Israël: Benyamin Nétanyahou, mis en examen, à l’épreuve d’un calendrier miné (Thierry Oberlé – Le Figaro)

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Le procès du premier ministre se tiendra quinze jours après les législatives et au lendemain de la rentrée de la nouvelle Knesset.

Après trois années d’enquêtes, les procédures judiciaires s’accélèrent contre Benyamin Nétanyahou. Le procès du premier ministre israélien, inculpé dans trois dossiers de corruption, va débuter le 17 mars. Le timing est malheureux pour le chef du gouvernement. Il doit comparaître dans le box des accusés devant le tribunal de district de Jérusalem quinze jours après les élections législatives – les troisièmes en moins d’un an – et au lendemain de la prestation de serment de la nouvelle Knesset.

Entre-temps, le président Reuven Rivlin désignera le 8 mars, après avoir consulté les chefs de partis, le député qu’il estime le plus à même de former un gouvernement. Rien ne s’oppose à ce qu’il donne ce mandat à Benyamin Nétanyahou si son parti, le Likoud, arrive en tête du scrutin.

Ce calendrier place «Bibi» dans une situation délicate. Elle l’oblige à se battre en même temps sur le terrain judiciaire et politique. Le patron du Likoud a renoncé à demander à ses pairs l’immunité parlementaire faute de pouvoir dégager un consensus en sa faveur. Et si la loi interdit à un ministre en prise avec la justice d’exercer ses fonctions, elle ne dit rien sur le cas d’un premier ministre mis en examen.

Ses avocats pourraient solliciter lors de la première audience un report du procès et demander à la Cour d’exempter de comparution Benyamin Nétanyahou. Des initiatives destinées à gagner du temps ou à aménager son emploi de temps mais pas à enrayer la machine judiciaire.

Sa coalition qui comprend outre le Likoud, l’extrême droite religieuse et les partis ultra-orthodoxes, n’est pas en mesure, selon les sondages, de franchir la barre des 60 députés

Le premier ministre par intérim aura, quoi qu’il en soit, les plus grandes difficultés à dégager une majorité en sa faveur au Parlement pour assurer sa survie politique. Sa coalition qui comprend outre le Likoud, l’extrême droite religieuse et les partis ultra-orthodoxes, n’est pas en mesure, selon les sondages, de franchir la barre des 60 députés. Après deux tentatives infructueuses pour former un gouvernement, le «magicien Bibi» risque d’échouer une troisième fois en un an et de prolonger une crise politique devenue systémique.

Révélé par la Maison-Blanche moins de cinq semaines avant le scrutin pour favoriser sa réélection, le plan Trump pour la paix au Proche-Orient n’a pas fait bouger les lignes. Le premier ministre comptait sur l’annexion immédiate des colonies juives de Cisjordanie et de la vallée du Jourdain pour créer une dynamique, mais il a dû renoncer. Jared Kushner, gendre du président américain et concepteur d’un «deal du siècle» rejeté par les dirigeants palestiniens, s’est opposé à son application avant le scrutin et sans concertation avec certains pays arabes.

Le flop a replongé la campagne électorale dans une routine où chacun répète dans une indifférence apparente ses arguments. «Il ne manque plus qu’une épidémie de coronavirus pour décourager les électeurs d’aller aux urnes», ironisait mercredi un commentateur à l’antenne de Kan, la radio d’État.

Les rapports de force n’ont guère évolué depuis les votes de septembre et d’avril 2019. Dans le camp d’en face, Benny Gantz, dont la formation de centre droit Kakhol Lavan (Bleu et Blanc) est créditée par les enquêtes d’opinion d’une courte avance sur le Likoud, parait lui aussi dans l’impasse. Divisée entre le centre droit, ce qu’il reste de la gauche, les partis arabes et les partisans du leader nationaliste, le russophone Avigdor Liberman, l’opposition n’a pour seul dénominateur commun que le désir d’en finir avec un Nétanyahou affaibli mais toujours aussi pugnace. Le blocage promet une longue période postélectorale marquée par les querelles et les marchandages. Il pourrait déboucher si des alliances inédites ne voient pas le jour sur un… quatrième scrutin.

Le tribunal sera présidé par ­Rivka Friedman-Feldman, ancienne élève d’une école religieuse et magistrate réputée pour ses verdicts sévères dans des affaires de corruption

La paralysie politique contraste avec la vitesse de la justice. En trois semaines, les accusations contre le chef du gouvernement ont été portées devant le tribunal, une date a été fixée pour le procès et trois juges désignés. Benyamin Nétanyahou avait indiqué qu’il préférait comparaître à Jérusalem, non pas en raison de la proximité géographique entre le prétoire et le 10, rue Balfour, lieu de sa résidence, mais du caractère religieux de la «ville sainte». «À Jérusalem, les juges vont à la synagogue. À Tel-Aviv, ils vont au Philharmonique», avait-il dit.

Sa satisfaction a dû se teinter d’un soupçon d’inquiétude à la lecture du nom de la présidente de la Cour. Le tribunal sera présidé par Rivka Friedman-Feldman, ancienne élève d’une école religieuse et magistrate réputée pour ses verdicts sévères dans des affaires de corruption. Elle avait participé à la condamnation à la prison de l’ex-premier ministre Ehud Olmert, qui a passé seize mois derrière des barreaux pour avoir touché des pots-de-vin.