Par Le Monde – Piotr Smolar
Nétanyahou, qui craint la création de bases militaires iraniennes en Syrie, doit rencontrer Poutine au Kremlin.
Dans son bureau situé au siège du premier ministre à Jérusalem, Chagai Tzuriel, le directeur général du ministère du renseignement, dessine des arcs avec son doigt sur la carte du Moyen- Orient. Il trace un croissant, celui de l’axe chiite, de la mer Méditerranée jusqu’à la mer Rouge, qui concrétiserait la volonté hégémonique qu’Israël et les puissances sunnites prêtent à la République islamique iranienne. Selon cet ancien haut responsable du Mossad, où il a travaillé près de trois décennies, Israël s’alarme de la possible construction de structures militaires iraniennes permanentes en Syrie.
« Le renforcement de l’axe chiite conduit par l’Iran, surtout depuis la chute d’Alep, est dangereux non seulement pour la sécurité d’Israël, mais aussi pour la majorité sunnite en Syrie, les pays
Quelques heures avant cette visite, alors qu’il était interrogé pour la quatrième fois par les policiers sur des soupçons de corruption, M. Nétanyahou a été autorisé à faire une pause pour répondre au téléphone. C’était Donald Trump. Les deux dirigeants ont notamment discuté de l’Iran. Au cours de leur rencontre à la Maison Blanche, le 15 février, le chef du gouvernement israélien avait tenté de convaincre son hôte de l’intérêt pour les Etats-Unis de reconnaître l’annexion du plateau du Golan, d’où Israël surveille le sud-ouest de la Syrie.
Mainmise
Cette conversation téléphonique, avant son déplacement à Moscou, visait à donner plus de poids à M. Nétanyahou face à M. Poutine. Les deux dirigeants se connaissent très bien et s’apprécient. Depuis septembre 2015, ils se sont vus souvent en tête-à-tête, trois fois à Moscou et une fois à Paris en marge de la conférence sur le climat (COP 21). « Le premier ministre rêve d’un engagement russe sur un futur retrait du Hezbollah et des Iraniens de Syrie, ou au moins d’une prise en compte publique de ses préoccupations, souligne Benedetta Berti, experte à l’Institut pour les études sur la sécurité nationale (INSS), à Tel Aviv. Mais Israël n’a pas beaucoup de leviers dans la conversation. Aujourd’hui, la Russie a besoin de leur présence sur le terrain. »
Toutefois, les responsables militaires israéliens, impressionnés par la mainmise russe en Syrie avec des forces plutôt limitées, estiment que Moscou a la capacité, en cas de besoin, de rappeler à l’ordre l’autre parrain du régime Assad. « La Russie et l’Iran travaillent ensemble en Syrie mais ils n’ont pas nécessairement les mêmes intérêts et le même point de vue, souligne Chagai Tzuriel. Si Moscou veut aujourd’hui une “pax russiana”, il faudra inclure les Etats-Unis et les acteurs qui ne se trouvent pas sous son contrôle pour assurer une stabilité. Je ne crois pas qu’ils veuillent de frictions croissantes entre l’Iran, le Hezbollah et Israël. Je note qu’ils n’ont jamais légitimé publiquement les transferts d’armes sophistiquées de la Syrie vers le Hezbollah. Ils veulent aussi sans doute un prix plus élevé du baril de pétrole, ce qui implique de ne pas braquer complètement l’Arabie saoudite. »
Israël veut aussi poursuivre l’entente militaire avec les Russes dans l’espace aérien syrien, où l’Etat hébreu intervient régulièrement pour empêcher des transferts d’armes lourdes vers le Hezbollah. Les efforts de la milice chiite se manifestent dans trois domaines : des roquettes plus précises et des kits de guidage, avec la volonté de développer sa propre production ; les missiles sol-air, pour réduire la supériorité israélienne dans les airs ; enfin, les missiles anti-navires, contre la flotte israélienne au large ou même stationnée dans ses propres ports. Selon une source israélienne, le Hezbollah disposerait bien de ces missiles de type Yakhont, de fabrication russe, d’une portée de 300 km.