Israël: la croisade d’un ancien général contre Nétanyahou (Marc Henry – Le Figaro)

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Âgé de 66 ans, Amir Haskel, un général de l’armée de l’air israélienne à la retraite, mène un combat sans relâche contre le premier ministre, dont il dénonce la corruption. Son arrestation abusive devant la résidence officielle a provoqué un tollé national.

Il a été arrêté vendredi lors d’un rassemblement de l’organisation dite des «drapeaux noirs» devant la résidence du premier ministre au centre de Jérusalem avec deux autres manifestants anticorruption. Prétexte invoqué par la police: le général aurait bloqué la circulation, ce qui, au vu de vidéos, semble pour le moins discutable.

L’incident aurait pu passer inaperçu si ce n’est la personnalité du détenu, qui a passé quinze heures en prison après avoir refusé comme prix de sa libération de s’engager auprès de la police à ne pas mettre les pieds à Jérusalem pendant deux semaines et à verser une caution. Amir Haskel, qui mène depuis plus trois ans un combat souvent esseulé tel un don Quichotte en brandissant des pancartes dans les rues pour exiger la démission de Benyamin Nétanyahou, a refusé ce marché. Bien lui en a pris. Un tribunal de Jérusalem a ordonné sa libération immédiate sans condition jugeant que son interpellation avait été illégale.

Sur le terrain, près d’un millier d’Israéliens, y compris Moshe Yaalon, ancien ministre de la Défense et Amiram Levin, ex-chef du Shin Beth, le service de sécurité intérieure, se sont mobilisés samedi soir à Jérusalem pour dénoncer son arrestation. L’affaire est même remontée au gouvernement. Benny Gantz, le ministre de la Défense, également ancien général, a critiqué la détention de son ancien collègue, suscitant quelques frictions avec Benyamin Nétanyahou et son très fidèle ministre de la Sécurité intérieure, Amir Ohana. Amir Haskel a même eu droit à une esquisse de mea-culpa de la part de Motti Cohen, le chef de la police, qui a assuré que ses services allaient «tirer toutes les leçons de cet incident».

Si mon arrestation a enflammé les esprits dans le pays, cela valait le coup

Le général Haskel

La plupart des éditorialistes ont également dénoncé ces «pratiques d’intimidation». Bref, le général Haskel est enfin devenu le héros du jour qu’il rêve d’être. Son message est empreint de nostalgie lorsqu’il affirme: «Les valeurs dans lesquelles j’ai été élevé et que j’ai transmises à mes subordonnés sont progressivement en train de disparaître sous mes yeux.»

Il s’élève aussi contre une «réalité malsaine dans laquelle nous (les contribuables) payons les frais de la résidence du premier ministre dans laquelle vit un homme accusé de corruption». Ce message est également celui d’un pédagogue. Après avoir remisé son uniforme, il a accompagné des délégations d’élèves et d’enseignants dans les camps de la mort nazis en Pologne à titre éducatif.

Mais son credo éthique et politique a du mal à passer auprès des Israéliens si l’on en juge par les résultats des élections de mars qui ont permis à Benyamin Nétanyahou de battre tous les records de longévité au pouvoir malgré une série d’inculpations. En fait, la détention du général Haskel lui a permis de se faire beaucoup mieux entendre que d’habitude. «Si mon arrestation a enflammé les esprits dans le pays, cela valait le coup», a-t-il lancé. Il a également été aidé par une «erreur» de Benyamin Nétanyahou.

Le premier ministre a obtenu la semaine dernière de la commission des finances du Parlement le remboursement d’environ 250.000 euros de trop-perçu de la part du fisc alors que des centaines de milliers d’Israéliens sont au chômage et une bonne partie d’entre eux sans ressources à la suite des conséquences sociales catastrophiques de l’épidémie du Covid-19. Cette décision a provoqué un tel tollé que le premier ministre a renoncé, pour le moment, à obtenir ces fonds en reconnaissant qu’elle était intervenue à «un mauvais moment».