Israël cherche le soutien de la Russie face à l’Iran

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Par Le Monde – Piotr Smolar


Nétanyahou, qui craint la création de bases militaires iraniennes en Syrie, doit rencontrer Poutine au Kremlin.

Depuis la chute d’Alep, Israël s’inquiète de la mainmise iranienne sur la Syrie et des menaces qu’elle implique pour sa sécurité. C’est la raison majeure d’un nouveau déplacement de Benyamin Nétanyahou à Moscou. Attendu au Kremlin jeudi 9 mars par Vladimir Poutine, le premier ministre souhaitait lui rappeler les lignes rouges israéliennes. « L’Iran essaie de s’implanter de façon permanente en Syrie, avec une présence militaire au sol et en mer, et tente aussi progressivement d’ouvrir un front contre nous sur le plateau du Golan, a expliqué M. Nétanyahou le 5 mars en conseil des ministres. J’exprimerai au président Poutine l’opposition aiguisée et vigoureuse d’Israël à cette possibilité. »
Dans son bureau situé au siège du premier ministre à Jérusalem, Chagai Tzuriel, le directeur général du ministère du renseignement, dessine des arcs avec son doigt sur la carte du Moyen- Orient. Il trace un croissant, celui de l’axe chiite, de la mer Méditerranée jusqu’à la mer Rouge, qui concrétiserait la volonté hégémonique qu’Israël et les puissances sunnites prêtent à la République islamique iranienne. Selon cet ancien haut responsable du Mossad, où il a travaillé près de trois décennies, Israël s’alarme de la possible construction de structures militaires iraniennes permanentes en Syrie.
« Le renforcement de l’axe chiite conduit par l’Iran, surtout depuis la chute d’Alep, est dangereux non seulement pour la sécurité d’Israël, mais aussi pour la majorité sunnite en Syrie, les pays
sunnites de la région et les minorités sunnites dans d’autres pays, comme la Russie ou la Chine, dit- il. Il ne faut pas permettre au Hezbollah et à l’Iran de s’implanter en Syrie. Nous devons définir ce qui doit être évité. Par exemple, une base militaire iranienne, ou une base navale, en Syrie. Soit une présence à long terme. »
Cette base iranienne est le nouveau cauchemar israélien. Après la signature, puis la ratification américaine de l’accord sur le programme nucléaire iranien, en 2015, la République islamique avait cessé de revenir dans tous les discours de M. Nétanyahou. Mais l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, qui dessine la possibilité d’une coordination étroite entre les deux pays face à Téhéran, et la donne sur le terrain en Syrie font à nouveau de l’Iran l’ennemi prioritaire de la politique étrangère israélienne. Le 6 mars, lors d’une cérémonie au ministère des affaires étrangères, Benyamin Nétanyahou a qualifié l’Iran de « plus grand générateur de terrorisme au monde ».

Quelques heures avant cette visite, alors qu’il était interrogé pour la quatrième fois par les policiers sur des soupçons de corruption, M. Nétanyahou a été autorisé à faire une pause pour répondre au téléphone. C’était Donald Trump. Les deux dirigeants ont notamment discuté de l’Iran. Au cours de leur rencontre à la Maison Blanche, le 15 février, le chef du gouvernement israélien avait tenté de convaincre son hôte de l’intérêt pour les Etats-Unis de reconnaître l’annexion du plateau du Golan, d’où Israël surveille le sud-ouest de la Syrie.

Mainmise

Cette conversation téléphonique, avant son déplacement à Moscou, visait à donner plus de poids à M. Nétanyahou face à M. Poutine. Les deux dirigeants se connaissent très bien et s’apprécient. Depuis septembre 2015, ils se sont vus souvent en tête-à-tête, trois fois à Moscou et une fois à Paris en marge de la conférence sur le climat (COP 21). « Le premier ministre rêve d’un engagement russe sur un futur retrait du Hezbollah et des Iraniens de Syrie, ou au moins d’une prise en compte publique de ses préoccupations, souligne Benedetta Berti, experte à l’Institut pour les études sur la sécurité nationale (INSS), à Tel Aviv. Mais Israël n’a pas beaucoup de leviers dans la conversation. Aujourd’hui, la Russie a besoin de leur présence sur le terrain. »

Toutefois, les responsables militaires israéliens, impressionnés par la mainmise russe en Syrie avec des forces plutôt limitées, estiment que Moscou a la capacité, en cas de besoin, de rappeler à l’ordre l’autre parrain du régime Assad. « La Russie et l’Iran travaillent ensemble en Syrie mais ils n’ont pas nécessairement les mêmes intérêts et le même point de vue, souligne Chagai Tzuriel. Si Moscou veut aujourd’hui une “pax russiana”, il faudra inclure les Etats-Unis et les acteurs qui ne se trouvent pas sous son contrôle pour assurer une stabilité. Je ne crois pas qu’ils veuillent de frictions croissantes entre l’Iran, le Hezbollah et Israël. Je note qu’ils n’ont jamais légitimé publiquement les transferts d’armes sophistiquées de la Syrie vers le Hezbollah. Ils veulent aussi sans doute un prix plus élevé du baril de pétrole, ce qui implique de ne pas braquer complètement l’Arabie saoudite. »

Israël veut aussi poursuivre l’entente militaire avec les Russes dans l’espace aérien syrien, où l’Etat hébreu intervient régulièrement pour empêcher des transferts d’armes lourdes vers le Hezbollah. Les efforts de la milice chiite se manifestent dans trois domaines : des roquettes plus précises et des kits de guidage, avec la volonté de développer sa propre production ; les missiles sol-air, pour réduire la supériorité israélienne dans les airs ; enfin, les missiles anti-navires, contre la flotte israélienne au large ou même stationnée dans ses propres ports. Selon une source israélienne, le Hezbollah disposerait bien de ces missiles de type Yakhont, de fabrication russe, d’une portée de 300 km.