Syrie : à Genève, l'opposition en ordre dispersé face au régime

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Par Le Figaro – Georges Malbrunot


VIDÉO – Aucune percée n’est attendue pour cette quatrième session de discussions, placées sous l’égide de l’ONU.

De notre envoyé spécial à Genève

À l’entrée du Palais des nations à Genève, quelques militants kurdes oubliés des négociations agitent leur drapeau devant une poignée d’opposants syriens venus rappeler le drame que traverse leur pays depuis six ans. Le redémarrage, jeudi sous l’égide de l’ONU, des pourparlers entre le régime de Bachar el-Assad et son opposition n’a pas attiré les foules.Personne n’est optimiste. Aucune percée n’est attendue pour cette quatrième session de discussions. L’opposition est toujours autant divisée. Les États-Unis sont absents. Le représentant de l’ONU et arbitre des débats, Staffan de Mistura semble sur un siège éjectable. Quant à la Russie, acteur majeur du conflit, elle pourrait parier sur un échec de ces pourparlers, dont nul ne sait combien de jours ils dureront.

Dans une salle du Palais des nations, les protagonistes d’un conflit qui a fait plus de 300.000 morts devaient se faire face en fin de journée, après plusieurs heures de palabres pour répondre aux exigences des uns et des autres. Seul de Mistura a pris la parole pour cette première séance plénière. Autour de lui, d’un côté, le chef de la délégation du régime, le très chevronné Bachar Jaafari, ambassadeur de la Syrie aux Nations unies. De l’autre, ses opposants, mais répartis en groupes et aux intérêts souvent divergents. Le Haut Comité des négociations (HCN), soutenu par l’Arabie saoudite, la France et le Qatar notamment. Le Groupe, dit du Caire, soutenu par l’Égypte et les Émirats arabes unis, dirigé par l’ancien diplomate et opposant modéré, Jihad Maqdissi. Et enfin, le groupe dit de Moscou, avec à sa tête Qadri Jamil, un ancien vice-premier ministre d’Assad, proche de la Russie.

«On a tenté d’unifier la délégation des opposants», nous confiait en milieu d’après-midi Jihad Maqdissi, «mais c’est difficile». Autour de la table, le HCN compte dix délégués, les deux autres formations chacune cinq. Un savant dosage qui tient compte de la nouvelle donne sur le terrain, marquée par un affaiblissement des opposants pro-occidentaux et le renforcement des différents relais prorusses. «Il y a fort à parier que Bachar Jaafari tirera parti de cette division entre ses adversaires pour affirmer qu’il n’a pas d’interlocuteur crédible en face de lui», redoutait, avant même l’ouverture des discussions, un diplomate onusien qui a œuvré à leur tenue.

Des agendas bien différents

Sourd aux appels de son allié russe de suspendre ses frappes aériennes pendant les pourparlers, Damas a encore bombardé jeudi des positions rebelles à Deraa (Sud) et près de Hama (Centre). De leur côté, les opposants du HCN ont, à la surprise générale, demandé de négocier directement avec le régime. Jusqu’à maintenant, le HCN était plus que réticent à s’asseoir face aux «criminels» chargés de défendre la politique d’Assad.

«Mais il y a eu Astana», relève le diplomate onusien. Il fait allusion à la dernière session de discussions, il y a un mois au Kazakhstan, organisée par les trois principaux acteurs de la guerre en Syrie – la Russie, l’Iran et la Turquie – au cours de laquelle pour la première fois, les rebelles en armes ont négocié face aux représentants de Damas. «Il y a maintenant une compétition entre les représentants politiques de l’opposition et les combattants qui négocient à leur tour, les politiques ne veulent pas se faire dépasser par les hommes en armes», décrypte le diplomate.

Théoriquement, les agendas sont pourtant différents. À Astana, on a discuté du cessez-le-feu, entré en vigueur après la défaite des rebelles d’Alep fin décembre, et tant bien que mal respecté depuis. À Genève, on parlera politique. Mais de quelle politique? Là encore, les interprétations divergent. «Nous sommes là pour discuter d’une solution politique, affirme Anas al-Abdeh, un ténor de l’opposition pro-occidentale, et pour cela, Assad doit partir», car aucun problème ne sera résolu «tant qu’il restera au pouvoir». Pas question, devrait répondre Bachar Jaafari, répétant une fois encore que ce sera aux Syriens de se prononcer sur cette question lors d’élections.

Pour l’ONU, trois dossiers sont à l’ordre du jour de ces pourparlers: la gouvernance du pays, des élections et une nouvelle Constitution, comme le prévoit la résolution 2254 des Nations unies adoptée fin 2015. Pour ne pas décevoir les opposants du HCN, un proche de Staffan de Mistura a rappelé que «la transition politique sera bien» au menu des discussions. «On peut mettre beaucoup de choses dans le volet gouvernance», sourit le diplomate de l’ONU précité. Mais avec le recul de la rébellion anti-Assad après sa défaite à Alep, les représentants de celle-ci à Genève risquent de peiner à imposer leurs vues. «Constatant un échec, la Russie pourrait avoir intérêt à proposer un retour au format plus réduit d’Astana qui, lui, a donné quelques résultats», anticipe déjà un diplomate occidental.


Les rebelles disent avoir repris al-Bab, fief de l’EI

Trois groupes rebelles syriens proturcs ont annoncé jeudi avoir pris la ville d’al-Bab, fief de l’État islamique (EI) dans la province d’Alep, Ankara précisant toutefois que de vastes opérations de ratissage sont encore en cours. «Nous annonçons la libération totale de la ville d’al-Bab, située à 25 km au sud de la frontière turque, a indiqué Ahmad Othmane, chef du groupe rebelle syrien Sultan Mourad. Nous procédons au déminage des quartiers résidentiels.» «Hier (mercredi), nous avons pris le centre-ville qui était le quartier général de l’EI (…) les djihadistes se sont effondrés et, ce matin, nous avons parachevé l’opération», a affirmé Saïf Abou Bakr, chef de la formation rebelle al-Hamza. Le ministre turc dela Défense, Fikri Isik, s’est montré un peu plus prudent, indiquant à l’agence Anadolu que «la ville d’al-Bab est désormais presque entièrement sous contrôle». Les forces d’Ankara «sont entrées dans le centre-ville (…) Des opérations de ratissage de grande ampleur sont en cours», a-t-il ajouté. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), les rebelles ont pris près de la moitié des quartiers de la ville, mais des combattants de l’EI s’y trouvaient encore. Si la reprise totale d’al-Bab était confirmée par la Turquie, cela représenterait un succès majeur pour Ankara qui avait lancé fin août une opération militaire dans le nordde la Syrie pour chasser les djihadistes des environs de sa frontière.