Israël face aux inconnues de Donald Trump

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Par Le Figaro – Cyrille Louis


ANALYSE – Benyamin Nétanyahou est troublé par ce nouveau président qui proclame son amitié pour Israël et s’entoure de partisans de la colonisation mais ne semble pas avoir d’idées bien arrêtées sur la politique à mener au Proche-Orient.

Israël a célébré à sa façon l’investiture de Donald Trump en approuvant, dimanche, la mise en chantier de 566 logements dans trois quartiers de colonisation à Jérusalem-Est (Ramot, Pisgat Zeev et Ramat Shlomo). Cette décision, dont la municipalité avait différé l’annonce il y a une dizaine de jours, par crainte de braquer Barack Obama au crépuscule de son mandat, marque symboliquement le début d’une nouvelle ère. Devant son cabinet de sécurité, Benyamin Nétanyahou a d’ailleurs exprimé son intention de lever les restrictions imposées depuis huit ans, sous pression de la communauté internationale, aux constructions juives dans la partie orientale de la ville. Mais cette euphorie de façade dissimule mal la profonde incertitude des dirigeants israéliens face au locataire de la Maison-Blanche.

Lors d’un entretien téléphonique qualifié de «très chaleureux», le président américain a exprimé dimanche soir son souhait de poursuivre «une coopération étroite dans les domaines militaire, du renseignement et de la sécurité» avec l’État hébreu. Il a aussi estimé, comme le fait régulièrement Benyamin Nétanyahou, que «la paix entre Israéliens et Palestiniens ne peut qu’être le fruit d’une négociation entre les deux parties» – avant de préciser que «les États-Unis travailleront étroitement avec Israël pour progresser vers ce but». Mais contrairement à ce qu’espérait une partie de la droite nationaliste, Donald Trump s’est gardé d’évoquer sa promesse de transférer l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem. La réflexion sur cette promesse de campagne «n’en est encore qu’à un stade préliminaire», a indiqué Sean Spicer, le porte-parole de la Maison-Blanche.

La droite israélienne, perplexe, se divise

Benyamin Nétanyahou ne sait visiblement pas sur quel pied danser face à ce nouveau président qui proclame son amitié pour Israël et s’entoure de partisans de la colonisation, mais ne semble pas avoir d’idées bien arrêtées sur la politique à mener au Proche-Orient. Le chef de file de la droite religieuse, Naftali Bennett, estime que son arrivée à la Maison-Blanche offre une occasion inespérée d’enterrer une bonne fois pour toutes la solution des deux États. Il a fait voter en première lecture un projet de loi visant à «légaliser» une centaine d’avant-postes édifiés sans autorisation en Cisjordanie, et presse désormais le gouvernement d’annexer la colonie de Maale Adumim. «Nous devons agir de façon responsable», lui a rétorqué, lundi, Benyamin Nétanyahou, qui craint visiblement de froisser Donald Trump en donnant l’impression de lui forcer la main. «Pour le salut d’Israël et de la colonisation, a-t-il ajouté, je demande à chacun de me laisser agir.»

Cet échange aigre-doux, témoin des rivalités qui agitent la droite israélienne, est aussi le fruit d’un désaccord tactique de plus en plus criant. Naftali Bennett estime qu’après cinquante ans d’une occupation condamnée sans relâche par la communauté internationale, l’heure est venue pour Israël de sortir de l’ambiguïté, en affirmant sa souveraineté sur la Cisjordanie. Benyamin Nétanyahou, qui s’est officiellement rallié à la solution des deux États en 2009, est au contraire partisan d’une colonisation à bas bruit. «Bien qu’il vise en réalité le même but que Bennett, le premier ministre pense qu’une annexion unilatérale entraînerait trop de problèmes avec l’Europe et, peut-être, avec la Cour pénale internationale, estime Daniel Seidemann, directeur de l’ONG Jérusalem terrestre. Il préfère pousser progressivement son avantage, tout en maintenant à flot l’Autorité palestinienne.»

Le transfert de l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem suscite des débats du même ordre. Bien qu’une large majorité de la population israélienne y soit favorable, considérant qu’un tel mouvement ne ferait après tout qu’entériner une certaine réalité, Benyamin Nétanyahou ne semble pas en faire une priorité. Palestiniens et Jordaniens l’ont encore publiquement mis en garde dimanche contre les conséquences prévisibles d’une décision qui risque fort d’être interprétée comme une déclaration de guerre par une large partie du monde arabo-musulman. Un tel déménagement, a par ailleurs prévenu le président Mahmoud Abbas, «réduirait à néant la solution des deux États». Or rien n’indique pour l’heure que Donald Trump souhaite en arriver à cette extrémité.