Israël : une loi pour renforcer le caractère juif de l'État

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Le Figaro – Par Cyrille Louis


L’arabe pourrait cesser d’être langue officielle si la proposition du député Avi Dichter (Likoud), adoptée par la commission ministérielle des lois, voit le jour.

Le gouvernement israélien a remis en selle dimanche un vieux projet visant à graver dans le marbre de la Loi fondamentale le caractère juif de l’État créé en 1948 par David Ben Gourion. Un texte rédigé en ce sens par le député (Likoud) Avi Dichter a été adopté par la commission ministérielle des lois. Il définit Israël comme «le foyer national du peuple juif», réserve à ce dernier le droit à l’autodétermination et fait de l’hébreu la seule langue officielle au détriment de l’arabe, qui est pourtant parlé par près de 20 % de la population. La ministre de la Justice, Ayelet Shaked (Foyer juif, droite religieuse), a promis d’en saisir le Parlement d’ici à l’été.

Les partisans de ce projet controversé disent vouloir corriger ce qu’ils décrivent comme un vide juridique. La déclaration d’indépendance, tout comme le plan de partition de la Palestine adopté par l’ONU en 1947, définit clairement Israël comme un État juif. Plusieurs lois adoptées par la Knesset stipulent que son emblème est le drapeau frappé de l’étoile de David, que son hymne national s’intitule Ha Tikvah et que toute personne née d’au moins un parent juif a le droit de s’y établir en vertu de la loi du retour. «Mais aucun de ces textes n’a valeur constitutionnelle, plaide Adi Arbel, directeur de l’Institut pour les stratégies sionistes, si bien qu’il est en théorie possible de les contester devant la Cour suprême sur la base de certains articles de la Loi fondamentale qui, en l’absence de Constitution, soulignent surtout le caractère démocratique de notre État.»

Affirmant craindre que la minorité arabe ne s’appuie sur cette «lacune» pour transformer Israël en État binational, la droite milite depuis une dizaine d’années pour y remédier. Le texte proposé par Avi Dichter propose de recenser dans un nouvel article de loi fondamentale les principaux symboles de l’État et d’autoriser la création de localités réservées à tel groupe religieux ou national afin de «préserver sa culture, son héritage, sa langue et son identité». Si la loi est votée, enfin, l’arabe cessera d’être une langue officielle pour se voir conférer un «statut spécial». «C’était déjà le cas dans les faits, relativise Adi Arbel, et il est temps de mettre un terme à la fiction selon laquelle les deux langues cohabitent sur le même pied.»

Une société fracturée

Les détracteurs de ce projet, nombreux, accusent ses partisans de chercher à approfondir les failles qui divisent la société israélienne. «Quel meilleur moyen de braquer les Arabes israéliens contre l’État que de reléguer leur langue au second plan ou de prôner la constitution de villes interdites aux non-Juifs?», interroge Mordechai Kremnitzer, vice-président de l’Institut israélien pour la démocratie. Le quotidien de centre gauche Haaretzaccuse pour sa part la droite nationaliste de préparer ainsi le terrain à l’annexion de tout ou partie de la Cisjordanie. «Dès lors qu’Israël souhaite appliquer sa souveraineté sur cette terre mais refuse de faire des Palestiniens qui y vivent des citoyens de pleins droits, dénonce un éditorial, on se trouve contraint de créer des infrastructures légales pour isoler les Juifs des Arabes et perpétuer leur suprématie juridique.»