin de l’année. Baptisée Front du Levant, elle rassemble la plupart des groupes armés non djihadistes de la région d’Alep, des salafistes d’Ahrar Al-Cham aux brigades de l’ASL.
Ce sursaut permet de repousser une première tentative d’encerclement des quartiers est. Sous la pression et fortement affaibli par l’attrait de l’EI qui a saigné ses effectifs, le Front Al-Nosra consent à redéployer ses hommes hors d’Alep. Mais les conflits entre groupes réapparaissent très vite et, au printemps 2015, le Front du Levant se désagrège.
Dans leur quête effrénée d’armes et d’argent, les chefs rebelles se sont placés sous la tutelle de bailleurs étrangers – turcs, qataris, saoudiens et américains – dont les objectifs divergents accentuent la zizanie au sein de l’insurrection. La grande offensive promise à l’été 2015 pour « libérer Alep-Ouest » fait flop. L’administration Obama, qui donne la priorité à la lutte contre l’organisation Etat islamique (EI) – le nouveau nom de l’EIIL –, y met son veto.
Moscou, allié de Bachar Al-Assad, s’engouffre dans la brèche. L’intervention de son aviation dans le ciel de la Syrie, à partir de septembre 2015, chamboule la donne. Sous la couverture de l’armada aérienne russe, les forces loyalistes s’emparent, en juillet 2016, de la route du Castello, l’ultime axe de ravitaillement d’Alep-Est. Le siège des quartiers rebelles, repoussé à de multiples reprises, est désormais réalisé.
Le Front Al-Nosra, qui s’est refait une santé dans la province voisine d’Idlib, a fait son retour dans Alep. Les chefs rebelles hostiles à ce retour unilatéral n’ont plus ni la volonté ni les moyens de s’y opposer et la population, à bout, ne supporte plus les divisions entre factions. La présence des quelques centaines d’hommes d’Al-Nosra, sur environ 8 000 défenseurs, devient le principal argument avancé par Moscou pour pilonner les « terroristes » à Alep et déplorer l’absence d’interlocuteur présentable côté rebelle.
A deux reprises, le Front Al-Nosra – devenu Front Fatah Al-Cham – tente de casser le siège. En vain. Les protestations des Nations unies, qui avaient patronné à l’hiver un simulacre de négociations, sont balayées par Moscou. Son aviation bombarde même un convoi humanitaire en octobre, à l’ouest de la métropole syrienne, faisant une vingtaine de morts.
Tactique de la terre brûlée
A l’intérieur des quartiers rebelles, la situation vire au cauchemar. Les réserves de nourriture s’épuisent et la famine menace. Les infrastructures encore debout, comme les hôpitaux, sont systématiquement visées par la chasse russe, fidèle à la tactique de la terre brûlée suivie par Damas. Le nombre d’établissements médicaux encore en activité passe de 10 en juin, à 8 en octobre, puis 4 et finalement 0, le 18 novembre.
Le rouleau compresseur russe oblige les parrains de la rébellion à se détourner d’Alep. C’est surtout le cas de la Turquie, ex-meilleur ennemi du régime Assad, qui décide de limiter ses ambitions en Syrie à la lutte contre l’EI et le séparatisme kurde. Au mois d’août, Ankara impose même à ses « clients » au sein de la rébellion de lui envoyer plusieurs milliers de combattants, prélevés sur le front d’Alep, pour déloger les djihadistes de l’EI de la zone frontalière.
Leur absence se fera cruellement sentir le 15 novembre, quand, après un mois d’accalmie, les troupes pro-Assad lancent l’assaut final. Submergés par la puissance de feu de leurs adversaires, brisés par cinq ans et demi de guerre ininterrompus, les rebelles battent en retraite. Leurs quartiers tombent les uns après les autres aux mains des unités d’élite de l’armée syrienne, assistées par des miliciens chiites venus du Liban, d’Irak et d’Afghanistan. Les pionniers du soul èvement de 2012 assistent, interdits, à l’effondrement de leur utopie. La bataille finale a pris un mois. Mais les plus lucides le savent : cela fait deux ans que « la révolution » avait perdu Alep.
Alep, chronique d’une révolution impossible
- 14 décembre, 2016
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