Israël se retrouve dans une dangereuse impasse politique (Thierry Oberlé – Le Figaro)

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Une semaine après sa victoire, Benyamin Nétanyahou est dans l’impossibilité d’obtenir une majorité au Parlement. Son adversaire Benny Gantz, qui dit avoir le nombre de sièges suffisant, est menacé de mort.

L’impasse politique est totale en Israël une semaine après les élections législatives. Les résultats du scrutin ne permettent pas de sortir d’une crise systémique. Benyamin Nétanyahou, au pouvoir sans discontinuité depuis dix ans, et son rival Benny Gantz, l’ancien chef d’état-major de l’armée, s’affrontent dans des joutes virulentes. Benny Gantz se dit déterminé à éjecter son adversaire du fauteuil de premier ministre. Sa pugnacité lui vaut des menaces de mort. Des intimidations prises au sérieux. Le 4 novembre 1995, le chef du gouvernement, Yitzhak Rabin, signataire des accords d’Oslo avec Yasser Arafat avait été assassiné par un extrémiste.

Benyamin Nétanyahou estime être le vainqueur des élections du 2 mars. Son parti, le Likoud a récolté 36 sièges sur 120 à la Knesset contre 33 à Kahol Lavan, la formation Bleu et Blanc de son adversaire. Il a progressé en nombre de voix, améliorant son score des deux précédents scrutins qui se sont tenus en avril et septembre 2019. Le premier ministre par intérim n’est toutefois pas en mesure d’obtenir une majorité au Parlement. Sa coalition, qui comprend les députés de deux partis ultraorthodoxes et ceux de Yamina, représentant l’extrême droite religieuse, culmine à 58 sièges. Il lui manque trois députés. Il n’est pas parvenu, pour l’instant, à convaincre des transfuges à se rallier à lui.

La Liste arabe unie, qui, avec quinze sièges, est la troisième force politique israélienne, est, elle-même, peu unie.

«Bibi» et ses partisans accusent Benny Gantz de «voler» le vote. Ils lui reprochent de plancher sur «une loi rétroactive et personnelle» pour empêcher le premier ministre de poursuivre son action en raison de ses démêlés judiciaires. Le 17 mars doit débuter devant un tribunal de Jérusalem le procès de Benyamin Nétanyahou, inculpé dans trois affaires distinctes de corruption, d’abus de confiance et de fraude. La loi israélienne n’exige pas que le premier ministre démissionne s’il est accusé d’un délit ou d’un crime. Le projet de loi interdirait à un fonctionnaire d’exercer le poste de chef du gouvernement s’il est mis en examen. «Cela va à l’encontre des principes les plus fondamentaux de la démocratie. Même les Iraniens ne font pas ça» martèle Benyamin Nétanyahou.

Le «tout sauf Bibi»

En face, Benny Gantz joue son va-tout. Il affirme disposer de 62 sièges, soit la majorité à la Knesset, mais la réalité est plus complexe. L’opposition est divisée. Seul le «tout sauf Bibi» la rassemble. Le leader ultranationaliste Avigdor Liberman semble vouloir la peau de celui dont il fut le conseiller spécial et le ministre de la Défense, mais il est improbable qu’il se rapproche des députés de la Liste arabe unie. Réputé pour ses outrances verbales, il avait proposé voici quelques années, alors qu’il était ministre des Transports, de conduire les prisonniers palestiniens en bus pour les «noyer dans la mer Morte».

La Liste arabe unie, qui, avec quinze sièges, est la troisième force politique israélienne, est, elle-même, peu unie. Les trois députés du parti nationaliste Balad refusent par principe de cautionner de près ou de loin un gouvernement israélien. Enfin, l’aile droite des centristes de Kahol Lavan ne se voit pas passer des accords mêmes tacites avec la Liste arabe unie.

L’intention de Benny Gantz de tenter d’obtenir l’appui des représentants de la minorité arabe israélienne est à l’origine d’une violente campagne contre sa personne. Des appels au meurtre circulent sur les réseaux sociaux et les attaques verbales se multiplient. La Knesset a renforcé la sécurité rapprochée de l’ancien patron de Tsahal. Ce dernier accuse Benyamin Nétanyahou d’encourager «la haine». «Si nous ne nous réveillons pas, un meurtre politique est à portée de main» a-t-il écrit sur Facebook. «Nétanyahou est prêt à tout brûler pour éviter (son) procès… Bibi, nous avons vu ce qui s’est passé lorsque l’incitation s’est emballée et que personne ne l’a arrêtée en 1995», a-t-il déclaré, en référence à l’assassinat d’Yitzhak Rabin. Benyamin Nétanyahou était à l’époque le chef de l’opposition et a été accusé par la gauche d’avoir contribué à un climat politique délétère.