L’étiquetage des produits issus des implantations : Le faux pas de l’Union européenne

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La Commission européenne a délivré hier une « notice interprétative » aux 28 États membres de l’UE prévoyant l’étiquetage des produits en provenance des implantations israéliennes de Cisjordanie, des quartiers de Jérusalem-Est et du plateau du Golan, considérés comme «illégaux» au regard du droit international. Elle estime qu’il s’agit d’une mesure « technique » visant à informer les consommateurs européens et non d’une décision de politique étrangère. Pourtant, aussi paradoxal que cela puisse paraitre, cette mesure met non seulement les pays européens dans l’embarras car l’UE cède aux revendications du mouvement antisioniste et antisémite BDS (Boycott, désinvestissement et sanctions), mais surtout, elle sanctionne en premier lieu les travailleurs palestiniens qui tirent profit des activités dans les implantations.

Une notice interprétative et non une directive

Après des années de flou et d’atermoiements de la Commission européenne, l’étiquetage des produits issus des implantions a été acté hier sous la pression de 16 Etats européens, dont la France, qui constituaient donc une majorité. Certes, il ne s’agit pas d’une directive mais d’une notice interprétative non contraignante dont les modalités techniques seront décidées par chaque Etat-membre, mais son impact symbolique n’est pas sans conséquences pour Israël.

Cette décision européenne est complètement paradoxale au moment même où deux arrêts de la Cour de cassation du 20 octobre font de la France l’un des rares pays au monde, et la seule démocratie, où l’appel au boycott par un mouvement associatif ou citoyen pour critiquer la politique d’un État tiers est interdit. La labellisation s’inscrit dans cette même perspective d’incitation à la haine et à la défiance, avec un effet psychologique indéniable.

Cette mesure de basse intensité ne fait pas l’unanimité au sein des gouvernements européens. L’Allemagne, pour qui le processus d’étiquetage résonne de manière bien tragique dans son histoire, avait déjà exprimé ses réticences et son refus de soutenir ce projet. Qui plus est, cette forme de boycott déguisé donne une légitimité et du souffle au BDS qui appelle constamment à condamner Israël. Le Comité national palestinien s’est lui aussi réjoui de cette décision « qui montre que les gouvernements européens réagissent à l’opinion publique, aux campagnes de la société civile comme à l’intransigeance israélienne ». L’UE fait ainsi le lit des antisionistes et des islamistes qui prônent la destruction d’Israël.

L’étiquetage est une mesure discriminatoire : « une étoile jaune pour l’Etat juif » ?

L’étiquetage prôné par la Commission est une initiative malheureuse et inutile car il participe du double standard auquel est en permanence confronté Israël dans les instances internationales. Il ne peut que stigmatiser l’Etat Juif et rappeler de bien mauvais souvenirs à ceux qui ont connu d’autres formes de marquage et de stigmatisation à d’autres époques, sur le territoire européen. Comble de l’absurde, cette labellisation n’est imposée à aucun autre territoire disputé alors que l’on en compte plus de 200 dans le monde. Pour reprendre les termes de Bernard Henri Levy, l’étiquetage revient à « diaboliser un Israël qui n’en finit pas de porter son étoile jaune. ». Hier, Benyamin Netanyahou, a jugé que « l’Union européenne devrait avoir honte » de cette mesure, estimant que « l’étiquetage des produits de l’État juif par l’Union européenne réveille de sombres souvenirs », invoquant le spectre de l’antisémitisme nazi.

Les sanctions économiques compromettent la relation entre l’Europe et Israël

Les sanctions sont supposées mettre Israël sous pression mais elles sont surtout une pierre d’achoppement dans les relations UE-Israël. Israël a indiqué que ses diplomates ne participeraient pas à un certain nombre de réunions avec l’Union européenne (UE), en réaction à l’approbation par l’UE de l’étiquetage des produits originaires des implantations. Le ministère israélien des Affaires étrangères a convoqué le représentant de l’Union européenne en Israël, Lars Faaborg-Andersen indiquant dans un communiqué que la mesure pourrait avoir des répercussions sur les relations entre Israël et l’Union européenne.

