Israël: le changement de ton du candidat Nétanyahou avant les législatives (Louis Imbert – Le Monde)

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A l’approche des élections de ce lundi 2 mars, le premier ministre a privilégié une campagne de terrain et multiplié les apparitions dans la presse.

Son rythme, ses thèmes, sa campagne : sans surprise, Benyamin Nétanyahou a dévoré l’actualité israélienne, à l’approche des élections législatives du lundi 2 mars. Aucun des rivaux du premier ministre, 70 ans, n’a déployé une énergie comparable à parcourir le pays. En février, il a tenu jusqu’à deux à trois meetings par soir, devant quelques centaines de personnes, de la périphérie israélienne aux colonies de Cisjordanie.

Cette campagne se poursuit sans interruption depuis décembre 2018, lorsque M. Nétanyahou a brisé sa majorité parlementaire pour convoquer des élections anticipées – il échoue depuis à la retrouver. Mais ces deux derniers mois, son style a évolué. Lui qui avait passé l’élection de septembre en direct quasiment permanent sur Facebook Live privilégie comme jamais le terrain.

Calme et heureux

Il tenait la presse à distance : voilà qu’il multiplie les interviews. Il a renoncé à la violence inouïe avec laquelle il dénonçait « un coup d’Etat des juges », en novembre, au soir de son inculpation en justice pour corruption, fraude et abus de confiance. Il n’évoque pas, en meeting, son procès, qui s’ouvrira le 17 mars, au moment où commenceront les négociations entre partis pour la formation d’un gouvernement. Son opposition en usera, mais ce n’est qu’une audience formelle : le procès ne devrait véritablement commencer qu’en mai ou en juin.

M. Nétanyahou apparaît calme et heureux. Son parti a cessé de mettre les électeurs en garde contre une défaite imminente, pour les convaincre de se rendre aux urnes. Désormais, le Likoud se dit à deux doigts d’arriver à une majorité. Lundi, il a prévu un immense effort pour mobiliser ses électeurs un à un, quitte à dépêcher un militant devant leur porte, qui les emmènera au bureau de vote.

Le Likoud leur demande de télécharger à nouveau, sur leurs téléphones, une application dont un vice de fabrication a dévoilé des informations personnelles de millions d’Israéliens en février. Le parti a pu compromettre la sécurité de fonctionnaires officiant à des postes sensibles et de membres des agences de renseignement et de l’armée, a dénoncé l’ancien directeur du Mossad, Tamir Pardo.

Fin janvier, M. Nétanyahou s’était lancé dans une étourdissante tournée internationale. A Washington, il avait dévoilé aux côtés du président Trump le plan américain pour une « paix » israélo-palestinienne. Le lendemain, il s’était envolé pour Moscou, afin de rapatrier lui-même une Israélienne condamnée pour possession de drogue et pardonnée par Vladimir Poutine. En Ouganda, il avait dialogué avec le général soudanais Abdel Fattah Al-Bourhane, annonçant une « normalisation » des relations avec cet ancien bastion de l’opposition à Israël au nom de l’islam politique.

Attaques racistes

Depuis lors, le premier ministre s’est penché sur chaque strate de son électorat. Il a débauché un parlementaire originaire d’Ethiopie, qui a quitté le parti Bleu Blanc de son principal rival, Benny Gantz. Il a aussi accueilli quarante nouveaux immigrants juifs éthiopiens à leur descente d’avion, le 26 février. Le premier ministre a été jusqu’à tenir un bref meeting dans une ville arabe israélienne cette semaine. L’assistance était clairsemée. Multipliant les attaques racistes, M. Nétanyahou a échaudé la communauté en l’accusant d’être une cinquième colonne avec laquelle M. Gantz serait prêt à pactiser pour arriver au pouvoir.

A chacun de ses arrêts, le premier ministre vante le plan Trump, qui promet à Israël d’annexer les colonies de Cisjordanie. Ce plan a aussi mis un terme, affirme-t-il, à toute demande de concession en faveur des Palestiniens de la part la communauté internationale. Son dévoilement en janvier n’a pourtant pas eu l’effet escompté : les sondages n’ont enregistré aucun sursaut en sa faveur.

Depuis lors, dans une surenchère avec le ministre de la défense, Naftali Bennett, représentant de la droite ultranationaliste religieuse, M. Nétanyahou a annoncé de nouvelles constructions dans les colonies, à échéance immédiate ou dans un avenir vague. Il a notamment cité la réserve de terres incultes nommée « E1 », qui borde Maale Adumim, à l’est de Jérusalem. Cette dernière annonce est explosive : de telles constructions, bloquées par le passé par l’administration Obama, couperaient les quartiers arabes de la ville de la Cisjordanie, et rompraient d’est en ouest la continuité territoriale de l’espace palestinien.