Mansour Abbas, un islamiste rallié au pouvoir israélien (Thierry Oberlé – Le Figaro)

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PORTRAIT – Le chef du parti arabe Raam a voté la confiance au nouveau gouvernement de Naftali Bennett, figure de la droite dure. Une première dans l’histoire de l’État hébreu, mais un calcul aussi très pragmatique.

Mansour Abbas est un briseur de tabous. Israël s’était habitué à ses parlementaires arabes refusant au nom de la défense de la cause palestinienne de peser sur la vie publique. Ce dentiste de formation a décidé qu’il est préférable de prendre en compte les intérêts de sa communauté qui représente quelque 20% de la population israélienne plutôt que de se focaliser sur des principes idéologiques.

Avant sa sécession, les députés arabes constituaient une liste commune. Ils se cantonnaient dans une opposition systématique et n’avaient aucune influence sur le traitement des sujets qui préoccupent leurs électeurs: l’explosion de la criminalité dans les quartiers et les villes arabes, les discriminations dont sont frappées leurs localités qui bénéficient de moins de routes, d’écoles, d’octrois de permis de construire ou de création de zones industrielles. Alors encore inconnu du grand public, le faiseur de roi de la politique israélienne avait précisé ses intentions dans un entretien accordé au Figaro en décembre dernier. «Nous ne faisons pas de différence entre la droite et la gauche israélienne, car il y en a si peu. Nous nous concentrons sur la crise interne de notre secteur. Nous défendons nos demandes et nos besoins et nous sommes prêts, pour les faire avancer, à toute collaboration avec toutes les forces qui composent un gouvernement», expliquait-il.

Son petit parti, le Raam, lié aux Frères musulmans, a obtenu quatre sièges aux législatives de mars, de quoi faire basculer la balance. Courtisé par Benyamin Netanyahou puis par Yaïr Lapid, l’architecte du gouvernement dirigé par Naftali Bennett, il s’est rallié in extremis au nouveau premier ministre, partisan de la colonisation de la Cisjordanie. Le suspense a duré jusqu’au vote. L’un de ses députés, un élu bédouin, menaçait, pour une question locale de destruction de constructions jugées illégales, de faire dissidence lors du scrutin qui s’est joué à une voix près.

Religieux, Mansour Abbas est attaché aux valeurs traditionnelles de l’islam et de la famille. C’est un islamo-conservateur bon teint, au ton pondéré et à la barbe poivre et sel bien taillée. Il s’est rendu à Lod, une ville mixte secouée par des émeutes, où il a dénoncé le saccage de synagogues brûlées par de jeunes manifestants arabes.

Le jeu de la démocratie

Dans les années 1990, il s’est distingué dans la très réputée université hébraïque de Jérusalem en boutant les communistes de la section syndicale des étudiants arabes. Il est alors proche du cheikh Abdullah Nimr Darwish, un des mentors du Mouvement islamique en Israël qui prêche la violence pour favoriser le développement de l’islam. Le parti se scinde un peu plus tard en deux branches. Sulfureuse, celle du Nord est interdite. Celle du Sud que Mansour Abbas représente joue le jeu de la démocratie. Le patron du Raam est intransigeant sur les questions de mœurs. Il a justifié en partie sa rupture avec les autres partis arabes par leur prise de position en faveur de la communauté LGBTQ. Il s’est aussi offusqué d’une loi interdisant les «thérapies de conversion», une pratique peu scientifique en vue de ramener dans le «bon chemin» les homosexuels. La première participation arabe de l’histoire d’Israël à un gouvernement promet d’être hétéroclite.