Avigdor Lieberman, le glaive d'Israël

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Par le Figaro – Cyrille Louis


Ultranationaliste, le nouveau ministre israélien de la Défense a la réputation d’être un dur à cuire. Il a qualifié la conférence internationale sur le Proche-Orient , qui se tiendra ce 15 janvier à Paris, de nouveau «procès Dreyfus».

De notre correspondant à Jérusalem,

On se demandait un peu où était passé Avigdor Lieberman. Depuis sa nomination inattendue au ministère israélien de la Défense, en mai 2016, celui dont les coups de sang ont si longtemps ponctué la vie politique israélienne semblait avoir perdu la parole. Eclipsé le tempérament éruptif, remisées les tirades assourdissantes… jusqu’à ce lundi 26 décembre où le tribun ultranationaliste a soudain renoué avec ses vieux penchants pour s’en prendre à la France.

La conférence internationale que celle-ci prévoit d’organiser le 15 janvier prochain, a-t-il asséné, «est une version moderne du procès Dreyfus avec l’État d’Israël sur le banc des accusés». Et le chef des armées d’ajouter: «Il est peut-être temps de dire aux Français juifs: la France n’est pas votre pays, ce n’est pas votre terre. Quittez-la et venez en Israël.»

Cette attaque, aussitôt dénoncée par le Conseil représentatif des institutions juives de France, est avant tout pour Avigdor Lieberman une façon de se rappeler au bon souvenir de son électorat. Entré en politique dans les années 80, l’homme a sculpté son image de dur à cuire en appelant tour à tour à bombarder le barrage d’Assouan, à noyer des prisonnier palestiniens dans la mer Morte, à décapiter les Arabes israéliens jugés déloyaux envers l’État hébreu ou à réoccuper la bande de Gaza en 2014. Mais son ambition de succéder un jour à Benyamin Netanyahou l’a récemment contraint à nuancer sa rhétorique pour se draper dans une posture d’adulte responsable. Au risque de décevoir sa base, et d’être supplanté par d’autres ténors de la droite nationale. 
 


Imprécation et tentation du pouvoir
Né en 1958 à Chisinau (Moldavie), Evet Lvovich Lieberman, de son vrai nom, est convaincu qu’il lui faut ainsi progresser sur une ligne de crête s’il souhaite percer le «plafond de verre» souvent dénoncé par les immigrés d’ex-Union soviétique. «Il conserve de ses premières années en Israël le complexe du provincial embarrassé par son accent et ses manières», observe un diplomate qui a côtoyé Lieberman lorsqu’il était ministre des Affaires étrangères. Au sein du Likoud, l’homme a su cultiver ce décalage pour se faire le porte-voix du million de russophones arrivés dans les années 90 et devenir un acteur clé de la scène politique israélienne. Allié à Benyamin Netanyahou, il devient en 1996 son bras droit avant de rompre l’année suivante, officiellement parce qu’il juge sa politique trop conciliante envers les Palestiniens, afin de créer le parti Yisrael Beytenu.
Partagé entre le goût de l’imprécation et la tentation du pouvoir, Avigdor Lieberman enchaîne dès lors les aventures ministérielles qu’interrompent, à intervalles réguliers, des ruptures éclatantes. «Cet État a besoin d’un propriétaire et d’un patron», tonne, en 2006, celui aux yeux duquel aucune figure de la droite israélienne n’a la poigne assez ferme. Il développe une position singulière mais très controversée sur le conflit israélo-palestinien. Le colon de Nokdim, converti à la solution des deux États, se dit prêt à évacuer les localités juives du cœur de la
Cisjordanie pour obtenir la paix. Mais il pose ses conditions. Convaincu de ne pouvoir compter sur la loyauté des 1,8 million d’Arabes israéliens, il réclame que  les territoires où ceux-ci sont majoritaires soient transférés au futur Etat palestinien. Ceux qui resteront, ajoute-t-il, devront prêter serment de fidélité à l’État hébreu.
Propulsé à la tête du ministère de la Défense après avoir été mis hors de cause dans une affaire de «fraude, blanchiment et subornation de témoin», Lieberman s’applique depuis lors à éviter tout faux pas. Mais la surenchère de ses concurrents au sein du Likoud menace de le marginaliser. Le bouillonnement populiste provoqué par l’adoption, fin décembre, d’une résolution condamnant la colonisation par le Conseil de sécurité des Nations unies, l’a visiblement décidé à sortir du bois. La France, à l’origine d’une initiative diplomatique conspuée par les dirigeants israéliens, lui a fourni une cible idéale.