L'«oubli» de Trump sur l'Holocauste choque en Israël

Share on facebook
Share on twitter
Share on linkedin
Share on print
Share on email

Par Le Figaro – Cyrille Louis


Le traitement de faveur réservé à Trump par Benyamin Nétanyahou étonne une communauté déjà ébranlée par les prises de position anti-immigration du président américain, ainsi que par les propos antisémites tenus durant la campagne par certains de ses partisans.

Quel prix Benyamin Nétanyahou est-il prêt à payer en contrepartie du soutien promis par Donald Trump? Certains commentateurs, indisposés par le traitement de faveur qu’il lui a jusqu’à présent réservé, posent ouvertement la question. Ils s’étonnent en particulier du silence par lequel le Premier ministre, habituellement très sourcilleux sur ce point, a réagi lorsque le nouveau président a «omis» toute référence explicite au sort jadis subi par les Juifs d’Europe lors d’une déclaration commémorant l’Holocauste. Son porte-parole, aussitôt interrogé par la presse israélienne, n’a pas souhaité commenter cet écart. Avigdor Lieberman, le ministre de la Défense, s’est pour sa part contenté d’invoquer un «malentendu» ne justifiant pas, à ses yeux, de «partir en guerre» contre le locataire de la Maison-Blanche.

L’«oubli» du président a, par contraste, suscité un vif émoi au sein de la communauté juive américaine. Jonathan Greenblatt, président de la Ligue antidiffamation, l’a jugé «intrigant et troublant». Mort Klein, président de l’Organisation sioniste d’Amérique, a exprimé son «chagrin» et sa «profonde douleur». Le porte-parole de la Maison-Blanche s’est efforcé de banaliser l’incident en indiquant que Donald Trump avait ainsi voulu répondre de façon «inclusive» aux souffrances de toutes les victimes de l’Holocauste. Mais la précision n’a pas suffi à rassurer une communauté largement ébranlée par les prises de position anti-immigration du président, ainsi que par les propos antisémites tenus durant la campagne par certains de ses partisans.

«Atomes crochus»

Benyamin Nétanyahou, qui s’est abstenu de condamner ces dérives, place manifestement la relation avec Donald Trump au-dessus de toute autre considération. «N’oubliez pas qu’il a dû composer, depuis qu’il occupe la fonction de Premier ministre, avec des présidents démocrates qui ne l’appréciaient guère et qui ont souvent réduit sa marge de manœuvre, si bien qu’il lui a beaucoup été reproché d’être responsable de la détérioration des relations entre Israël et le plus important de ses alliés, analyse Ari Heistein, spécialiste de la relation entre les deux pays à l’Institut israélien d’études pour la sécurité nationale. On comprend dès lors qu’il soit prêt à d’importants efforts pour préserver ce que Trump a décrit comme leurs atomes crochus.»

Chemi Shalev, éditorialiste au quotidien Haaretz, balaie ces circonstances atténuantes et interroge: «Comment les Juifs de droite qui soutiennent Trump, au premier rang desquels siège Benyamin Nétanyahou, peuvent-ils détourner le regard lorsque leur président favori foule aux pieds les valeurs américaines et insulte leur sensibilité en profanant la mémoire de l’Holocauste?» À l’instar d’autres observateurs, il estime que les remous de la présidence Trump risquent à terme d’accroître les incompréhensions entre le gouvernement israélien et un segment croissant de la communauté juive américaine. «Ce sera sans doute le cas, prévient Ari Heistein, si l’Administration échoue à condamner clairement les dérives antisémites tout en tenant sa promesse de renforcer les liens avec Israël.»