Les diplomates européens soulignent la dégradation de la situation à Jérusalem

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Un rapport dont « Le Monde » a eu connaissance préconise la mise en œuvre de mesures plus sévères contre la colonisation et les violations des droits des Palestiniens.

L’administration Trump a rompu avec le consensus international sur le conflit israélo-palestinien, fondé sur le droit et les résolutions des Nations unies, mais l’Union européenne veut continuer à en demeurer la solide gardienne. Telle est la ligne directrice défendue par les chefs de mission locaux de l’UE, dans un rapport annuel consacré à Jérusalem. Ce document confidentiel devait être présenté jeudi 1er février à Bruxelles aux Etats membres de l’UE. Selon sa dernière version, dont Le Monde a eu connaissance, il durcit le ton vis-à-vis des Israéliens, en dessinant des idées d’action, alors que les Vingt-Huit sont encore très divisés sur le degré de fermeté à adopter vis-à-vis de l’Etat hébreu.

Ce document riche, précis, souvent cru, explore tous les volets de la vie quotidienne : transports, constructions, études, économie, violences, etc. Il dresse un tableau terrible de la « politique israélienne déjà ancienne de marginalisation économique, politique et sociale des Palestiniens à Jérusalem ». Cette dévitalisation se traduit en chiffres. La contribution de Jérusalem-Est au produit intérieur brut palestinien est passée de 15 % en 1993, avant la signature des accords d’Oslo, à 7 % aujourd’hui. « En raison de l’isolement physique et de la politique israélienne stricte de permis, la ville a largement cessé d’être le centre économique, urbain et commercial palestinien qu’il avait été », précise le texte.

Jérusalem, capitale des deux Etats

La décision de Donald Trump de reconnaître la ville comme capitale d’Israël, le 6 décembre 2017, représente un « tournant fondamental dans la politique américaine », selon le rapport.

Mais la nouveauté de ce document se situe dans la diversité des recommandations politiques adressées aux Etats membres de l’UE, qui se lisent en creux comme une réponse à la complaisance sans précédent de Washington à l’égard de l’Etat hébreu. Toute initiative régionale ou internationale, précise-t-il, devra inclure l’objectif d’une définition de Jérusalem comme capitale des deux Etats. Dans cette perspective, les chefs de mission suggèrent, au nom du respect du « consensus international sur Jérusalem », de s’assurer que l’emplacement des représentations diplomatiques demeure inchangé. Les Etats-Unis, eux, prévoient de déménager leur ambassade, actuellement à Tel-Aviv, d’ici à la fin 2019.

Le rapport préconise aussi, pour défendre l’identité plurielle de la ville, de s’élever contre les projets touristiques et archéologiques israéliens à Jérusalem-Est, lors des forums internationaux et dans les réunions bilatérales.

De même, il faudrait apporter un soutien aux « défenseurs des droits de l’homme à Jérusalem-Est », pour mieux les protéger. Le texte note que, depuis les années 2000, Israël maintient « une répression constante sur l’organisation d’une vie politique palestinienne à Jérusalem-Est ». Concernant la police israélienne, le rapport souligne « l’usage excessif de la force », notamment de tirs à balles réelles, lors des manifestations. « En outre, certains auteurs palestiniens d’attaques individuelles ont été apparemment visés et tués dans des situations où ils ne représentaient plus une menace », mentionne le rapport.

Sanctions ciblées contre les « colons violents »

Concernant les colonies, là aussi, plus de vigilance et plus de sévérité sont réclamées, tandis que les plans pour 3 000 nouveaux logements ont été avancés en 2017. Aujourd’hui, 217 000 juifs israéliens vivent à Jérusalem-Est, dans onze vastes communautés menaçant la continuité territoriale avec la Cisjordanie.

Les auteurs du rapport aimeraient que l’UE parvienne à établir « un mécanisme plus efficace (…) pour s’assurer que les produits des colonies ne bénéficient pas de traitement préférentiel dans le cadre de l’accord d’association UE-Israël ».L’étiquetage des produits israéliens fabriqués dans les colonies a été décidé par l’UE fin 2015, suscitant une réaction outrée d’Israël. Chaque Etat membre devait ensuite appliquer cette mesure.

Dans cette logique, le rapport préconise l’établissement de directives pour mieux distinguer le territoire israélien des territoires occupés depuis 1967. Et cela en incitant d’autres puissances étrangères à faire de même, un point qui risque d’exaspérer l’Etat hébreu. Quant aux « colons violents » et ceux qui font l’apologie de la violence, les Etats membres de l’UE devraient envisager des sanctions ciblées en matière d’entrées sur le continent.

Enfin, l’UE devrait s’opposer à toutes les initiatives législatives à la Knesset (Parlement) qui changeraient de façon unilatérale les frontières de la ville. Le rapport fait ainsi référence à plusieurs projets de loi qui envisagent de détacher certains quartiers palestiniens de Jérusalem, situés au-delà du mur de séparation, ou bien d’intégrer dans la municipalité des colonies limitrophes.

« Politique de “déportation silencieuse” »

Les Palestiniens représentent 37 % de la population totale, soit 316 000 personnes. Si ces projets étaient menés à terme, cette part tomberait à 20 %. Entre 1967 et 2016, poursuit le rapport, Israël a conduit à Jérusalem une « politique de “déportation silencieuse” », en révoquant les permis de 14 595 résidents palestiniens, en violation de ses obligations comme puissance occupante, telles que définies par les conventions de Genève. Le texte rappelle que cet outil administratif de la révocation s’inscrit dans le plan de développement de la mairie, qui vise à préserver une « majorité juive substantielle » à Jérusalem.

Les chefs de mission soulignent enfin l’importance de la crise suscitée, en juillet 2017, par l’installation de portiques électroniques – retirés depuis – à l’entrée de l’esplanade des Mosquées (mont du Temple pour les juifs). Les croyants musulmans avaient boycotté le lieu saint et organisé des prières de rue. Le rapport note la « mobilisation sans précédent des Palestiniens », caractérisée par « l’unité, la non-violence et un fort sens de la solidarité », et cela en dehors de tout mot d’ordre institutionnel et de toute faction politique.