Les puissances en guerre contre Daech s’affrontent sur les modalités pour vaincre le groupe djihadiste. Mercredi 26 octobre, la Turquie a annoncé qu’elle entendait poursuivre son offensive militaire dans le nord de la Syrie jusqu’à la prise de la ville d’Al-Bab malgré les menaces du régime syrien et l’attaque mardi contre des rebelles pro-turcs.
L’opération « Bouclier de l’Euphrate » entamée il y deux mois a pour objectif de chasser les combattants de l’Etat islamique de la région frontalière et d’empêcher que ce repli profite aux miliciens kurdes des Unités de protection du peuple (YPG) qu’Ankara considère comme l’émanation du PKK. Recep Tayyip Erdogan n’entend pas rester à l’écart de la bataille de Mossoul, tout comme celle qui s’annonce à Raqqa tandis que le ministre des Affaires étrangères turc Mevlut Cavusoglu a déclaré que cette opération doit être menée par les forces locales et ne doit pas impliquer les miliciens kurdes des Unités de protection du peuple (YPG).
De leur côté, les responsables iraniens voient d’un mauvais œil la participation de la Turquie à l’offensive contre le fief historique de l’EI en Irak et n’ont pas tardé pour le faire savoir. Le commandant en chef des troupes soutenant le régime syrien a lancé un avertissement à la Turquie affirmant que tout progression turque en direction de leurs positions au nord et à l’est d’Alep ferait l’objet d’une réponse « décisive et d’un recours à la force ».
Autre point sensible dans la guerre contre Daech, l’implication de la Russie. Face à des Occidentaux en retrait, le président russe a multiplié les postures intimidantes pour maintenir un avantage géostratégique et prouver qu’il était un acteur incontournable au Moyen-Orient. Ainsi, après avoir fait patrouiller l’an passé des bombardiers à capacité nucléaire au large des côtes françaises et britanniques, un porte-avions russe vogue actuellement au large de l’Ecosse en direction de la Syrie où Vladimir Poutine mène la danse, en bombardant à Alep les rebelles armés par les Occidentaux, ainsi que des hôpitaux pour pousser les habitants à la fuite. Seule la ville de Mossoul, en Irak, ne dépend pas du bon vouloir de la Russie.
Depuis plusieurs années, la Russie a musclé son rapport de force avec les Occidentaux. En prenant le risque il y a quatre ans de soutenir un autocrate en pleines « révolutions arabes », Vladimir Poutine savait déjà qu’aucun pays occidental ne tenterait de destituer Bachar el-Assad. Il a donc attendu que l’Etat islamique se déploie, profitant du chaos ambiant pour agiter la menace islamiste et contraindre les Occidentaux à reconnaître que le Président syrien ne représentait pas une menace aussi grande que celle que constitue Daech.
L’annonce la semaine dernière du déploiement de missiles balistiques à capacité nucléaire Iskander dans l’enclave russe de Kaliningrad a crispé les Européens, à commencer par la Lituanie, première concernée. « Battage médiatique », a répliqué Igor Konachenkov, le porte-parole du ministère russe de la défense. Alors que le Kremlin reste maître du jeu sur le terrain militaire, jamais il n’a été aussi isolé diplomatiquement, en froid avec les Etats-Unis et les Européens, ce qui le rend que plus agressif à leur égard. Pourtant, Vladimir Poutine continue d’avancer ses pions sans frémir.
En tout état de cause, les dissensions actuelles entre les grandes puissances sur le dossier syrien prouvent que la chute de Mossoul sera le prélude à d’autres confrontations, plus fortes encore.