Téhéran teste la détermination de Washington

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Par Le Monde – Marie Bourreau et Louis Imbert


A l’ONU, les Etats-Unis ont qualifié d’« inacceptable » le tir d’un missile balistique par l’Iran.

L’administration américaine n’a pas souhaité ouvrir une nouvelle confrontation diplomatique avec l’Iran, mardi 31 janvier, après avoir annoncé que le pays avait procédé à un tir de missile balistique de moyenne portée deux jours plus tôt. Pour sa première apparition devant le Conseil de sécurité des Nations unies, mardi, l’ambassadrice américaine, Nikki Haley, a vite appliqué les codes du langage diplomatique : la fermeté sur la forme, l’ambiguïté sur le fond.

Mme Haley a jugé ce tir « absolument inacceptable », sans préciser si les Etats-Unis le considéraient comme une « violation » effective de la résolution 2231 de l’ONU endossant l’accord international sur le nucléaire iranien, conclu à Vienne en juillet 2015. Washington avait convoqué cette réunion en urgence à la demande d’Israël, après que les deux pays ont annoncé la tenue du tir, que Téhéran n’a pas confirmée.

Selon Mme Haley, le missile pouvait transporter une charge de 500 kg et avait un rayon d’action de 300 kilomètres. Son véhicule de rentrée dans l’atmosphère aurait explosé avant la fin du vol, selon le Pentagone, qui dit ignorer si cette détonation était intentionnelle ou le fruit d’un accident.

Le chef de la diplomatie iranienne, Mohammad Javad Zarif, qui recevait, mardi, son homologue français, Jean-Marc Ayrault, a rappelé que les tirs de missiles ne faisaient pas partie de l’accord de Vienne et n’étaient pas interdits par la résolution 2231 de l’ONU.

L’Iran est déjà ulcéré par la signature d’un décret par le président Donald Trump interdisant l’entrée sur le territoire américain aux ressortissants de sept pays musulmans (Iran, Irak, Libye, Somalie, Soudan, Syrie et Yémen), parmi lesquels les Iraniens sont de loin les plus affectés. Téhéran avait donc enjoint mardi aux Etats-Unis de ne pas « provoquer de nouvelles tensions ».

« Violation flagrante »

Le langage de la résolution n’exprime pas d’obligation forte, laissant le champ libre aux interprétations. Le texte « appelle l’Iran à ne pas entreprendre d’activités liées aux missiles balistiques, conçus pour être capables de lancer des armes nucléaires » durant huit ans.

Ce texte révisait une précédente résolution de l’ONU qui interdisait explicitement à Téhéran de procéder à de nouveaux essais. Il avait permis la levée d’une grande partie des sanctions économiques internationales à l’encontre de l’Iran, début 2016. L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a vérifié par six fois depuis un an que l’Iran respectait ses engagements sur son programme nucléaire.

Téhéran a toujours défendu ces tirs comme faisant partie de son « programme défensif » et affirme que ses missiles ne sont pas destinés à porter d’éventuelles têtes nucléaires. En procédant à ce nouvel essai, les gardiens de la révolution, la principale force armée iranienne, réalisaient cependant un premier test de la fermeté de l’administration Trump à leur encontre. L’administration Obama avait répondu à au moins trois précédents tirs de façon mesurée, adoptant de nouvelles sanctions en janvier 2016 contre le programme balistique iranien, et convoquant une réunion du Conseil de sécurité en mars 2016.

Dans une vidéo postée sur son compte Facebook, le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a dénoncé dès lundi « une violation flagrante » de la résolution. Il promettait d’« évoquer le renouvellement des sanctions » lors de sa rencontre prévue en février avec le président Trump à Washington.

Durant sa campagne, le candidat Trump avait critiqué l’accord sur le nucléaire, promettant de le « déchirer » s’il était élu, et avait lié ces critiques au programme balistique iranien. Lors de son audition par le Congrès, le nouveau secrétaire américain à la défense, James Mattis, avait cependant jugé que les Etats-Unis avaient « engagé leur parole » sur cet accord « imparfait » et se devaient de « la respecter ».

« Nous n’allons pas rester les bras croisés »

La représentante américaine à l’ONU est restée très évasive malgré ses mots de fermeté. « Les Etats-Unis ne sont pas naïfs. Nous n’allons pas rester les bras croisés. Vous nous verrez leur demander des comptes. » Le « comité 2231 » de l’ONU, chargé du suivi du respect de l’accord, doit maintenant enquêter sur ce tir et faire un rapport au Conseil de sécurité dans les prochaines semaines.

Dans les rangs des diplomates, le message est clair. Le tir de missile par Téhéran est un « acte de défiance » et la réponse doit être « ferme ». Mais l’accord sur le nucléaire est « historique » et il est « important » de le sauvegarder. A Téhéran, Jean-Marc Ayrault a estimé que ces tirs « entrav[aient] le processus de restauration de la confiance mis en place par l’accord de Vienne ». A Paris, on juge qu’ils ne participent pas à maintenir le rôle de l’Iran dans la stabilité de la région.

La position de la nouvelle administration américaine sur l’accord nucléaire n’est pas pour autant clarifiée. Selon un ancien diplomate en Iran, « l’administration Trump va chercher l’occasion de faire ce qu’elle a promis : détricoter cet accord. Et même si ce test de missile ne le viole pas, on a bien vu ces dix derniers jours que le président Trump n’était pas homme à s’embarrasser des faits ».