Israël – Inde : La « doctrine de la périphérie » à l’oeuvre

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Le Premier ministre indien Narendra Modi a effectué cette semaine une visite historique de 3 jours en Israël, qui constitue un tournant diplomatique majeur pour New Delhi. Partenaires économiques, les deux pays ont mis du temps à officialiser leur amitié, a priori peu compatible avec le soutien historique des non-alignés à la cause palestinienne. Mais l’élection, en 2014 d’un Premier ministre issu du parti nationaliste hindou BJP a changé la donne.

L’Inde reconnait Israël deux ans après sa création, en 1950, mais attendra 1992 pour établir des relations diplomatiques normales. Durant la Guerre des Six jours et la Guerre de Kippour, l’Inde soutient le camp arabe, avant de devenir en 1975 le premier pays non arabe à autoriser l’OLP (Organisation de libération de la Palestine) à ouvrir un bureau sur son territoire. En 1988, elle reconnait l’Etat palestinien, après la déclaration d’indépendance du Conseil national palestinien. Pourtant dès les années 1960, l’Inde coopère avec l’Etat hébreu dans le domaine du renseignement ainsi dans la fourniture d’équipements militaires. L’établissement des relations diplomatiques en 1992 entre les deux capitales s’inscrit dans un vaste processus de redéploiement des alliances stratégiques indiennes suite à la disparition de l’URSS dont il fut un partenaire privilégié pendant la guerre froide.

La guerre indo-pakistanaise de Kargil en 1999 donne un coup d’accélérateur à la relation bilatérale. L’Inde, sous-équipée, souffre de l’embargo qui lui est imposé depuis un an suite à ses essais nucléaires. Israël lui vend alors tous les armements et équipements dont elle avait besoin, malgré l’interdiction de la communauté internationale. Pour le remercier, le gouvernement du BJP reçoit Ariel Sharon en 2003, qui demeure le seul chef du gouvernement israélien à s’être rendu en Inde, aujourd’hui encore.

Narendra Modi a voulu manifester par ce voyage exclusif en Israël – il n’a pas souhaité se rendre dans les territoires palestiniens comme le font traditionnellement les chefs d’Etat – son admiration pour la stratégie sécuritaire d’Israël, qui a su prospérer dans une région hostile. Il estime partager ce destin commun d’un pays entouré d’ennemis et souhaite s’inspirer de la politique israélienne.

Depuis les années 50 en effet, Israël a été guidé par la « doctrine de la périphérie » énoncée par Ben Gourion et qui stipule que pour contrecarrer l’hostilité de ses Etats limitrophes, Israël doit établir des alliances avec sa périphérie eurasienne, à l’époque l’Iran et la Turquie. Face à la détérioration des relations avec ces derniers, Israël a investi ailleurs, notamment en Grèce, en Inde, en Azerbaïdjan, en Chine ou encore en Afrique. C’est aussi dans cette perspective que s’inscrit le premier sommet Israël-Afrique annoncé à l’automne 2017 au Togo. Il marque l’intérêt croissant, économique et diplomatique, de l’un des partenaires « non traditionnels » et des plus discrets du continent. Il permettra à Faure Gnassingbé, le président togolais, de renforcer la relation spéciale qui existe déjà entre Tel-Aviv et Lomé – comme d’ailleurs avec d’autres pays tels que la Côte d’Ivoire, la RDC, le Cameroun et le Rwanda.

Les relations entre Israël et ces pays sont des coopérations bilatérales et il n’existe pas encore d’alliance plus globale avec l’ensemble de ces pays. La « doctrine de la périphérie » réutilisée aujourd’hui par Israël témoigne de véritables craintes de la part du gouvernement, des menaces régionales actuelles. Les jeux d’alliances ont été profondément modifiés en l’espace de quelques décennies et Israël n’a d’autre choix que de revenir à ses fondamentaux.