215 millions de chrétiens sont opprimés dans le monde

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Par Le Figaro –  Jean-Marie Guénois

La montée de l’extrémisme islamiste et du nationalisme aggrave la situation dans 50 pays.

Forte d’un réseau dense de correspondants internationaux, l’ONG d’obédience protestante Portes ouvertes propose chaque année une cartographie des persécutions antichrétiennes dans le monde. Ce travail de collecte d’information permet de dresser un tableau précis, à défaut d’être exhaustif, des violences et des discriminations subies par les chrétiens. Il donne les grandes tendances d’une situation qui se dégrade au quotidien dans de

nombreux pays, en raison de la montée de l’extrémisme islamiste, mais aussi du nationalisme.
Selon l’ONG, au moins 948 chrétiens ont été tués en 2016 pour des raisons liées à leur croyance. Un chiffre en baisse par rapport à l’année précédente où 5.747 cas d’assassinats avaient été recensés. Ce recul s’expliquerait notamment par le repli des groupes extrémistes islamistes comme l’État islamique et Boko Haram, qui ont perdu du terrain au Moyen-Orient et au Nigeria. Le même phénomène est constaté pour les attaques contre les lieux de culte, avec 1.188 églises ciblées contre 2.242 l’année précédente.
Le Nigeria conserve la première position  de la comptabilité macabre. La chute des meurtres attribués à la secte Boko Haram, qui est combattue dans la région avec quelques succès par une coalition internationale de pays africains, est freinée par les homicides perpétrés par les nomades peuls. Enlevées voici plus de deux ans, les filles de Chibok restent pour la plupart prisonnières. Au Kenya, les assassinats sont signés par le groupe islamiste somalien al-Chebab qui effectue des incursions dans des régions à majorité musulmane pour nettoyer les zones de leurs minorités religieuses.
Le Pakistan figure dans le trio de tête. En mars, 72 chrétiens, dont 29 enfants, ont perdu la vie le jour de Pâques
dans un carnage revendiqué par une faction dissidente des talibans pakistanais. L’attentat visait un rassemblement pour une célébration dans un parc public. En Inde, Sumara, une femme de 55 ans a été brûlée vive par des habitants de son village. Son fils et sa belle-fille avaient été enlevés un peu plus tôt par des militants maoïstes mandatés par les autochtones. Des meurtres ont également été recensés en Syrie, au Mexique avec des homicides liés à l’engagement social de chrétiens contre les cartels et la corruption, en Centrafrique en Égypte, en Afghanistan et en… France avec l’égorgement par un djihadiste du père Jacques Hamel, dans l’église de Saint-
Étienne-Du-Vouvray.
Tandis que les violences baissent, les persécutions gagnent du terrain. «La stratégie d’imprégnation de l’extrémisme islamiste affecte les sociétés du Moyen- Orient et d’Afrique, chassant les chrétiens et laissant des sociétés de plus radicalisées», constate le rapport. En Irak, la libération des cités chrétiennes de la plaine de la Ninive a révélé l’étendue des dégâts causés par les membres de Daech. L’instabilité politique et la cohabitation difficile entre communautés rendent l’avenir incertain.
 «Les chrétiens sont les plus grands perdants du chaos au Moyen-Orient», estime l’ONG. Victimes collatérales du conflit entre sunnites et chiites, ils se retrouvent comme au Yémen au milieu des combats. Dans ce pays de la péninsule arabique, la guerre civile est à l’origine d’une hausse des persécutions, avec une population chrétienne prise entre deux feux et particulièrement ciblée par des militants sunnites.
L’Asie n’est pas en reste. Elle serait même en route pour rattraper le Moyen-Orient et l’Afrique. Les auteurs de l’«Index mondial de persécution des chrétiens», qui établissent leur classement depuis 1997, constatent que «les pays d’Asie sont parmi ceux où la persécution augmente le plus». Ils y voient un effet de la «vague nationaliste» qui déferle sur la planète et se manifeste en Asie «par un rejet des minorités et un repli vers les religions nationales». «L’Inde n’a jamais été placée aussi haut» dans le baromètre. «Au Vietnam et au Laos, la pression augmente. La liberté des minorités chrétiennes est de plus en plus remise en question, surtout lorsqu’elles font en même temps partie de minorités ethniques, comme les Hmong au Vietnam». Le grand absent de ce palmarès est la Corée du Nord, champion hors catégorie de l’oppression. L’absence de données ne permet pas de dresser d’inventaire, mais des dizaines de milliers de chrétiens sont enfermés dans les camps de travaux forcés du «royaume ermite». Ils périraient de faim sans que la preuve puisse en être apportée. Enfin, au Bhoutan où le bonheur est censé se mesurer à partir d’un indice, celui-ci n’est pas pour tous. Le gouvernement ne considère pas les chrétiens comme des Bhoutanais, certains d’entre eux n’ont pas droit à une carte d’identité et le niveau de violence à leur encontre est en augmentation.
Michel Varton, directeur de l’association Portes ouvertes France, conclut globalement par un chiffre: «entre les “persécutions marteaux”, violentes, explicites, et “les persécutions étaux”, plus subtiles mais constantes, 215 millions de chrétiens vivent une persécution élevée dans 50 pays, soit environ 33 % de toute la population chrétienne de ces régions.»
En Iran, le sort des convertis est très préoccupant Mansour Borji a 42 ans. Il est iranien, ancien musulman, converti au christianisme. Il s’est réfugié à Londres, après avoir été expulsé de son pays natal en 2013, quand le gouvernement iranien arrêta tous les pasteurs de son Église protestante pentecôtiste.
Membre de l’association «Article 18» (en référence à l’article mentionnant le droit de religion dans la déclaration universelle des Droits de l’homme), il témoigne: «L’Iran est parmi les principaux pays à persécuter les chrétiens. En juillet 2015, beaucoup ont osé croire que l’accord sur le nucléaire iranien ouvrirait une nouvelle ère sur le plan des droits de l’homme, mais la situation a empiré dans les faits. Les Églises traditionnelles en Iran -issues des minorités assyrienne et arménienne – ont une présence visible et sont tolérées, mais à condition de n’accepter en leur sein aucun Iranien de langue farsi et de ne faire aucun prosélytisme. Les Dominicains, par exemple, ont dû cesser toute activité en farsi en 2013.» Mansour Borji constate toutefois que «la persécution la plus brutale vise la
communauté chrétienne protestante». Elle est estimée «entre 250.000 et 500.000 personnes» et connaît «une progression très rapide», même si elle doit vivre «dans la clandestinité sous la forme de petites églises domestiques.» «Entre 200 et 300 personnes sont arrêtées chaque année. Elles sont sans protection juridique»,
dit Mansour Borji.