Le «  travail du shabbat  » sème la zizanie au sein du gouvernement israélien

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LE MONDE | Par Piotr Smolar


Travailler pendant le repos du shabbat qui court du vendredi au coucher du soleil au samedi soir : cette entrave à la prescription religieuse provoque régulièrement des conflits, en Israël, notamment dans le domaine des transports. Mais rarement d’une telle intensité, et au sein même d’un gouvernement. La crise, qui a éclaté en fin de semaine dernière, avant de culminer dimanche

4 septembre, a opposé le premier ministre, Benyamin Nétanyahou, à son ministre des transports, Israel Katz, issu de sa propre formation, le Likoud. Au cœur de la dispute : des travaux de rénovation sur les lignes de chemin de fer, prévus au cours du week-end, qui ont provoqué la fureur des deux partis ultraorthodoxes, membres de la coalition au pouvoir.


Ces derniers, qui comptent 13 députés sur les 120 à la Knesset (Parlement), ont pourtant été gâtés depuis leur retour au gouvernement, après les élections de mars 2014. Ils ont obtenu beaucoup de fonds et d’avantages pour leurs écoles religieuses. Mais leurs élus, sous la pression d’une partie de leur base, n’ont pas voulu être accusés de désacralisation du shabbat. Ils ont donc sommé le premier ministre d’intervenir, sous peine de faire éclater la coalition. Vendredi, M. Nétanyahou a annoncé la suspension des travaux, qui ont été reportés à dimanche, jour travaillé en Israël. Après avoir suggéré, sans succès, qu’ils soient poursuivis sur seulement trois des vingt sites prévus.

Puis samedi soir, au coucher du soleil, son bureau a publié un communiqué d’une rare violence contre le ministre des transports, accusant Israel Katz d’avoir fomenté « une crise inutile » dont le but serait de « compromettre les relations entre le premier ministre et le public ultraorthodoxe » ainsi que son image dans l’opinion. Et selon M. Nétanyahou, il n’y avait aucune nécessité à mener ces travaux dimanche et à « prendre en otage les soldats et les passagers », les premiers devant rejoindre leurs bases, les seconds leur lieu de travail. Le ministère de la défense a affrété des bus à l’attention de ses appelés pour compenser l’arrêt de la ligne côtière entre Tel Aviv et Haïfa. De grands embouteillages se sont formés tout au long de la journée, près de 150 000 personnes étant affectées au total par les perturbations.


Fureur de Nétanyahou

La presse israélienne rapporte que M. Nétanyahou aurait multiplié les entretiens pour sonder les effets d’un renvoi d’Israel Katz, qui a autorisé les travaux. Celui-ci cumule les « tares » aux yeux du premier ministre. Il aurait tenté par le passé de prendre le contrôle du secrétariat du Likoud, provoquant la fureur de M. Nétanyahou, qui a pour habitude d’éliminer toute concurrence interne. Israel Katz a donc été désigné coupable de toute cette affaire inattendue, alors que les travaux de maintenance sur les rails sont conduits régulièrement, tous les jours de la semaine. Même le samedi, au nom du principe de sécurité.

Ce psychodrame politique, qui a stupéfait les usagers, tombe mal pour le premier ministre, à un moment de la vie politique où sa domination paraît plus forte que jamais. Entraver les déplacements des soldats, ce qui fut le cas dimanche, premier jour de la semaine en Israël, passe mal auprès de l’opinion publique. Cette affaire montre aussi l’influence des ultraorthodoxes et de la droite nationaliste religieuse, qui a fait du repos pendant le shabbat un front symbolique de premier ordre. « Les ministres sont nommés pour éviter les crises et résoudre les problèmes, et non les créer », a lancé M. Nétanyahou dimanche en ouverture du conseil des ministres.