Lettre aux parlementaires – 24 Juin 2020

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ELNET a attiré l’attention des parlementaires français en leur adressant une lettre accompagnée d’un argumentaire suite aux sollicitations multiples dont il font l’objet par des militants «pro-palestiniens» qui les invitent à condamner Israël a priori et exiger contre lui des sanctions préventives concernant une «annexion» éventuelle de «territoires palestiniens».

Dans la lettre que vous pouvez consulter ci-dessous, nous fournissons des éléments de compréhension de la situation actuelle au Moyen-Orient, nous expliquons pourquoi une éventuelle «application de la loi israélienne» en Cisjordanie n’est pas contraire au droit international ; pourquoi cette situation n’est en aucun cas comparable à celle de la Crimée, annexée par la Russie, qui fait partie du territoire souverain de l’Ukraine ; pourquoi, même s’il est imparfait, le plan de paix américain qui prévoit la création d’un Etat palestinien, donc le sauvetage de la solution à deux Etats, peut être une base pour reprendre les discussions et ramener les parties à la table des négociations pour enfin conclure une paix juste et durable après des décennies d’échecs de toutes les autres propositions.


Mesdames et Messieurs les parlementaires,

Cher(e)s ami(e)s, 

Depuis quelques jours, vous faites l’objet de sollicitations qui sont portées ou inspirées par des militants « pro-palestiniens » en relation avec la situation au Proche-Orient. Ces actions partisanes ne sont pas mues par un esprit de dialogue et de recherche d’une solution pacifique au conflit israélo-arabe qui, hélas, perdure depuis près d’un siècle. Bien au contraire, elles s’inscrivent dans une logique de menaces qui n’ont pour objectif que d’obtenir la condamnation a priori d’Israël.

Certaines de ces initiatives vont jusqu’à réclamer des sanctions préventives contre un Etat ami et allié de la France, la seule démocratie du Moyen-Orient : Israël. Ce n’est évidemment pas l’esprit qui nous anime. Comme vous le savez, nous sommes une organisation dont le but est de promouvoir le dialogue, les relations et le renforcement des coopérations entre les pays européens et Israël. Nous sommes également des militants de la réconciliation et de la coexistence entre juifs et arabes et d’ardents défenseurs d’une solution pacifique qui fasse droit, dans un esprit de justice et de vérité, aux revendications légitimes de toutes les parties dans un cadre négocié et coopératif, ce qui inclut la solution dite « des deux Etats », israélien et palestinien, vivant côte-à-côte en paix et en sécurité.  

Il ne s’agit donc pas pour ELNET de se prononcer sur l’opportunité politique d’une éventuelle « application de la loi civile israélienne sur les implantations juives de Cisjordanie/Judée-Samarie ». Notre rôle n’est pas de prendre position sur un sujet qui concerne les parties au conflit et dont les tenants et les aboutissants sont bien plus complexes que ce que pourraient laisser penser les propos à l’emporte-pièce tenus par les ennemis d’Israël, dont la ligne hostile à toute proposition constructive n’a malheureusement jamais varié.  

Si nous voulons éclairer la situation, nous devons créer les conditions du dialogue en rendant disponibles les informations pertinentes. Il appartiendra alors à chacun de se faire une opinion en pleine connaissance des réalités et des enjeux sans se laisser intoxiquer par la propagande ou les mensonges. Je rappelle à ce titre que ce projet, dont personne à ce jour ne connaît vraiment les contours, fait l’objet d’un vif débat en Israël. L’opinion publique de cette jeune démocratie vivace est divisée entre ceux qui estiment qu’une telle éventualité permettrait à Israël de se doter de frontières « sûres et défendables » et ceux qui, au contraire, jugent ce projet à la fois « inopportun » et « contre-productif ». 

L’ambition de ce courrier est donc de rappeler un certain nombre de faits dont la connaissance est indispensable à la bonne compréhension des enjeux du débat qui fait rage et qui trop souvent donne lieu à des caricatures. Nous tenterons à ce titre de répondre aux trois principales questions que pose le projet d’extension de la souveraineté israélienne sur une partie de la Cisjordanie/Judée-Samarie :

1° Une éventuelle application de la loi israélienne sur certains territoires de Cisjordanie/Judée-Samarie est-elle illégale au regard du droit international ?  

« La quatrième convention de Genève (1949) déclare illégale au regard du droit international l’annexion du « territoire souverain d’un État (…) faisant l’objet d’une acquisition par un autre État à la suite du recours à la menace ou à l’emploi de la force ».

