Le Qatar face au défi de son isolement dans le Golfe

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Par Le Figaro – Georges Malbrunot


L’Arabie saoudite, les Émirats et l’Égypte rompent avec Doha, accusé de financer le terrorisme.

Rupture des relations diplomatiques, fermeture des espaces aériens et maritimes, interdiction de voyager au Qatar: la mise en quarantaine du minuscule émirat est entrée en vigueur. Appuyée par les Émirats arabes unis, Bahreïn et l’Égypte, l’Arabie saoudite a décidé lundi d’isoler son remuant voisin qu’elle accuse de financer le terrorisme. «Le Qatar accueille divers groupes terroristes pour déstabiliser la région, comme la confrérie des Frères musulmans, Daech et al-Qaida», souligne Riyad. À son tour, Doha, réagissant avec colère, a accusé ses voisins du Golfe de vouloir mettre le Qatar «sous tutelle» et de l’étouffer économiquement.

Cette action coordonnée entre alliés est intervenue trente-six heures seulement après l’attentat de Londres. «Il s’agit de désigner un bouc émissaire facile dans le soutien au terrorisme», analyse un expert familier du Golfe. Cette crise – la plus grave depuis la création du Conseil de coopération du Golfe en 1981 – survient quinze jours après la visite de Donald Trump en Arabie saoudite, au cours de laquelle Riyad et certains de ses alliés – Égypte et Émirats notamment – avaient conclu avec Washington un pacte contre l’Iran, accusé de déstabiliser le Moyen-Orient.

Or Doha n’a pas voulu entrer dans cette guerre d’influences. Quelques jours après la visite de Donald Trump, Riyad et Abu Dhabi accusaient l’émir du Qatar, Cheikh Tamim, d’avoir tenu des propos désobligeants contre l’Arabie et d’être trop complaisants envers Téhéran. Des hackers, probablement égyptiens, avaient même réussi à pénétrer le site de l’agence de presse qatarienne. Malgré les démentis des officiels qatariens, la crise ne cessait d’enfler. «Ce n’est pas fini», nous confiait en fin de semaine dernière un responsable saoudien.

Doha pas obsédé par l’Iran

Contrairement à ses voisins saoudiens et émiriens, «le Qatar n’a jamais eu une lecture confessionnelle chiite sunnite des événements au Moyen-Orient», reconnaît un diplomate français. Outre une diplomatie fondée sur la conciliation, le Qatar partage un immense champ gazier avec l’Iran dans les eaux du Golfe, ce qui l’a conduit à adopter un ton mesuré vis-à-vis de Téhéran. Cette attitude est partagée par le Koweït et le sultanat d’Oman, qui ne se sont pas associés à l’isolement contre Doha. Autre allié du Qatar, la Turquie a proposé lundi de jouer les bons offices.

«Le Qatar finit par payer son double jeu avec les islamistes», se félicite un diplomate arabe au Levant. Doha, qui abrite la plus grande base militaire américaine dans le Golfe d’où partent les avions de combat qui frappent Daech en Syrie et en Irak, est accusé par les États-Unis d’abriter sur son territoire une demi-douzaine de financiers du terrorisme. Ces individus bénéficient d’une certaine complaisance des autorités qatariennes. «Mais tout cela était connu des Saoudiens depuis longtemps», ajoute ce diplomate arabe qui s’interroge: «Pourquoi cette affaire sort-elle maintenant? Le Qatar aurait-il refusé de participer à l’effort de guerre contre l’Iran voulu par Washington et Riyad?» Réagissant à ce mini-séisme, Rex Tillerson, le chef de la diplomatie américaine, a pressé les pays du Golfe à rester «unis».

Washington et Paris s’étaient alliés au Qatar au début des révoltes arabes en 2011, pariant sur les bonnes relations que Doha entretenait avec les Frères musulmans, égyptiens et tunisiens, pour amener ces derniers à la modération, une fois le pouvoir conquis. Mais l’échec de Mohamed Morsi en Égypte a sonné le glas de l’islam politique et du pari qatarien. Depuis, Doha n’a nullement renoncé à soutenir les islamistes en Libye – au grand dam de l’Égypte et des Émirats – et en Syrie où le Qatar a payé de nombreuses rançons à la branche locale d’al-Qaida pour qu’elle libère ses otages. Signe de l’irritation croissante suscitée par Doha, il a fallu près d’une semaine pour qu’Emmanuel Macron accepte de prendre au téléphone l’émir du Qatar qui voulait le féliciter après sa victoire, confie une source diplomatique française. À Doha, où existe une tradition de coups d’État au sein de la famille régnante, des mesures de sécurité ont été renforcées autour de l’émir.