Trump choisit comme futur ambassadeur en Israël un partisan des colonies

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LE MONDE | Par Piotr Smolar correspondant à Jérusalem.

L’avocat David Friedman a dit vouloir s’installer dans la « capitale » Jérusalem, alors que ni les Etats-Unis ni la plupart des pays de la communauté internationale n’accordent ce statut à la ville.

La fin d’année est faste pour la droite nationale religieuse israélienne. Tandis qu’un projet de loi sansprécédent, légalisant les avant-postes juifs en Cisjordanie, franchit les étapes à la Knesset (Parlement), le nom du prochain ambassadeur américain, souhaité par Donald Trump, comble les adversaires d’une solution à deux Etats.

Dans un communiqué, l’équipe de transition du président élu a fait savoir, jeudi 15 décembre, que David Friedman sera le prochain représentant des Etats-Unis, si sa confirmation se passe sans heurts. Agé de 57 ans, cet avocat spécialisé dans la banqueroute, à la fois ami et conseiller de M. Trump, est un partisan de la colonisation.

Interrogé par Le Monde, Oded Revivi, chargé des relations internationales du Conseil de Yesha (instance représentant les colons en Cisjordanie), se réjouit du choix de cet « ami proche du peuple israélien » qu’est David Friedman. « Il a toujours montré de différentes manières son soutien au mouvement des colons et son opposition à la solution à deux Etats », souligne-t-il.

M. Revivi attend avec curiosité l’entrée de M. Trump à la Maison Blanche et la redéfinition du cadre bilatéral. « On est très impatient de voir comment [le premier ministre Benjamin] Nétanyahou va secomporter, dit-il. Obama lui a toujours servi d’excuse pour ne pas faire grand-chose en notre faveur. »

Formellement, M. Nétanyahou, continue de se dire favorable à un Etat palestinien, démilitarisé et reconnaissant Israël comme Etat juif. David Friedman semble, lui, plus décomplexé que le chef du Likoud, le débordant par sa droite. « On va devoir apprendre à parler un langage entièrement nouveau, au lieu de répéter les mêmes éléments avec quelques nuances », prévient un diplomate israélien.

Le 20 octobre, M. Friedman écrivait ceci dans le quotidien Jerusalem Post, avant l’élection présidentielle : « Le président Trump fera confiance à Israël pour rechercher la paix aussi bien qu’il le peut, et n’essayera pas d’imposer une “solution à deux Etats”, ou tout autre “solution”, contre les vœux du gouvernement israélien démocratiquement élu. »

Dans une autre tribune, publiée le 25 juillet, il affirmait que « céder des territoires aux terroristes palestiniens dans les circonstances actuelles aurait à peu près autant de sens que de livrer Bagdad (ou Paris) à [l’organisation] Etat islamique. »

Sans surprise, la droite nationale religieuse se félicite du choix de M. Trump. La vice-ministre des affaires étrangères, Tzipi Hotovely, a salué la désignation de M. Friedman, illustrant le fait « que les colonies n’ont jamais été un vrai problème dans la zone ». Le ministère lui-même n’a pas souhaité réagir publiquement, en attendant la confirmation officielle de M. Friedman à son poste.

Jérusalem, « la capitale éternelle d’Israël » L’avocat, qui parle hébreu et n’a aucune expérience diplomatique, est président de l’organisation American Friends of Bet El Institutions. Celle-ci soutient le développement de la colonie de Beit El, en face de Ramallah. Elle se trouve aussi derrière le site d’information Arutz Sheva, très apprécié par la droite nationale religieuse, auquel a régulièrement contribué M. Friedman. L’organisation lève environ 2 millions de dollars (1,9 million d’euros) par an aux Etats-Unis pour soutenir différentes activités dans les colonies, selon des informations fiscales rapportées par le quotidien Haaretz.

David Friedman veut œuvrer, selon le communiqué diffusé par l’équipe Trump, au renforcement du « lien incassable » entre les deux pays et à la promotion de la paix dans la région. Il compte s’y atteler « depuis l’ambassade américaine dans la capitale éternelle d’Israël, Jérusalem ». La future administration Trump confirme ainsi ses intentions.

Le déménagement de l’ambassade de Tel-Aviv à Jérusalem, qui n’est pas reconnue sur le plan international comme la capitale du pays, a été souvent promis par le candidat au cours de la campagne. Après l’élection, cet engagement a été renouvelé.

Selon plusieurs médias israéliens, des recherches auraient déjà été lancées pour trouver le futur emplacement de la représentation américaine. Mais le lieu évoqué devrait en fait accueillir un ensemble de logements pour les employés du consulat, selon une source israélienne.

La diplomatie américaine s’en est toujours tenue à un principe, sous présidence républicaine ou démocrate : le statut de Jérusalem ne sera tranché qu’au moment d’un règlement de paix global.

Dans l’appareil sécuritaire israélien, on craint les conséquences de ce déménagement, en termes de violence. « Côté palestinien, cela pourrait avoir un fort impact symbolique, car ça touche à Jérusalem, souligne un haut responsable. Le Hamas est très bon dans l’utilisation des réseaux sociaux, il pourrait lancer un appel à sauver la ville. »

Mais la passivité et la dépression qui règnent au sein de la population palestinienne ne plaident pas en faveur d’une mobilisation massive. Seul le sort de l’esplanade des Mosquées (mont du Temple pour les juifs) enflamme les esprits à chaque alerte.

Lors d’une rencontre, vendredi soir, avec la presse étrangère et des diplomates occidentaux, le secrétaire général de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), Saeb Erekat, a fait preuve d’une réserve curieuse et inhabituelle concernant la désignation de David Friedman.

« Je ne le connais pas », a dit ce vétéran des négociations israélo-palestiniennes. Poussé à commenter ce choix de Donald Trump, il a répondu : « C’est son affaire. Ce qui n’est pas son affaire, c’est de déterminer quelle devrait être la capitale d’autres pays. »

Selon Saeb Erekat, le déménagement de l’ambassade américaine représenterait « la destruction de l’ensemble du processus de paix ». Mais « je ne pense pas qu’ils le feront », a-t-il ajouté, sans que l’on sache s’il exprimait là son intime conviction ou un immense désarroi devant ce qui vient.