Or, la Cisjordanie/Judée-Samarie n’était pas un territoire souverain avant sa conquête par Israël en juin 1967, suite à l’agression jordanienne. Lorsque la Grande Bretagne mit fin à son mandat en mai 1948, elle créa un vide juridique dans lequel la Jordanie s’est engouffrée en procédant à l’annexion de ce territoire en 1950. Le roi Abdallah décide alors de nommer ce territoire « Cisjordanie » pour constituer avec la Transjordanie le Royaume Hachémite établi des deux côtés du Jourdain. Cette annexion ne fut jamais reconnue par la communauté internationale. Par conséquent, la « Cisjordanie » ne devint jamais un territoire souverain. Les accords d’armistice de 1949 n’établirent pas une frontière internationale entre Israël et la Jordanie, mais bien une ligne de cessez-le-feu.  

La résolution 242 du Conseil de Sécurité de l’ONU qui fait référence au droit d’Israël à se doter de « frontières sûres et reconnues » n’exige pas de ce pays un retour à cette ligne d’armistice et la résolution 2334 autorise quant à elle des ajustements frontaliers mutuellement agréés.

Par ailleurs et pour rappel, la conférence de San Remo d’avril 1920, il y a juste un siècle, inclut la « Cisjordanie » actuelle aux territoires de la « Palestine » qui sera confiée aux Britanniques sous la forme d’un mandat de la Société des Nations (SDN). Or la communauté internationale, dont la France, a entériné la déclaration Balfour comme un principe d’action pour la puissance mandataire, octroyant par là même une légitimité et une légalité internationales à l’établissement d’un « foyer national juif » sur ces territoires.

L’honnêteté intellectuelle commande de reconnaître qu’Israël a administré ces territoires suite à une guerre défensive, laquelle est la conséquence directe des rejets successifs par le leadership arabe des différents plans de partage proposés par la puissance mandataire britannique puis par l’ONU et agréés par Israël. 

Enfin, la « Cisjordanie » correspond au territoire des deux anciens royaumes d’Israël et de Judée. Ce sont les lieux où l’histoire du peuple juif, quatorze siècles avant JC, a commencé et où s’est développé son patrimoine culturel et religieux, notamment la Bible hébraïque qui a fortement influencé la civilisation occidentale et constitue le socle de référence des valeurs inhérentes au christianisme et à l’islam. Il est par conséquent plus juste d’un point de vue historique et juridique de parler au sujet de cet espace géographique revendiqué par les deux parties au conflit de « territoires disputés » comme aimait à les nommer le Président François Mitterrand.    

2° Peut-on parler d’une « annexion de territoires » comparable à celle de la Crimée par la Russie qui pourrait par conséquent donner lieu à des sanctions internationales ? 

Certains affirment que la France devrait s’inspirer de la décision prise par l’UE qui a imposé des sanctions économiques à la Russie suite à son annexion de la Crimée et devrait donc faire de même avec Israël pour son « annexion » éventuelle et partielle de la Cisjordanie/Judée-Samarie. Ce raisonnement est doublement erroné et l’analogie spécieuse.

D’une part, il y a une différence de statut juridique essentielle entre les deux territoires. La Crimée faisait partie d’un territoire souverain (l’Ukraine) avant son annexion tandis que la Cisjordanie/Judée-Samarie n’a jamais été un territoire souverain reconnu par la communauté internationale. 

D’autre part, la Cisjordanie, à l’inverse de la Crimée, a été acquise à la suite d’une guerre défensive déclenchée le 22 mai 1967 par un acte qui constitue bien un casus belli : l’Égypte ferma le Détroit de Tiran au commerce israélien, coupant la seule route d’Israël vers l’Asie tandis que les leaders du monde arabe menacèrent de détruire l’État juif et que les armées de l’Égypte, de la Syrie, de la Jordanie et de l’Irak se massèrent aux frontières du jeune Etat pour l’envahir et l’annihiler.

3° Ces mesures israéliennes rendraient-elle impossible la mise en œuvre future d’une solution à deux États ?  

Non. Le projet « d’application de la loi israélienne sur certains pans de la Cisjordanie » s’appuie sur « le plan de paix » américain lequel prévoit en effet la création d’un « Etat Palestinien » sur 70% du territoire cisjordanien, une continuité territoriale entre ce territoire et la bande de Gaza ainsi que des échanges territoriaux entre Israël et le futur Etat palestinien pour compenser le rattachement à Israël d’environ 30% de la Cisjordanie/Judée-Samarie.

