Décret anti-immigration: Est-ce une nouveauté dans l’histoire américaine ? Donald Trump va-t-il trop loin ?

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Lundi 30 janvier, le président américain Donald Trump a de nouveau défendu le décret migratoire qu’il a signé trois jours plus tôt, interdisant pendant 90 jours l’entrée sur le territoire américain aux ressortissants provenant de « pays à risque » (« countries of concern ») : le Yémen, l’Iran, la Libye, la Somalie, le Soudan, la Syrie et l’Irak. Toutefois, une certaine confusion demeure toujours autour de cette initiative dénoncée par de nombreux chefs d’Etat mais aussi par une partie du monde des affaires. Intitulé « Protéger la nation contre l’entrée de terroristes étrangers aux Etats-Unis », le décret qui restreint l’immigration n’est pas une première dans l’histoire des Etats-Unis.

A la fin du XIXe siècle, plusieurs lois interdisaient aux Chinois et à presque tous les Japonais, de séjourner aux Etats-Unis. Ces lois sont renforcées, en 1921, pour s’appliquer à la quasi-totalité des pays asiatiques. En 1924, le Congrès adopte une loi fédérale qui limite l’immigration en favorisant les personnes originaires d’Europe occidentale, au détriment de celles venues d’Europe de l’Est, de presque tous les pays d’Asie, et d’Afrique.

En 1965, la loi sur l’immigration et la nationalité appelée « The Hart-Celler Act », interdit toute discrimination à l’égard des immigrés sur la base de leur origine. Ce texte traite chaque pays de manière équitable concernant la politique des quotas migratoires en place aux Etats-Unis. Mais pour défendre la fiabilité juridique de son décret, Trump invoque une loi de 1952, « The MacCarran-Walter Act » qui permet au président de « suspendre l’entrée » de  « certaines catégories d’étrangers » considérés comme préjudiciables pour les intérêts des Etats-Unis. Or le Congrès a depuis restreint ce pouvoir, estimant qu’aucune personne ne pouvait être « discriminée dans la délivrance d’un visa d’immigrant en raison de la race, du sexe, de la nationalité, du lieu de naissance ou du lieu de résidence ».

Dans une lettre ouverte adressée à l’administration Trump, d’anciens spécialistes de la politique étrangère et du contreterrorisme américain ont fustigé l’initiative du nouveau président. 119 anciens officiels qui ont travaillé sur la politique étrangère des Etats-Unis et la sécurité intérieure sous Georges Bush et Barack Obama ont également dénoncé le décret. Parmi les arguments évoqués, celui de la nationalité des terroristes. En effet, les derniers attentats menés sur le sol américain n’impliquaient pas de ressortissants des pays concernés. Douze terroristes ont conduit des attaques aux Etats-Unis depuis le 11 septembre, tuant 94 personnes mais aucun d’eux (tous étaient des citoyens américains ou résidants légaux) n’a émigré où est né d’une famille ayant émigré d’un des pays concernés par le décret de Donald Trump. Nombre de pays plus grandement concernés par le terrorisme comme le Pakistan, l’Afghanistan et l’Arabie saoudite, ne figurent pas sur la liste. Selon plusieurs experts, le décret donne du crédit à la propagande de l’Etat islamique et d’Al-Qaida, selon laquelle « les Etats-Unis sont en guerre contre l’islam », facilitant ainsi le recrutement de ces groupes terroristes. Dès le lendemain du décret, des djihadistes célébraient sur les réseaux sociaux « une victoire », saluant Donald Trump comme le « meilleur recruteur pour l’islam ».

Mais au-delà de toutes les problématiques soulevées par ce décret, celui-ci met en lumière la personnalité de Donald Trump. Non pas qu’il soit « imprévisible », comme beaucoup de médias et autres commentateurs l’ont dit – car pour l’heure, il applique son programme à la lettre, mais il est jusqu’au boutiste, prêt à aller à la confrontation, n’en déplaise à ses détracteurs, pour mener à bien ses idées. Il a vu mieux que d’autres, le rejet des élites américaines et poursuivra son discours populiste et guerrier. Il a poursuivi ses ambitions sans jamais céder, sans jamais s’excuser, et c’est dans ce cadre-là que s’inscrit sa politique. Qu’on respecte ses choix ou pas, on ne peut à l’évidence, le sous-estimer. Ni boutefeu, ni va-t-en-guerre, il pourrait se montrer plus réaliste qu’on ne l’a prédit. Le dernier communiqué de la Maison Blanche invitant Israël à la prudence concernant toute « initiative unilatérale », s’inscrit dans cette vision : « Si la colonisation n’est pas un obstacle à la paix, la construction de nouvelles colonies ou l’expansion des colonies existantes au-delà de leurs frontières existantes pourraient ne pas aider ».