PORTRAIT – Il succède à Yossi Cohen, le «beau gosse» qui a organisé le vol de documents sur le programme nucléaire iranien à Téhéran.
Le Mossad a depuis le 1er juin un nouveau patron, David Barnea. Si l’ancien chef, Yossi Cohen, était attiré par la lumière, son successeur semble revenir à la tradition de l’agence d’espionnage israélienne et préférer l’ombre. David Barnea connaît tous les rouages du service dont il était le numéro deux depuis trois ans. Il a effectué son service militaire dans la prestigieuse force d’élite des opérations spéciales Sayeret Matkal, puis, voici une trentaine d’années, il est devenu un espion.
Il a gravi les échelons en étant responsable de la localisation, du recrutement et de la gestion des agents avec un passage à la division de la surveillance et de l’infiltration des cibles. Il les a dirigés à travers le monde pour traiter les sujets prioritaires d’Israël: l’Iran et le Hezbollah, le mouvement chiite basé au Liban. Bref, un profil de technicien similaire à celui de son prédécesseur mais en moins politique et plus discret.
Yossi Cohen, le «beau gosse» du Mossad, s’était distingué durant son mandat en organisant le vol de documents sensibles sur le nucléaire iranien à Téhéran, un fait d’armes hautement médiatisé par le premier ministre, Benyamin Netanyahou. Il a aussi joué un rôle crucial grâce à sa diplomatie sécuritaire dans le rapprochement avec des pays arabes comme les Émirats arabes unis (EAU), qui a abouti aux accords d’Abraham sous l’ère Trump. L’une des principales opérations attribuées au Mossad au cours de l’année écoulée, alors que David Barnea en était le directeur adjoint, a été l’assassinat, le 27 novembre, du responsable du programme nucléaire militaire iranien, Mohsen Fakhrizadeh.
Renseignement humain
Bien que le Mossad soit une agence d’espionnage dont la mission principale est de collecter des informations par l’intermédiaire du renseignement humain, il a de plus en plus recours à la technologie et à la cyberguerre. «De hauts responsables du Mossad décrivent David Barnea comme un réformateur ouvert aux changements structurels, organisationnels et professionnels et quelqu’un qui n’est pas figé dans ses habitudes et n’est pas conservateur», assure le journaliste et écrivain spécialisé Yossi Melman.
Depuis sa création il y a soixante-douze ans, le Mossad a connu des bouleversements qui reflètent les changements de la société israélienne. L’un d’eux est la féminisation de la profession. Le Mossad a longtemps enflammé les imaginations à l’étranger et exacerbé en Israël le culte d’un certain héroïsme masculin.
Si, par le passé, les femmes combattantes étaient souvent présentées comme des appâts, l’État hébreu met désormais en valeur, au nom de l’égalité des sexes, leurs performances et la qualité de leur travail. Aujourd’hui, près de 40 % des effectifs sont féminins. En 2019, les femmes représentaient 47 % des nouvelles recrues du Mossad. 30 % des commandants d’unité sont aujourd’hui de sexe féminin.
Des équipes mixtes
Le Mossad s’est adapté, affirment les spécialistes, pour permettre aux femmes de se marier et d’avoir des enfants, tout en leur offrant la possibilité de continuer leurs missions. Lorsqu’une femme est recrutée par le Mossad, ses employeurs interrogent également son conjoint. Acceptera-t-il de s’occuper des enfants pendant ses absences comme dans n’importe quel métier? Yossi Cohen est convaincu que le Mossad sera un jour dirigé par une femme. Selon lui des équipes mixtes réussissent beaucoup mieux à accomplir les tâches complexes. Un point de vue partagé par son successeur.
Le Mossad compte environ 7 000 salariés qui travaillent pour la plupart au quartier général de Glilot, dans la banlieue nord de Tel-Aviv, avec pour fer de lance les unités opérationnelles. Sur le terrain, les femmes ont principalement des missions de surveillance et de collecte de renseignements. Interrogée sur les assassinats ciblés, l’une d’elles s’est expliquée au magazine Globes. «Une armée sort et tire et nous sommes une armée. On est peut-être une armée de l’ombre, mais on est une armée. Nous atteignons des endroits auxquels nos autres forces ne peuvent pas accéder. Nous sommes la première ligne de défense», dit-elle.