En Israël, le grand effondrement de la gauche (Thierry Oberlé – Le Figaro)

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Alors qu’il a joué un rôle central pendant des décennies dans les institutions du pays, le mouvement n’est plus en mesure de peser sur la vie politique.

La gauche israélienne est à l’agonie. Le parti travailliste, le HaAvoda, est crédité d’un très mauvais score. Le mouvement initié par David Ben Gourion, le fondateur de l’État hébreu, d’Yitzhak Rabin, le signataire des accords d’Oslo assassiné par un extrémiste en 1995, et de Shimon Peres est devenu l’ombre de lui-même. Ses couleurs, le rouge et le bleu, se sont ternies. Il n’est plus en mesure de peser sur la vie politique alors qu’il a joué un rôle central pendant des décennies dans les institutions du pays.

Le courant est en déclin constant. Les élections législatives d’avril 2019 ont été un échec cuisant pour l’alliance menée par les travaillistes qui a obtenu 4,4 % des voix, soit six députés au Parlement. La gauche pensait avoir atteint le plus mauvais score de son histoire, mais elle a bu le calice jusqu’à la lie en septembre, malgré une direction politique renouvelée, en ne décrochant que cinq sièges. Pour les législatives du 2 mars, les travaillistes se sont alliés au Meretz, une petite formation en faveur d’une solution pour un accord de paix avec les autorités palestiniennes, et au mouvement Gesher, fondé l’an dernier par Ehud Barak. L’ancien premier ministre, qui s’est reconverti dans la culture du cannabis thérapeutique et légal, a tenté d’effectuer un come-back sur la scène politique. La recette n’a pas fonctionné.

Basculement

Le scrutin de lundi a confirmé la décrue. L’alliance ne recueillerait que sept sièges sur cent vingt à la Knesset. Un désaveu qui ne peut uniquement s’expliquer par le phénomène de polarisation d’un scrutin où les électeurs, divisés entre la droite et le centre droit et focalisés sur les querelles de personne, ont voté utile. «La faillite de la gauche repose sur un basculement des Israéliens. Les électeurs considèrent qu’elle a fait son travail historique mais qu’il est terminé. Les thèmes qu’elle défend ne correspondent plus aux aspirations de la population», estime Daniel Ben Simon, un ex-député travailliste. «Le Likoud de Benyamin Nétanyahou est un parti fourre-tout. Il aborde un terrain social où la gauche a échoué. Il défend les Séfarades contre les «élites» ashkénazes. Son discours fonctionne. Ses électeurs se disent à tort ou à raison que ce n’est pas un gauchiste qui va signer la paix avec les Palestiniens et les Arabes», poursuit-il. «La tragédie de ce pays est qu’elle croit aux hommes providentiels», ajoute David Ben Simon.

L’identité de la gauche apparaît obsolète en dépit de la recherche de la mixité. La campagne de Benny Gantz a laissé perplexe. Il a semblé indécis. Il n’est pas parvenu à fédérer

Daniel Charbit, politologue

Le 2 mars, une fraction de l’électorat traditionnel des travaillistes a préféré se prononcer en faveur de la liste arabe unie, une coalition de partis allant du communisme à l’islamisme en passant par les panarabes, plutôt que pour Benny Gantz. Cette désaffection a accentué le déclin. Les partis arabes auront sans doute 15 députés à la Knesset. Un résultat inédit. «Un exploit fou», selon leur président, Ayman Odeh. «L’identité de la gauche apparaît obsolète en dépit de la recherche de la mixité. La campagne de Benny Gantz a laissé perplexe. Il a semblé indécis. Il n’est pas parvenu à fédérer», dit le politologue Daniel Charbit. «Le système proportionnel à l’israélienne n’a jamais empêché l’émergence de leaders perçus comme forts par l’opinion publique, de personnalités qui rassurent. Benyamin Nétanyahou s’est inscrit dans cette tradition», conclut-il.