Les campagnes électorale et vaccinale d’Israël ont produit deux affirmations récurrentes parmi certains observateurs mal informés : 1) Israël souffre d’un scrutin électoral déficient ; 2) Israël est un modèle de réussite dans la lutte contre le COVID-19. Ces deux affirmations sont fausses.
Israël a le même scrutin électoral depuis 1949 (mise à part l’augmentation du seuil d’éligibilité à trois reprises) et n’a pourtant jamais connu ce phénomène d’élections à répétition jusqu’à la crise politique de 2019. La troisième République française souffrait d’une instabilité gouvernementale chronique en dépit de son scrutin majoritaire à deux tours. Le scrutin majoritaire à un tour de la Grande-Bretagne ne produit pas toujours de majorité absolue. Le système mixte allemand créé souvent des coalitions hybrides. L’Italie n’est pas devenue plus gouvernable après avoir introduit une forte dose (75%) de scrutin majoritaire en 1993. La Hollande a des gouvernements relativement stables en dépit de son scrutin proportionnel intégral sans seuil d’éligibilité.
La crise politique d’Israël n’est pas due à son mode de scrutin mais à son Premier ministre. Benjamin Netanyahou n’a pas de majorité depuis novembre 2018, c’est-à-dire depuis qu’il a perdu le soutien du parti de la droite laïque « Israël Beiteynou » (dirigé par Avigdor Lieberman). Netanyahou n’avait le soutien que de 60 députés (sur 120) après les élections d’avril 2019 ; de 55 députés après les élections de septembre 2019 ; et de 58 députés après les élections de mars 2019. Mais les élections à répétition qu’il impose au pays le maintiennent au pouvoir puisqu’il demeure Premier ministre intérimaire entre les élections. Netanyahou espère à tort qu’il finira par obtenir une majorité de 61 députés pour faire passer des lois ad hoc destinées à annuler son procès pour corruption. Tant que Netanyahou s’obstinera dans cette voie, et tant qu’un autre député ne parviendra pas à former une coalition, cette instabilité continuera.
Le deuxième mythe est qu’Israël est la « success story » du COVID-19 parce qu’elle est au sommet de la liste des vaccinations per capita. Or derrière ce succès de la campagne vaccinale, il y a l’échec d’une infection exponentielle qui aurait pu et dû être évitée si le gouvernement avait contrôlé l’entrée des visiteurs étrangers et s’il avait fait respecter ses décisions à tous les secteurs de la population israélienne.
Israël est un petit pays techniquement insulaire avec des frontières scellées et un seul aéroport international. Contrairement à la plupart des pays européens, Israël n’a pas de frontières terrestres ouvertes et plusieurs aéroports internationaux. Le gouvernement aurait donc pu contrôler l’entrée de visiteurs étrangers comme l’ont fait Chypre, Taïwan, et la Nouvelle Zélande. Au lieu de cela, l’aéroport international Ben Gourion est une plaque tournante d’infections. Le gouvernement n’a « pensé » à exiger des visiteurs étrangers un test CORONA négatif 72 heures avant leur arrivée uniquement en janvier 2021, soit onze mois après l’explosion de la pandémie.
Le deuxième échec a trait au fait que le gouvernement n’a pas imposé de confinement différentiel et a fermé les yeux sur la violation des règles pour des raisons politiques. Les taux les plus élevés d’infections on lieu au sein des villes, villages et quartiers ultra-orthodoxes et arabes. Mais étant donné que Netanyahou a besoin du soutien des deux partis ultra-orthodoxes, et étant donné qu’il a établi une alliance politique tacite avec le parti islamiste « liste arabe unifiée », il n’y a pas eu de confinement différentiel selon les taux d’infections mais une punition collective imposée à tout le pays. Par ailleurs, alors qu’Israël en est à son troisième confinement (c’est-à-dire avec les petits commerces fermés et les enfants à la maison), les écoles du secteur ultra-orthodoxe restent partiellement ouvertes.
Dans l’État d’Israël en 2021, le Premier ministre téléphone à un rabbin de 93 ans (le Rabbin Kanievski) pour le supplier –en vain– d’obéir à la loi et de ne pas ouvrir les écoles talmudiques. C’est la version politique du mutant britannique : il y avait plus de respect pour l’autorité des « sionistes » à l’époque du Mandat.
Les Israéliens finiront-ils par mettre fin à cette chienlit ? Réponse le 23 mars.
[1] Professeur de relations internationales à l’Université de Tel Aviv et au Centre interdisciplinaire de Herzliya ; chercheur à l’Institut de Jérusalem pour Stratégie et la Sécurité (JISS) et au Forum Kohelet ; auteur du livre The Star and the Scepter : A Diplomatic History of Israel (JPS/UNP, 2020).