Le Golan, un enjeu stratégique majeur pour Israël

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En reconnaissant formellement, le 25 mars, la souveraineté d’Israël sur le plateau du Golan, Donald Trump a accédé à l’un des souhaits les plus chers de Benjamin Netanyahou. En novembre 2018 déjà, les Etats-Unis avaient pour la première fois voté contre une résolution de l’ONU considérant l’annexion israélienne du Golan comme « nulle et non avenue ». C’est le seul pays à avoir voté contre aux côtés d’Israël. Plus récemment, le 13 mars, lors de la publication de son rapport annuel sur les droits de l’homme dans le monde, le département d’Etat avait acté une rupture sémantique en cessant de désigner le plateau du Golan comme un territoire « occupé » par Israël, lui préférant le terme « contrôlé ».

Le plateau du Golan, situé au sud du mont Hermon, au nord-est du lac de Tibériade et au nord du Yarmouk, à la frontière entre Israël, la Jordanie, la Syrie et le Liban est une région particulière pour les Israéliens, symbole de leur victoire sans appel sur la coalition arabe lors de la guerre des Six jours. Pour le monde arabe, c’est le symbole d’une « humiliation ». Les hauteurs du Golan sont sous le contrôle d’Israël depuis 51 ans. La reconnaissance par les Etats-Unis d’une souveraineté israélienne constitue l’accomplissement d’une série d’assurances diplomatiques antérieures données à Israël par les administrations passées concernant le statut international de la position d’Israël sur ce plateau stratégique sur lequel vivent aujourd’hui environ 20 000 Israéliens.

Une situation géographique exceptionnelle

La situation du Golan, au carrefour de quatre pays, est vitale pour la sécurité et la défense des frontières de l’Etat hébreu. Il constitue une sorte de « balcon » sur Israël et la Syrie et revêt  ainsi une fonction de protection. Avec une altitude comprise entre 500 et 1.000 mètres, le plateau est un rempart naturel contre les offensives terrestres et balistiques. Il ne fournit pas de profondeur stratégique comme la péninsule du Sinaï, sa largeur maximum n’étant que d’une vingtaine de kilomètres, toutefois, il existe sur ce territoire une ligne stratégique représentante des collines volcaniques, Kav Ha-Tilim, « ligne des roquettes » en hébreu. Au fil des ans, elle a permis à Israël d’obtenir un avantage topographique au cas où il serait attaqué.

La guerre civile syrienne a donné une dimension supplémentaire à ce conflit territorial. Soutiens du régime de Bachar al-Assad, l’armée iranienne et le Hezbollah ont pris position sur le territoire syrien, créant une menace supplémentaire pour Israël pour qui le plateau est plus que jamais devenu un garant de sa survie face à des voisins hostiles. « Israël ne se retirera jamais du Golan », avait d’ailleurs déclaré le Benjamin Netanyahu en 2016.

En plus de sa situation géographique exceptionnelle d’un point de vue militaire, s’ajoute une dimension hydro-politique qui laisse entrevoir l’importance stratégique de ce territoire long de près de 70 kilomètres environ et large de 25. Gorgé d’eau dans une région aride, le plateau du Golan abrite d’importantes sources qui se jettent dans le Jourdain, l’une des principales alimentations en eau douce d’Israël, et le lac Tibériade, qui fournit le tiers de la consommation d’eau israélienne. Le plateau du Golan surplombe la Galilée et le lac de Tibériade du côté contrôlé par Israël, et commande la route vers Damas du côté syrien. La question de l’eau a été, au milieu des années 1960, l’une des principales causes du contentieux israélo-syrien. Damas avait alors accusé l’Etat hébreu d’avoir détourné les sources du Jourdain.

Avec une sécheresse qui s’aggrave d’année en année, la possession du Golan va devenir de plus en plus stratégique.

Un théâtre de conflits

Jusqu’en 1967, la situation dans cette région nord de l’Etat d’Israël était intenable. Durant de longues années les forces armées syriennes installées à environ 1700 mètres plus haut avaient bombardé, par des tirs d’artillerie, les villages et les villes israéliennes. En outre, les Syriens avaient saisi certaines parties du territoire israélien, en violation directe des accords d’armistice. Ils revendiquaient al-Hama, le Banias et à la rive nord-est du lac de Tibériade. Ils ont également cherché à détourner le cours supérieur du fleuve du Jourdain qui coule à travers les hauteurs du Golan. Une partie du plateau a été conquise par l’armée israélienne au cours de la Guerre des six jours. Six ans plus tard, lors de la guerre de Kippour (1973), les forces syriennes tentent de s’y réimplanter, en vain. Une zone démilitarisée de 70 kilomètres de long a été établie en 1974 entre les deux pays et une force de l’ONU est chargée de surveiller le désengagement des deux armées. « Je connais personne qui, après avoir gravi les hauteurs de Golan, déclare qu’Israël ferait mieux de se retirer et de laisser les Syriens y installer leurs canons », affirmait Golda Meïr, Premier ministre israélien dans une interview accordée à la revue américaine Life Magazine, en 1969. En février 1974, s’adressant à des Israéliens installés dans le Golan, elle déclarait considérer ce territoire comme une partie inséparable d’Israël.