Or, ces 30% correspondent aux grands blocs d’implantations israéliennes destinés à faire partie du territoire israélien quelque soient les paramètres retenus. Ils sont de plus situés en dehors des agglomérations et zones densément peuplées par la population arabe palestinienne.

En cas d’extension de la loi israélienne sur ces territoires, la faible population arabe qui y réside se verrait attribuer la citoyenneté israélienne à l’instar des Arabes israéliens et des Druzes du Golan qui sont représentés à la Knesset, à la Cour suprême ainsi que dans la fonction publique. Ils pourraient aussi choisir de rester citoyen du futur Etat de Palestine en bénéficiant du statut de résident permanent sur le territoire israélien.  

Si personne ne peut penser que la « vision pour la paix » présentée fin janvier par l’administration américaine sera la source immédiate d’un règlement du conflit israélo-palestinien, elle s’appuie sur la solution à deux Etats et pourrait servir de base pour un retour des parties à la table des négociations. « Le plan de paix du gouvernement Trump a un certain mérite, car il crée une dynamique là où il n’y avait rien », a d’ailleurs récemment concédé Josep Borrell, le haut représentant de l’UE pour les Affaires étrangères.

Par ailleurs, la décision d’Israël d’étendre sa souveraineté sur 30% du territoire cisjordanien, n’est à ce jour pas tranchée. Le parti de l’actuel Vice-premier ministre et ministre de la Défense, Benny Gantz, qui est l’une des composantes majeures de l’actuelle coalition n’y est pas absolument favorable. Aucune décision ne sera prise sur ce sujet controversé en l’absence d’accord entre le parti du Premier ministre Benyamin Netanyahou et celui de Benny Gantz, d’un vote à la Knesset, le parlement israélien et l’avis conforme de la Cour suprême. Israël est non seulement une démocratie, mais aussi un Etat de droit qui respecte la loi contrairement à ses voisins et contrairement à la propagande mensongère qui voudrait le faire passer pour un Etat voyou, hors la loi.   

En conclusion : 

Entre amis et alliés, il peut y avoir des incompréhensions et des désaccords, mais le meilleur moyen de les dépasser n’est pas de vilipender ou de menacer. Il faut se voir et se parler. Il faut privilégier le dialogue afin de trouver des chemins pour la négociation qui seule conduira à la paix dans un conflit qui plonge ses racines dans l’inconscient des nations et le non dit des haines enfouies.  

Voilà pourquoi, tout appel à la condamnation à priori voire à l’adoption de sanctions préventives contre Israël serait non seulement totalement contre-productif mais aussi et surtout profondément injuste. Ce ne serait digne ni de l’Europe, ni de la France. 

Depuis le lancement du processus d’Oslo, toutes les tentatives de résolution du conflit ont échoué. Il est temps de tirer les leçons de ces échecs. Un nouveau projet est sur la table, mais les Palestiniens refusent par principe d’en discuter. Que faut-il faire ? Attendre au risque de voir la situation continuer à se dégrader, ou essayer d’avancer pour sortir de l’impasse ? 

Le plan américain n’est pas parfait, mais il existe et propose la création d’un Etat palestinien. Pourquoi ne pas en faire une base de négociation ? 

Enfin, ceux qui protestent, condamnent, incitent à la haine et à la violence ont-ils une meilleure proposition qui s’enracine dans la réalité du terrain et permette le retour à la négociation ?                                                                                                        

La France et l’Europe peuvent jouer un rôle bénéfique de ce point de vue à condition de se tenir à bonne distance des positions jusqu’au-boutistes des partisans du « front du refus » qui sont enfermés dans les guerres du passé et refusent toute concession. Il est temps de mettre un terme à cette « INDUSTRIE DU MENSONGE » si bien décrite par le journaliste israélien Ben-Dror Yemini dans son ouvrage éponyme, dans lequel il dénonce la propagation continue de fake news à l’encontre d’Israël qui est un véritable obstacle à la paix.

S’il y a un combat qui mérite la mobilisation des parlementaires, c’est celui qui ramènera les parties à la table des négociations. À la place qui est la nôtre, nous serons toujours de ceux qui sont du coté du dialogue et de la réconciliation, sans arrières pensées.  

Très cordialement,  

Dr. Arié Bensemhoun

Directeur exécutif ELNET France