Le Figaro – par Georges Malbrunot
Face à l’avancée de l’armée syrienne, 50.000 personnes ont fui les quartiers rebelles, bombardés par Damas.
Alors que les civils sont prisonniers des bombardements aériens, l’armée syrienne a encore avancé mercredi dans Alep-Est, tenu par les rebelles mais plus que jamais menacé d’être repris par le régime. Damas affirme avoir reconquis le quartier de Cheikh Saeed, au sud de la deuxième ville de Syrie.
Plus de 50 000 personnes ont fuit l’avancée des troupes loyalistes depuis samedi, début de l’intensification des frappes aériennes du régime, couplée à une avancée au sol des militaires syriens. Certains se réfugient dans d’autres secteurs rebelles d’Alep-Est. D’autres vont à l’ouest dans la partie d’Alep tenue par le gouvernement. D’autres encore dans les quartiers kurdes du nord-est. Yousra, par exemple, a six ans. Elle n’a connu que la guerre, raconte le délégué du Comité international de la Croix-Rouge sur place (CICR). Elle a dû fuir avec sa famille ces derniers jours, ses mains tremblantes dans son manteau. «Mais, au- delà, les réfugiés ont besoin de garanties que des couloirs sécurisés seront mis en place» pour pouvoir quitter Alep-Est, affirme Marianne Gassler, chef de la délégation du CICR en Syrie, l’une des rares humanitaires étrangères à avoir pu pénétrer, cette année, dans les quartiers rebelles d’Alep.
«Exécutions sommaires»
Sauver les civils d’Alep-Est est devenu la priorité des chancelleries occidentales. Au moins 21 civils, dont deux enfants, ont encore été tués mercredi par des tirs d’artillerie. «Nous ne pouvons fermer les yeux sur ce qui se passe à Alep», a insisté mercredi Jean-Marc Ayrault, le ministre des Affaires étrangères, en recevant à Paris Brita Hagi Hassan, le président du conseil local des quartiers rebelles d’Alep-Est. « Laissez les civils sortir, protégez les c ivils, mettez en place un couloir sur pour qu’ils puissent partir », a marteler Britannique Hagi Hassan. Combien sont-ils à être pris au piège des bombardements? 250 000 selon l’ONU, 150 000 selon la Russie, le principal allié du pouvoir syrien. L’accès à Alep-Est étant impossible, il est difficile de savoir avec précision quelles sont les relations entre civils et insurgés. Depuis des semaines, de nombreux civils veulent quitter Alep-Est. La moitié d’entre eux, affirmait l’ONU il y a un mois.
Certains de ceux qui sont sortis ces derniers jours ont été victimes «d’exécutions sommaires par le régime», affirme Brita Hagi Hassan, une accusation étayée par des témoignages recueillis par le quotidien britannique The Guardian.«Tous les jeunes hommes de moins de 40 ans sont arrêtés», poursuit-il. «Pourquoi ces familles iraient-elles se réfugier chez leur bourreau?», fait valoir l’opposant. Après la conquête des quartiers est d’Alep par les insurgés en 2012, «plus de 500 000 habitants se sont pourtant mis à l’abri en zone gouvernementale où ils vivent encore», rappelle le CICR.
Sur place, certaines sources, et pas seulement des sources officielles syriennes, affirment que des pressions sont exercées par les plus radicaux des rebelles pour empêcher les civils de quitter Alep-Est. «Sans les civils autour d’eux, les rebelles savent très bien qu’ils sont condamnés», nous confiait récemment l’une de ces sources à Alep.
Mardi, les différents groupes d’insurgés ont publié un communiqué soulignant qu’ils ne quitteraient pas Alep-Est. Les anti-Assad sont à peine 10 000, assiégés depuis juillet dans Alep-Est. Bien qu’en infériorité numérique – 2 000 combattants environ – les djihadistes du Front du Levant, l’ex-Front al-Nosra, la branche locale d’al-Qaida, sont les plus puissants, imposant leurs choix aux salafistes du groupe Ahrar al-Sham et aux modérés. «Plus aucun hôpital ne fonctionne et les stocks alimentaires sont pratiquement épuisés», s’alarme, de son côté, l’ONU. «Il n’y a ni nourriture, ni eau, ni abri, ni moyens de transport», s’insurge Ibrahim Abou Laith, porte-parole des Casques blancs, le service de secouristes du secteur rebelle. «Vous savez que le monde entier vous a abandonnés. Ils vous ont laissé seuls face à votre destin», peut-on lire sur les tracts lancés par le régime à la population d’Alep-Est.