La colonisation israélienne a-t-elle sabordé la solution à deux États ?

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Cyrille Louis – Correspondant à Jérusalem / Le Figaro

La communauté internationale semble vouloir durcir le ton à l’approche du 50e anniversaire de l’occupation de la Cisjordanie. Dans son rapport publié en juillet dernier, le Quartette pour le Moyen-Orient a appelé Israël à cesser une «politique continue de construction et d’expansion» qui, selon lui, «mine la viabilité d’un État palestinien».

«Absurde, lui a répondu Benyamin Nétanyahou par l’intermédiaire de son porte-parole: Les Juifs sont à Jérusalem et en Judée-Samarie depuis des milliers d’années et leur présence n’est pas un obstacle à la paix.



Quel est le statut juridique des colonies?

Il existe un très large consensus pour considérer que les colonies de peuplement établies par Israël au-delà des frontières du 4 juin 1967 (http://tinyurl.com/zxdun8f), la«Ligne verte», c’est-à-dire en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, sont illégales au regard du droit international.

La résolution 446 adoptée en 1979 par le Conseil de sécurité des Nations unies dispose que la politique de colonisation «n’a aucune validité juridique et constitue un obstacle sérieux à la conclusion d’une paix juste et durable au Proche-Orient». Cette position découle principalement de la 4e Convention de Genève, dont l’article 49- 6 interdit à la puissance occupante «de déporter ou de transférer une partie de sa population civile dans les territoires qu’elle occupe».

L’État hébreu soutient pour sa part que ce texte ne s’applique pas à la Cisjordanie dans la mesure où aucune souveraineté n’y était reconnue par la communauté internationale avant la guerre des Six-Jours, et moins encore à Jérusalem-Est puisque celle-ci fut annexée unilatéralement le 28 juin 1967.

S’engouffrant dans ce qu’ils présentent comme un vide juridique, les gouvernements successifs ont, au moins implicitement, encouragé l’installation de colons dans ces territoires en  garantissant leur sécurité, puis en développant les infrastructures et l’environnement réglementaire nécessaires à leur enracinement. Outre les 200.000 colons établis à Jérusalem-Est, ils sont aujourd’hui 385.900 à résider dans 130 implantations de Cisjordanie, qui ont été approuvées par les autorités.

Près de 5 000 habitent dans une centaine d’avant-postes «sauvages» créés après la signature des accords d’Oslo (1993), à un moment où le gouvernement s’était engagé à ne plus autoriser de nouvelles colonies. Sous pression de George W. Bush, les autorités israéliennes ont promis, au début des années 2000, de les démanteler mais elles tardent à traduire ces paroles en actes. Tout au contraire, elles se sont depuis 2011 employées à «légaliser» une trentaine d’avant-postes afin de ne pas avoir à en expulser les habitants.



Les colonies font-elles obstacle à la création d’un État palestinien viable?

Le gouvernement israélien, seul contre tous, jure que non. Benyamin Nétanyahou a publié début septembre une sidérante vidéo dans laquelle il accuse les Palestiniens, mais aussi les nombreux pays qui partagent leur refus de la colonisation, de promouvoir le «nettoyage ethnique» de la Cisjordanie aux dépens des colons juifs. «Le conflit dans lequel nous sommes enlisés a débuté bien avant l’établissement des premières implantations», plaide Michael Oren, vice-ministre israélien en charge de la diplomatie d’influence. Maire de la colonie d’Efrat et représentant du Conseil des implantations, Oded Ravivi souligne que «la superficie totale des localités juives représente seulement 4% à 6% de la Judée-Samarie (le nom biblique de la Cisjordanie, NDLR)». Il oublie de rappeler que 70% du territoire placé sous administration israélienne en vertu des accords d’Oslo (zone C), qui recouvre lui-même près des deux tiers de la Cisjordanie, ont progressivement été absorbés par les colonies ou transformés en domaine public géré par l’occupant. L’espace placé sous contrôle partiel ou total de l’Autorité palestinienne (zones A et B), par contraste, n’en représente que 40%. 

L’expansion des colonies a progressivement fait de ce lieu une mosaïque d’enclaves entre lesquelles la circulation, fastidieuse durant les périodes de calme, devient presque impossible lors de pics de violence (http://tinyurl.com/zf9hv4d). Elle empêche en outre l’accroissement des localités palestiniennes voisines et alimente le sentiment que les dirigeants israéliens cherchent à rendre impossible la création d’un État palestinien viable.

«Nous entendons dire que les constructions dans les colonies ne sont pas un obstacle à la solution des deux États, s’agaçait récemment l’envoyé spécial de l’ONU au Proche-Orient, Nikolaï Mladenov, mais laissez-moi demander en retour: comment la construction de 1700 maisons (depuis le début de l’année, NDLR) peut-elle créer de l’espoir pour les Palestiniens et apporter la sécurité aux Israéliens?»