Israël sourd à la grève de la faim des prisonniers palestiniens

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L’Etat hébreu tente d’éviter une propagation du mouvement,  alors que près de 6 200 « détenus de sécurité » sont enfermés.

Huit jours après son lancement, le mouvement de grève de la faim parmi les prisonniers palestiniens ne faiblit pas. Au cours du week-end, environ 80 détenus appartenant au Hamas ont renoncé, mais d’autres continuent de se joindre à cette protestation pacifique. Selon Qaddoura Farès, président du Club des prisonniers palestiniens, « ils pourraient être près de 2 000 dans les prochains jours ». Près de 6 200 « détenus de sécurité », selon l’expression en vigueur, sont enfermés dans les prisons israéliennes. Cette cause est l’un des rares sujets unificateurs au sein de la société palestinienne, capable de mobiliser une population démoralisée et très critique envers ses propres dirigeants. Chaque famille a compté, ou compte encore, des détenus. Chacun a entendu les récits de vies derrière les barreaux de l’occupant.

Le chef de file de ce mouvement de protestation contre les conditions de détention est Marouane Barghouti. Condamné à cinq fois la perpétuité pour son implication dans l’organisation d’attentats pendant la seconde Intifada, au début des années 2000, il est aussi la figure la plus populaire du Fatah, la principale composante de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Il a été placé à l’isolement dès le premier jour de la grève, le 17 avril. « Son niveau de sucre dans le sang est tombé, et il a refusé les soins, explique Qaddoura Farès. Il a 57 ans, ces jours sont difficiles. » Le porte-parole du service pénitentiaire, Asaf Liberati, explique au Monde queMarouane Barghouti « est pris en charge médicalement et n’est pas dans une situation critique ».

« On n’a jamais rien obtenu sans grève de la faim, souligne Qaddoura Farès, très proche de Marouane Barghouti. Il n’existe pas d’autre option qu’un compromis, comme toujours. » En attendant, la pression monte. Le Fatah a annoncé une grève générale le 27 avril. Le lendemain, le parti réclame un nouveau « jour de colère », souvent marqué par des affrontements avec les soldats israéliens. Mais la capacité de mobilisation dans la rue demeure très incertaine. Des tentes ont été dressées dans les grandes villes palestiniennes, notamment à Ramallah, pour recueillir les témoignages de soutien aux grévistes. Elles ne sont guère fréquentées.

Prudent, Qaddoura Farès ne met pas en cause le peu d’entrain du président Mahmoud Abbas pour soutenir le mouvement. D’autant que le leader palestinien doit se rendre à Washington, le 3 mai, afin de rencontrer pour la première fois Donald Trump. « Abou Mazen [son surnom] a publié un communiqué de soutien, mais comme président, il aimerait que la situation soit aussi calme que possible autour de lui, reconnaît Qaddoura Farès. Or cette grève va faire beaucoup de bruit. »

Côté israélien, les autorités cherchent à casser l’effet de mimétisme à l’intérieur des prisons, en isolant au maximum les chefs de file et en exerçant des pressions sur les autres, y compris les non-grévistes. Les avocats n’ont pas eu accès aux participants. Israël refuse toute discussion publique sur la pertinence de leurs revendications. Elles portent sur les points suivants : possibilité de bénéficier de deux visites familiales mensuelles, contre une seule actuellement ; installation de cabines téléphoniques ; prise en charge médicale des personnes en longue maladie ; réinstauration de la possibilité de s’inscrire dans des universités israéliennes pour étudier (elle a été retirée en 2011 par le gouvernement).

Détourner l’attention

Ce dernier a préféré, dès le premier jour, détourner l’attention sur une question périphérique, en s’en prenant au New York Times. Le quotidien américain avait publié, le 17 avril, une tribune de Marouane Barghouti, sans mentionner sa condamnation pour terrorisme. « Appeler Barghouti un leader et un parlementaire, c’est comme appeler [le président syrien] Assad un pédiatre », a lâché Benyamin Nétanyahou. Le député Michael Oren, ancien ambassadeur à Washington, a quant à lui évoqué « une attaque terroriste journalistique ».

Mais après la correction immédiate par le quotidien américain, les autorités se retrouvent devant un dilemme classique : négocier serait perçu comme un signe de faiblesse ; adopter une ligne martiale risque d’envenimer le mouvement et de dramatiser les enjeux, à l’approche du 50e anniversaire de l’occupation, début juin. En ouverture du conseil des ministres, dimanche 23 avril, le chef du gouvernement Benyamin Nétanyahou a déclaré qu’il conduisait « une politique déterminée et responsable, en accord avec les normes internationales et pas les diktats terroristes ».

Ce n’est pas l’avis d’Amnesty ­International. Quelques jours avant le début du mouvement, l’ONG a publié un communiqué dans lequel elle rappelait que « la politique israélienne en vigueur depuis des décennies, consistant à détenir des Palestiniens [de Cisjordanie et Gaza] dans des prisons à l’intérieur d’Israël, en les privant de visites familiales régulières, est non seulement cruelle mais aussi une violation flagrante du droit international ».