Menacé par la justice, Nétanyahou espère trouver son salut dans les urnes (Thierry Oberlé – Le Figaro)

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Le premier ministre israélien, dont le procès pour corruption démarre le 17 mars, bénéficie d’une légère dynamique en sa faveur pour les troisièmes élections législatives en un an.

La participation est la clé des élections législatives israéliennes du 2 mars. Les résultats du scrutin vont dépendre de la capacité de mobilisation de deux camps. Les indécis lassés par l’incapacité des partis politiques à parvenir à dégager une majorité à la Knesset pourraient choisir de rester chez eux, après une campagne qui s’achève par des coups bas. Invité de dernière minute, le coronavirus risque de favoriser l’abstention. Les Israéliens sont particulièrement inquiets du développement d’une contamination qui a touché pour l’instant sept personnes. Ce dimanche, premier jour de la semaine, les lieux publics étaient moins animés qu’à l’ordinaire tandis que les autorités mettaient en garde contre la diffusion de «fausses nouvelles».

Les électeurs sont appelés à se rendre aux urnes pour la troisième fois en moins d’un an. Ils ont voté en avril. La droite et le centre droit avaient obtenu le même nombre de députés (35). Une voie royale aurait pu s’ouvrir à Benyamin Nétanyahou mais le soutien d’un parti charnière lui a fait défaut. Avigdor Lieberman, le chef d’Israel Beitenou, une formation ultranationaliste et russophone, lui a retiré sa confiance. Il ne voulait et ne veut toujours pas gouverner avec les ultraorthodoxes. Le premier ministre avait alors obtenu la dissolution du Parlement et déclenché de nouvelles élections.

En septembre, Kahol Lavan, le parti Bleu et Blanc de Benny Gantz, ex-chef d’état-major de l’armée, est arrivé en tête en obtenant 33 contre 32 au Likoud. Benyamin Nétanyahou, qui contrôle une coalition plus solide que celle de son adversaire, avait tenté de dégager une majorité. Sans succès. Benny Gantz s’était ensuite attelé à la tâche. En vain. Face à l’impasse, le président israélien, Reuven Rivlin, avait suggéré aux deux leaders de trouver un accord pour se partager le pouvoir. Ils n’en ont pas voulu. Le chef du gouvernement par intérim et son challenger tenaient chacun à assumer en premier la direction tournante du gouvernement.

Une cohabitation paraît toujours une hypothèse improbable malgré la proximité des programmes. La droite et le centre droit ont des approches similaires des grands dossiers israéliens tels la sécurité, la crainte de l’Iran, l’économie libérale ou la question palestinienne. Les nuances se trouvent dans le style et dans une volonté du parti Bleu et Blanc de tenir compte les aspirations des Arabes israéliens (20 % environ de la population) et du Likoud de composer avec la minorité ultraorthodoxe dont le poids démographique est de plus en plus important (plus de 10 %).

Référendum permanent

L’enjeu véritable du scrutin est l’avenir de Benyamin Nétanyahou. Chaque élection est un référendum: pour ou contre «Bibi»! Le premier ministre par intérim a dépassé l’été dernier le record de longévité au pouvoir qui était détenu par David Ben Gourion, le fondateur de l’État hébreu. Il a été aux manettes de 1996 à 1999 et dirige le pays sans discontinuité depuis 2009. Ses démêlés judiciaires sont son talon d’Achille mais ils n’ont pas entamé le soutien de ses partisans.

Une longue enquête policière a conduit à son inculpation dans trois affaires de corruption, de malversation et abus de confiance. Son procès va débuter le 17 mars. L’accusé qui clame son innocence et dénonce un complot ourdi par les magistrats et les médias est le dos au mur. Il peut, dans un pays où la justice a emprisonné un de ses prédécesseurs, Ehoud Olmert, pour des faits analogues, se retrouver derrière les barreaux s’il est déclaré coupable. En attendant, Benyamin Nétanyahou, 70 ans, est toujours aussi combatif.

Panarabes, communistes ou islamistes, les formations représentant la minorité arabe sont un épouvantail pour une partie de l’électorat

Les derniers sondages donnent les rivaux au coude-à-coude. Selon les projections, le Likoud et Kahol Lavan obtiendraient 33 sièges chacun sur les 120 de la Knesset. Le chef de la droite est mieux placé en raison de la solidité de sa coalition mais il ne parviendrait pas, d’après toutes les études d’opinion, à obtenir une majorité. «Bibi» peut compter sur l’appui de la liste Yamina, regroupant l’extrême droite religieuse et sur celui des formations ultraorthodoxes. Benny Gantz a peu de réserves. Les travaillistes et le Meretz, un petit parti, se sont alliés pour espérer peser mais la gauche est en déliquescence depuis de nombreuses années. La liste des partis arabes unifiés est prête à soutenir sans participation l’ex-patron de Tsahal mais le compte n’y est pas. Panarabes, communistes ou islamistes, les formations représentant la minorité arabe sont de plus un épouvantail pour une partie de l’électorat.

Coups bas

Dans ce contexte incertain, Benyamin Nétanyahou est parvenu à créer une légère dynamique en sa faveur. Il a rassuré ses électeurs sur les questions sécuritaires même s’il n’a pas de solution durable pour régler la crise à Gaza. Il ne peut pas empêcher son procès mais laisse à penser à ses partisans qu’il parviendra, s’il gagne le scrutin, à obtenir son immunité et à rogner les prérogatives de la Cour suprême, pilier d’un système démocratique en vigueur depuis la création d’Israël.

La publication du plan Trump pour le Proche-Orient n’a pas eu l’effet de souffle escompté mais Bibi a décuplé son énergie pour arracher des votes en sa faveur tandis que son rival paraissait sur la défensive. Le Likoud a exploité l’audition probable à titre de témoin de son adversaire dans une enquête judiciaire. Meilleur militaire qu’homme d’affaires, Benny Gantz dirigeait avant de se lancer en politique une société aujourd’hui en faillite mise en cause dans de présumés marchés tronqués.

Parfois, les coups ont volé vraiment bas. Yair, l’un des fils du chef du gouvernement, a repris sur son compte Twitter une rumeur selon laquelle Benny Gantz serait un «Benjamin Griveaux local». La vidéo que personne n’a vue aurait été piratée dans son téléphone par les services secrets iraniens. Et à la veille du scrutin, la presse a révélé que l’un des proches de Bibi, Natan Eshel, avait affirmé que le ciment des supporteurs du premier ministre était «la haine des Ashkénazes», une déclaration contenue dans un enregistrement clandestin qui a mis le feu aux poudres. Volontiers populiste, Benyamin Nétanyahou rassemble à sa droite en attaquant des élites dont il fait pourtant partie. Les électeurs vont dire ce lundi si cette stratégie peut faire la différence.