Israël : Beit El, la colonie préférée du clan Trump

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Par le Figaro – Cyrille Louis


Située en plein cœur de la Cisjordanie, cette implantation emblématique, dont le nom est mentionné à quarante-quatre reprises dans la Bible, revêt pour le président républicain et les chrétiens évangéliques américains une importance toute particulière.

Envoyé spécial à Beit El (Cisjordanie)

Ce n’est sans doute pas pour sa vue imprenable sur les tours de Ramallah que le nouveau président des États-Unis et plusieurs de ses proches ont jeté leur dévolu sur la colonie israélienne de Beit El. Deux kilomètres à peine séparent cette implantation emblématique de la capitale palestinienne de facto. Quelque 7.000 colons y résident, aimantés par la colline où, selon la Bible, Dieu apparut en songe à Jacob pour promettre la terre d’Israël à ses descendants.

Donald Trump leur a fait don de 10.000 dollars en 2003 et les parents de son gendre, Jared Kushner, comptent parmi leurs bienfaiteurs habituels. Quant à David Friedman, qui doit prendre sous peu ses fonctions d’ambassadeur en Israël, il préside l’association des amis de la yeshiva (séminaire talmudique). Des plaques apposées sur plusieurs bâtiments saluent, ici et là, sa générosité.

«Nos liens sont si étroits que j’ai été convié à la cérémonie d’investiture de Donald Trump», fanfaronne le maire, Shaï Alon, qui dit avoir décliné. Les égards dont jouit la colonie, à l’entendre, reposent en grande partie sur le soutien de chrétiens évangéliques américains qui voient dans le peuplement juif de la Cisjordanie un signe annonciateur de la fin des temps – et nullement une violation caractérisée du droit international. «Ils sont chaque année plusieurs milliers à visiter Beit El, dont le nom est mentionné à quarante-quatre reprises dans la Bible et revêt à leurs yeux une importance comparable à celui de Hébron», assure Yael Ben Yachar, une guide touristique. L’aide apportée par une partie de la communauté juive américaine, précise le maire, a aussi notablement contribué au développement de l’implantation – notamment via le financement de sa crèche, de ses écoles et de son académie prémilitaire.

Plus encore qu’aux appuis venus de l’étranger, cependant, Beit El doit son «succès» à un fort rayonnement idéologique. Créée en 1977 par des militants du mouvement national-religieux Gush Emunim, cette colonie située en plein cœur de la Cisjordanie (14 kilomètres la séparent de la «ligne verte») incarne le dynamisme d’un courant qui domine le paysage politique. Ses habitants ne jurent que par le «Grand Israël» et le concept même d’État palestinien est, ici, un gros mot. «Les habitants de Beit El ne sont pas très nombreux mais ils occupent des postes stratégiques dans l’armée, l’éducation et le secteur économique», se réjouit Shaï Alon.

Le Foyer juif de Naftali Bennett, qui prône l’annexion d’une large partie de la Cisjordanie, a recueilli 60 % des voix aux législatives du printemps 2015. «Nous savons depuis bien longtemps que personne ne viendra démanteler notre communauté», sourit Hanoch Piotrkowski HaCohen, qui étudia au côté du père spirituel de la colonisation, le rabbin Zvi Yehouda Kook, et dirige aujourd’hui la yeshiva de Beit El.

La colonie, une fois franchi le check point qui en garde l’entrée, évoque une cité-dortoir où de coquets pavillons côtoient des préfabriqués spartiates, et dont la plupart des habitants s’échappent tôt le matin pour aller travailler à Jérusalem. On y trouve une épicerie, un garage automobile, une menuiserie et une usine produisant les phylactères que portent les juifs pratiquants à l’occasion de certaines prières. C’est ici aussi que le groupe de médias Arutz Sheva, créé en 1988 pour diffuser les idées du sionisme religieux, a établi son siège.

Les constructions sont, pour l’essentiel, implantées sur des terrains confisqués par l’armée à leurs propriétaires palestiniens après la conquête de juin 1967. La cour suprême a ordonné en 2012 le démantèlement d’un quartier situé à la périphérie de Beit El parce qu’il avait été construit sur des terres privées. De jeunes colons ont à l’époque tenté de s’opposer par la force à sa destruction, sans succès.

Signe que la colonie a le vent en poupe, Benyamin Nétanyahou y a autorisé mardi 24 janvier la construction d’une vingtaine de logements. Elle ne fait pourtant pas partie d’un de ces «blocs» situés le long de la ligne de cessez-le-feu qui, en vertu d’un assez large consensus, ont vocation à être rattachées à l’État hébreu en contrepartie de territoires équivalents, si Israéliens et Palestiniens parviennent un jour à se séparer. «Cette distinction n’a aucun sens», estime le maire de Beit El, convaincu que le ralliement du premier ministre à la solution des deux États, en 2009, «ne fut qu’une posture tactique destinée à gagner du temps face aux pressions de Barack Obama». «Cette terre appartient à l’histoire du peuple juif et il n’est pas question de la partager», appuie Claire Dana-Picard, qui a quitté la France en 1980 pour s’installer avec sa famille en Cisjordanie.

Contrairement à de nombreux Israéliens qui ont fait le choix d’emménager dans les «blocs» situés à proximité de Jérusalem pour trouver un logement abordable, cette journaliste de 63 ans a choisi Beit El par idéologie. Elle espère que l’élection de Donald Trump permettra d’en doper le développement après huit années d’une relative stagnation imposé par l’administration Obama. «J’ai besoin de construire au plus vite 500 logements, un gymnase et un supermarché», s’enthousiasme déjà le maire Shaï Alon. Hanoch Piotrkowski HaCohen, prudent, préfère pour sa part ne pas se réjouir trop vite. «Nous avons vu, dit-il, d’autres candidats proclamer leur amour d’Israël. Mais la plupart ont tôt ou tard fini par plier sous le poids de leur administration.»