Israël retient son souffle en attendant de découvrir la présidence Trump

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LE MONDE | Par Piotr Smolar

Le président élu a envoyé des signaux contradictoires au sujet de l’Etat hébreu, qui s’inquiète par ailleurs d’une éventuelle ultime initiative de Barack Obama, avant son départ de la Maison Blanche.

Le communiqué est court, empreint de prudence. Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a félicité Donald Trump, un « vrai ami d’Israël », pour son élection, mais sans s’appesantir, mercredi 9 novembre. Il s’est dit convaincu que le président élu œuvrerait, avec lui, au « renforcement de l’alliance unique » entre les deux pays. Mais le chef du gouvernement, comme tous les observateurs et les responsables palestiniens, en est réduit pour l’heure aux spéculations concernant les intentions de Donald Trump au Proche-Orient. La droite nationale religieuse, elle, s’est réjouie de ce choix du peuple américain. Dans un communiqué, Naftali Bennett, le chef de la formation le Foyer juif, a estimé que « le temps d’un Etat palestinien [était] fini ». Selon ce ministre de M. Nétanyahou, il s’agit là d’une « occasion pour Israël de renoncer immédiatement à l’idée d’un Etat palestinien au centre du pays, qui porterait atteinte à notre sécurité et à notre cause juste ». Le député du Likoud Yehuda Glick, dont le mont du Temple (esplanade des Mosquées pour les musulmans) est la grande cause, a appelé le vainqueur à se rendre sur le lieu sacré, situé à Jérusalem-Est.

En outre, Donald Trump va-t-il marquer une rupture en déménageant l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem ? Il en a fait la promesse, à plusieurs reprises. Le 26 octobre, le républicain s’est adressé par vidéo à plusieurs centaines de ses partisans réunis à Jérusalem, avec son colistier Mike Pence. Ce dernier a qualifié Jérusalem de « capitale indivisible éternelle du peuple juif et de l’Etat juif ». La ministre de la justice, Ayelet Shaked, et la vice-ministre des affaires étrangères, Tzipi Hotovely, ont estimé que la victoire républicaine offrait l’occasion à Washington de passer à l’acte, un souhait également exprimé par le maire de Jérusalem, Nir Barkat.

Signaux inconstants

Même le chef de l’opposition travailliste, Isaac Herzog, a salué l’élection de M. Trump. « La démocratie américaine a décidé aujourd’hui de placer à sa tête un leader américain qui a appris aux analystes et aux sceptiques que nous sommes dans une période de changement et de remplacement des vieilles élites ! », a-t-il écrit.

Au-delà de ces félicitations, Israël accueille la victoire de Donald Trump avec des sentiments mêlés. Son entourage est connu pour être très pro-israélien, mais le candidat a charrié dans son sillage des forces suprémacistes et antisémites, dont il a parfois relayé les stéréotypes. Il s’est constamment opposé à l’accord sur le nucléaire iranien, mais sans expliquer ce qu’il en ferait, une fois élu. Donald Trump a aussi envoyé des signaux inconstants au sujet du conflit avec les Palestiniens. En février, par exemple, il avait expliqué qu’il voulait être « une sorte de gars neutre » dans la recherche d’une solution au conflit. Une expression qui avait inquiété les officiels israéliens. En mars, il avait dit qu’Israël, comme d’autres pays, « payerait » pour l’aide militaire américaine, alors qu’un nouvel accord sur dix ans, d’un montant de 38 milliards de dollars, vient d’être conclu. Depuis, il a multiplié les signaux amicaux à l’égard de l’Etat hébreu. En mai, Sheldon Adelson, magnat des casinos aux Etats-Unis et soutien indéfectible de Benyamin Nétanyahou, s’était décidé à appuyer sa candidature.

Le maintien du Congrès dans le giron du GOP est en revanche une excellente nouvelle pour la droite israélienne. Dans sa plateforme adoptée en juillet – « la plus pro-israélienne de tous les temps ! » s’était félicité Donald Trump –, le Parti républicain n’avait pas évoqué la solution à deux Etats et rejeté le terme « occupant » pour qualifier la présence israélienne en Cisjordanie et l’annexion de Jérusalem-Est. Le Congrès est un relais privilégié pour les questions sécuritaires.

Coup d’éclat d’Obama ?

Barack Obama a fait figurer une clause, dans l’accord de défense, qui interdit à Israël de réclamer des rallonges auprès du Congrès, une pratique traditionnelle de l’Etat hébreu. Donald Trump reviendra-t-il sur cette restriction ? Par ailleurs, l’éventuelle désignation de Newt Gingrich comme secrétaire d’Etat, selon la rumeur qui est parvenue jusqu’aux diplomates israéliens, serait un signal réjouissant pour la droite nationale religieuse. Fin 2011, celui-ci avait parlé de « peuple palestinien inventé », qui « sont en fait des Arabes » et n’auraient pas de légitimité à prétendre à un Etat. L’inquiétude israélienne immédiate concerne les intentions de Barack Obama avant l’investiture de son successeur, le 20 janvier 2017. N’ayant plus le souci de ménager Hillary Clinton, le président pourrait décider de faire un coup d’éclat en soutenant une résolution au Conseil de sécurité de l’ONU, qui fixerait dans le marbre les paramètres d’une solution à deux Etats.

Le 6 novembre, en ouverture du conseil des ministres, Benyamin Nétanyahou avait exprimé sa préoccupation : Israël risque-t-il de perdre le parapluie américain historique au Conseil de sécurité de l’ONU, bloquant toute résolution défavorable ? « Nous nous attendons à ce que les Etats-Unis demeurent fidèles au principe défini depuis de nombreuses années, selon lequel la dispute israélo-palestinienne peut seulement être résolue par des négociations directes sans préconditions, et pas au travers de décisions de l’ONU ou dans d’autres institutions internationales. »