Pour le gouvernement israélien, il s’agit bien d’une forme de boycott, officiel ou légal. Les hautes instances européennes créent un droit et une souveraineté palestinienne qui n’existent pas (tant qu’il n’existera pas d’Etat de Palestine) en inventant une frontière fictive ( la « ligne verte » est une ligne d’armistice, pas une frontière) qui sépare Israël des implantations.

L’effet pervers : l’UE punit les Palestiniens et compromet la paix

Les produits concernés par l’étiquetage représentent moins de 2 % des échanges commerciaux entre l’UE et Israël, qui s’élèvent à 30 milliards d’euros en 2014 (dont 13 milliards exportés vers l’UE). Cela n’aura donc pas d’impact économique pour Israël mais des conséquences pour les milliers de Palestiniens qui travaillent dans les usines et les exploitations des implantations. S’il n’y a plus de commandes, ils devront être licenciés.

L’affaire SodaStream avait déjà prouvé l’inconsistance du mouvement BDS. Face aux pressions exercées, l’usine israélienne avait décidé de se relocaliser dans le Négev, à Lahavim. Les 900 Palestiniens, qui bénéficiaient alors d’un salaire 4 fois supérieur au salaire moyen palestinien, ont perdu leur emploi. En voulant sanctionner Israël, le BDS a surtout sanctionné les Palestiniens.

La semaine dernière, une trentaine de sénateurs américains avait adressé une lettre à la chef de la diplomatie de l’Union européenne, Federica Mogherini, exprimant leur inquiétude quant au projet d’étiquetage. Cette missive, signée à la fois par des élus démocrates et républicains, décrit Israël comme « un allié clé et la seule vraie démocratie au Moyen-Orient ». Le groupe bipartite a soutenu que ce plan crée « un précédent troublant, jouant le jeu du mouvement BDS », laissant entendre que l’initiative risquait de compliquer la progression des négociations entre les Etats-Unis et l’Union européenne concernant une annulation mutuelle des taxes douanières, que l’UE a longtemps essayé de promouvoir. Ils ont aussi fait référence à la loi votée cette année par le Congrès américain pour sanctionner les initiatives européennes visant au boycott d’Israël.

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La question des frontières entre Israël et les Palestiniens se doit d’être discutée entre les deux parties, dans le cadre de négociations directes et non imposée de fait par des initiatives sans prise en compte des conséquences graves qu’elle pourrait avoir. Si cette décision n’est pas un acte de boycott à proprement parler, elle sera, du fait de son caractère ambigu, instrumentalisée par les partisans du boycott. De plus, au lieu de faire pression sur Mahmoud Abbas qui trouve tous les prétextes pour ne pas revenir à la table des négociations, l’Europe rend Israël responsable de la léthargie du leadership palestinien.

Alors que le Moyen-Orient en en proie au chaos et à la barbarie la plus totale, l’Union européenne a décidé de stigmatiser la seule démocratie de la région, confortant ainsi l’ignorance de certains commentateurs qui font à tort du conflit israélo-palestinien la cause de tous les maux de la région.

Au moment même où Israël est confronté à une série d’attaques à l’arme blanche commises par des Palestiniens, et que rien ne semble pouvoir endiguer cette vague de violence, l’étiquetage encourage les Palestiniens à se complaire dans cette spirale de haine puisque sans négocier, ils obtiennent des sanctions à l’encontre d’Israël.

Si l’Union européenne veut faire oeuvre utile dans la région, qu’elle plaide plutôt pour que les droits de l’homme et la liberté d’expression s’exercent dans les territoires palestiniens, pour que l’éducation ne soit pas compromise par des appels à la haine d’Israël et à l’antisémitisme, pour que la justice ne soit pas arbitraire et que la corruption cesse enfin d’anéantir tout espoir de viabilité économique.