Le fondamentalisme islamique gangrène les mosquées belges

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Par Le Figaro – Isabelle Ory


Un rapport officiel souligne le nombre croissant de lieux de culte et de centres, souvent financés par l’Arabie saoudite, sous l’emprise des salafistes dans le Royaume.

Le fondamentalisme islamique gangrène chaque jour un peu plus les mosquées belges. C’est le constat dressé par l’organisme indépendant chargé d’évaluer les risques terroristes pour le gouvernement du Royaume. L’Ocam tire la sonnette d’alarme dans un rapport confidentiel daté de novembre 2016 et rendu public par le quotidien flamand De Standaard.«Un nombre croissant de mosquées et de centres islamiques est sous l’emprise du wahhabisme, l’appareil missionnaire salafiste», écrivent les spécialistes. «Des imams sont en cours de salafisation ou sont déjà salafisés.» Un phénomène qui passe aussi par Internet et la télévision. En face, les imams modérés ne parviendraient pas à faire le poids et perdraient peu à peu la bataille intellectuelle auprès des 800.000 musulmans de Belgique.

Transparence sur le financement des lieux de culte

Moins d’un an après les attentats de Bruxelles, cette description suscite beaucoup d’émoi. Lors d’un débat à la Chambre des députés jeudi après-midi, de nombreux élus ont interpellé le premier ministre. «Les services de sécurité ont d’ores et déjà été mandatés pour proposer un plan d’action opérationnel», leur a répondu Charles Michel, sans plus de précision. Il a également rappelé que dès l’été son gouvernement avait adopté une circulaire pour lutter contre «les prédicateurs de haine».

Plusieurs parlementaires ont réclamé davantage de transparence sur le financement des lieux de culte. Se retrouvent dans le collimateur l’Arabie saoudite et les États du Golfe, qui forment des imams ou financent directement des centres islamiques en Belgique. La grande mosquée de Bruxelles, qui dresse son minaret à la lisière du quartier européen, fait figure de navire amiral. Son bureau exécutif est dirigé par l’ambassadeur d’Arabie saoudite, et trois autres membres résident dans le Royaume wahhabite. Entre 2012 et 2014, le centre islamique et culturel lié au lieu de prière a dépensé plus de 1,2 million d’euros pour propager son idéologie, selon des révélations récentes du patron des services secrets belges.

«Le rapport documente de mieux en mieux un phénomène que nous connaissions déjà, note Georges Dallemagne, député centriste et membre de la Commission d’enquête sur les attentats du 22 mars à Bruxelles. La nouveauté, ce sont les liens établis entre ce radicalisme islamique et le terrorisme, on ne parle plus seulement de salafisme pieux.» Ces liens s’incarnent, par exemple, dans la figure de Fouad Belkacem. Cet ancien chef d’un mouvement baptisé Sharia4Belgium a été condamné à douze ans de prison en 2016. Selon l’Ocam, l’ancien «gourou» fondamentaliste s’est inspiré de prêches salafistes repérés sur Internet ; il a ensuite convaincu de nombreux jeunes à partir en Syrie.

Le retour des combattants de Daech

Les Belges ont bien conscience que la lutte contre l’islam radical reste complexe et difficile. L’opprobre jeté sur le quartier de Molenbeek, qualifié de capitale européenne du djihad après les attentats de Paris, a laissé des traces. Les «revenants» en provenance de Syrie sont surveillés. Cette semaine encore, la police a interpellé onze personnes dans le cadre du possible retour d’un combattant de Daech. Elles ont été jeudi soir relâchées après des «auditions approfondies».

Selon les derniers chiffres officiels, 281 jeunes belges se trouveraient encore en Syrie et 117 seraient rentrés. Les départs diminuent. «Au niveau de la prévention, nous avons progressé très vite, note la chercheuse Corinne Torrekens. Même s’il reste le point noir de la radicalisation en prison.». Cette spécialiste de l’islam met en garde contre la remise en liberté prochaine de certains membres de Sharia4Belgium. «L’état d’esprit a changé, veut croire Georges Dallemagne, le niveau de vigilance est là, mais nous gardons encore un système trop fragmenté. Il manque un pilotage intégré de toutes les institutions belges impliquées.»

Il est vrai que la coordination entre les différentes institutions laisse encore parfois à désirer. La Turquie a ainsi intercepté il y a quelques semaines un Belge de 26 ans, ami d’un des kamikazes de Bruxelles. Condamné à sept ans de prison pour participation aux activités d’un groupe terroriste, il avait été laissé en liberté sur décision du juge. Et il avait discrètement pris la poudre d’escampette en direction la Syrie.