En décembre 1981, l’État hébreu et le Premier ministre Menahem Begin franchissent une nouvelle étape en décidant d’étendre la loi, la juridiction, l’administration israélienne au territoire syrien occupé sur les hauteurs du Golan. Une annexion que la communauté internationale n’a jamais reconnue, et que l’ancien président syrien Hafez al-Assad n’a jamais acceptée.

Officiellement, la Syrie et Israël sont toujours en guerre. Les deux pays n’ont jamais signé de traité de paix, justement parce que les négociations achoppent toujours sur la question du Golan, dont Damas réclame la restitution.

Des gages américains de longue date

Au cours des négociations sur les Accords Sinaï II, entre l’Egypte et Israël, les Etats-Unis ont donné des assurances concernant l’avenir d’autres frontières arabo-israéliennes qui pourront faire partie de futurs pourparlers de paix. Dans ce contexte, le président Gerald Ford, avait écrit le 1er septembre 1975, dans une missive adressée au Premier ministre, Yitzhak Rabin : « Les États-Unis n’ont pas tranché définitivement sur l’avenir de la frontière israélo-syrienne. Au moment voulu, ils accorderont beaucoup de poids à la position israélienne, à savoir que tout accord de paix devrait reposer sur le fait qu’Israël restera sur les hauteurs du Golan. »

Les propos inscrits dans la lettre du Président Ford ont été renforcés seize ans plus tard, dans le cadre des préparatifs de la Conférence de paix tenue à Madrid en 1991. Ainsi, le Secrétaire d’Etat, James Baker, a écrit une nouvelle lettre au Premier ministre Yitzhak Shamir, contenant une clause réaffirmant l’engagement écrit du président Ford envers le Premier ministre Yitzhak Rabin sur l’importance des hauteurs du Golan pour la sécurité d’Israël. Cet engagement a été renouvelé le 19 septembre 1996 par l’administration du président Bill Clinton. Ainsi, le Secrétaire d’État, Warren Christopher, a adressé lui aussi une missive au Premier ministre, Benyamin Netanyahou, réaffirmant l’engagement des États-Unis conformément aux propos du Président Ford.

Contrer l’axe iranien

L’Iran a fondé une branche syrienne du Hezbollah en 2014. En 2013, le commandant de la Force al Qods des Gardiens de la Révolution, le général Qassam Soleimani, a proposé d’unifier plusieurs des forces de procuration et de créer une armée de 150 000 hommes pour les opérations en Syrie. Ces unités ont opéré sous le commandement des Pasdarans. Nombreux étaient actifs dans la bataille pour la libération d’Alep, et ces jours-ci ils sont déployés à Deraa, dans le sud de la Syrie, près des hauteurs du Golan.

L’objectif militaire de l’Iran est de créer un corridor terrestre à travers l’Irak et la Syrie vers la Méditerranée, ce qui l’aidera à unifier ses différents fronts et à établir son hégémonie sur le Moyen-Orient. Cela lui assurera également une ligne d’approvisionnement assurée vers la Syrie et le Liban au fur et à mesure que sa présence militaire se développera. L’Iran cherche aussi à relier le Sud Liban au Golan.

Au cours de la dernière décennie, la prolifération de diverses milices islamistes, qu’elles soient chiites ou sunnites, a produit des forces qui ne sont pas des armées conventionnelles classiques, mais elles représentent néanmoins une menace redoutable. Le Hezbollah lui-même dispose d’un arsenal impressionnant de plus de 100 000 roquettes et missiles, soit une quantité considérable qui est plus importante que la plupart des armées conventionnelles. Les Houthis au Yémen ont lancé des missiles sur la capitale saoudienne, Riyad.

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Si les Etats-Unis ont très vite compris l’intérêt et l’importance stratégique du Golan pour Israël, le momentum de la déclaration de Donald Trump ne doit rien au hasard. À dix jours des élections législatives en Israël, c’est pour lui une manière de soutenir Benyamin Netanyahou face à son opposition. Cette annonce s’inscrit aussi dans une logique de campagne américaine avec la tenue il y a quelques jours du congrès de l’AIPAC (American Israel Public Affairs Committee), le principal lobby israélien aux Etats-Unis. En prenant cette décision Donald Trump espère capitaliser pour sa campagne de réélection. Autant de raisons pour le président américain d’offrir le plateau aux Israéliens.