Bras de fer sur la Syrie entre Occidentaux et Russes à l'ONU

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Le Figaro – par Maurin Picard


VIDÉO – Réuni après l’attaque chimique de ce mardi, le Conseil de sécurité a repoussé le vote d’une résolution contre le régime syrien, le temps pour les Occidentaux de négocier avec Moscou, soutien de Damas.

«Assad doit partir.»Le premier à se présenter devant les caméras, ce mercredi matin, au Conseil de sécurité des Nations unies, est l’ambassadeur britannique Matthew Rycroft. Visage fermé, le représentant de Londres rappelle l’évidence. Quatre-vingt-six personnes, dont des enfants, ont été tuées mardi lors d’un bombardement aérien au gaz sarin dans la localité syrienne de Khan Cheikhoun (Ouest), et 400 autres grièvement atteintes. Le régime de Bachar el-Assad est pointé du doigt, comme en 2013 après le massacre similaire de Ghouta (1300 morts). Damas avait alors dû consentir à démanteler son programme d’armes biochimiques, mais tout l’arsenal n’aurait pas été détruit.

Pour François Delattre, ambassadeur de la France auprès des Nations unies, ce «nouvel acte de barbarie» vient «s’ajouter aux soupçons d’usage de chlore le mois dernier» par le régime de Damas, qui a «de lourds antécédents en la matière». Depuis la veille, Paris et Londres préparent fébrilement le draft (brouillon) de la résolution qui devait être soumise au vote de l’organe exécutif onusien, mercredi. Reporté dans la soirée, le vote pourrait avoir lieu finalement jeudi.Comme en chaque occasion, depuis six ans que dure l’atroce guerre en Syrie (450 000 morts, 12,4 millions de déplacés et réfugiés), la quasi-majorité des délégations exprimera une ferme condamnation, demandera une enquête, promettant de poursuivre les coupables. Comme à chaque fois, la Russie devrait brandir son veto, fidèle à son allié damascène.

Fatigués du cynisme russe, Français et Britanniques demandent à Moscou de prendre «enfin» ses responsabilités. «Ce massacre abject illustre tragiquement la logique autodestructrice du régime d’Assad, que même ses soutiens ne sont pas en mesure d’empêcher», poursuit François Delattre. «La Russie, insiste-t-il, porte une responsabilité particulière dès lors qu’il s’agit de mettre un terme à cette tragédie.»

De manière nouvelle, l’ambassadeur français prend à partie les États-Unis, qui assument la présidence du Conseil de sécurité en avril. «Franchement, nous avons aussi besoin d’une Amérique qui s’implique dans la recherche d’une solution en Syrie, et jette tout son poids dans la balance, martèle-t-il. Si elle ne le fait pas maintenant, quand?»

Son homologue américaine, Nikki Haley, déclarait la semaine passée que la destitution de Bachar el-Assad ne constituait «plus une priorité de politique étrangère» américaine, L’attaque de Khan Cheikhoun a contraint Haley à opérer une volte-face spectaculaire. «Combien d’enfants doivent encore mourir pour que la Russie se décide à faire quelque chose? déclarait-elle mercredi, brandissant des clichés d’enfants syriens suffoquant sous l’effet du sarin. Nous ne pouvons fermer les yeux devant ces images. La paix n’intéresse pas Assad, la Russie et l’Iran. L’illégitime gouvernement syrien, dirigé par un homme sans conscience, a commis des atrocités contre son peuple.»

Avant de laisser entendre que les États-Unis pourraient prendre des mesures unilatérales, si l’ONU ne fait rien. «Quand les Nations unies échouent constamment dans leur mission d’action collective, avertit Nikki Haley, il y a des moments dans la vie des États où nous sommes obligés d’agir nous-mêmes.»