ANALYSE : Israël à l'épreuve du chaos au Moyen-Orient

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Alors qu’un calme précaire régnait autour de la bande de Gaza depuis quelques semaines, de nouveaux tirs de roquettes du Hamas et de ses alliés sur le sud d’Israël ont provoqué de nouveaux affrontements le week-end dernier. Près de 700 roquettes ont été lancées depuis la bande de Gaza en direction d’Israël dont 200 sont tombées sur des zones habitées faisant 4 victimes. En riposte, l’armée israélienne a visé des centaines de positions terroristes du Hamas et du Djihad islamique à Gaza. Tsahal a confirmé avoir tué de manière ciblée un commandant du Hamas, qui était responsable de la distribution des fonds iraniens aux organisations terroristes.

Le Hamas, le Jihad islamique et Israël sont parvenus à une trêve, entrée en vigueur aux premières heures du jour lundi 6 mai. Officiellement, pour Israël, il n’est pas question de parler d’un cessez-le-feu. Dans un communiqué, Benyamin Netanyahou a affirmé que « la campagne n’est pas terminée. Elle demande patience et sagacité ». « Nous sommes prêts à continuer », a poursuivi le Premier ministre israélien pour qui « le but est et demeure d’assurer le calme et la sécurité pour les citoyens du sud » du pays.

Les analystes conviennent que ni le Hamas ni Israël ne veulent la guerre, mais tous deux sont soumis à des pressions qui pourraient les entraîner vers une confrontation.

Contexte et perspectives du conflit

Israël et les groupes armés palestiniens se sont livrés trois guerres à Gaza depuis 2008, la dernière remontant à 2014. Depuis, de nombreuses flambées de violence ont menacé de faire basculer la zone dans un nouveau conflit. En mars, un tir d’une roquette avait détruit une maison au nord de Tel Aviv. En novembre, une nouvelle confrontation avait conduit à la démission du ministre israélien de la Défense, Avigdor Lieberman, qui avait accusé le Premier ministre, Benyamin Netanyahou, de manquer de vigueur à l’encontre du Hamas.

A chaque fois, le scénario est quasi identique. D’abord des tirs de roquettes palestiniennes, une façon pour le Hamas et le Jihad islamique de montrer que leurs capacités militaires se sont grandement renforcées. En réponse, une campagne de frappes aériennes mesurée de la part d’Israël, souvent contre des bâtiments vides, des terrains d’entraînement désertés, en évitant de faire des victimes.

Puis les deux adversaires finissent par cesser la confrontation, grâce à l’action du coordinateur spécial de l’ONU pour le processus de paix, Nikolaï Mladenov, mais surtout du médiateur égyptien. Ces derniers étaient à nouveau à l’œuvre dimanche, en coulisses, pour, finalement, arracher une trêve.

Durant la récente campagne électorale, Benyamin Netanyahou avait réussi son pari, éviter une reprise des hostilités. Il misait sur l’extension de cette période d’accalmie durant les festivités et les consultations en cours pour former son gouvernement.

Dès le 29 avril, le Jihad islamique a lancé une première roquette qui s’est écrasée en mer. Puis, ses partisans ont envoyé des ballons explosifs vers Israël. Des avertissements qui ont conduit les autorités égyptiennes, partenaire sécuritaire des Israéliens, à convoquer une réunion d’urgence au Caire avec les délégations palestiniennes.

Les responsables palestiniens ont alors demandé une accélération de l’acheminement de l’aide humanitaire, une hausse de leurs exportations, l’extension de la zone de pêche. Début avril, Israël avait accédé à cette requête en étendant la zone à 15 milles marins. Avant de restreindre l’accès des bateaux gazaouis à la suite du premier tir de roquette.

Si le Hamas et le Jihad islamique ont des intérêts convergents et peuvent s’utiliser comme sous-traitant ou porteurs de messages, le second revendique une part accrue dans la gouvernance à Gaza. Il s’est lancé dans une surenchère auprès des habitants et se montre le plus belliqueux, menaçant de frapper la centrale nucléaire de Dimona, le port d’Ashdod, les raffineries d’Haïfa, l’aéroport Ben Gourion.

Les dirigeants palestiniens, pourtant eux-mêmes responsables de leur discrédit politique et social, veulent faire croire qu’Israël est responsable de la détérioration des conditions de vie et envoyer ainsi un message à Benyamin Netanyahou.

Le Hamas joue la politique du pire

Comme à chaque fois où il se sent évincé du jeu politique, le Hamas mène la politique du pire. Alors que le Qatar a promis mardi de verser 480 millions de dollars aux Palestiniens de Cisjordanie, ceux-là sont las de voir leurs dirigeants détourner cet argent et vivre dans le plus grand luxe quand eux peine à se nourrir. L’organisation terroriste est extrêmement contestée en interne mais aussi au sein de la communauté internationale. A part l’Iran, le soutien au Hamas est excessivement faible. Mais, en interne, les Palestiniens l’accusent de dictature, de fanatisme religieux, de corruption au plus haut niveau. Pour contrebalancer ces accusations récurrentes, l’organisation terroriste joue la posture du combattant contre Israël. En mars dernier, ses forces de sécurité ont violemment réprimé des manifestations contre le coût de la vie, le chômage et l’enfermement. Des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux ont montré les forces du Hamas tirer pour disperser les manifestants.

Le Hamas, a accusé les manifestants d’être téléguidés par Ramallah, la réconciliation entre factions étant dans l’impasse totale. Les tensions se sont même exacerbées ces derniers mois avec Mahmoud Abbas qui  n’a pas hésité à sabrer les salaires des fonctionnaires de l’enclave, pour accroître la pression sur le Hamas.

Pour pallier cette délégitimation interne, l’organisation terroriste maintient avec le Jihad islamique un centre de commandement commun face à l’armée israélienne. Ils participent ensemble aux discussions au Caire, avec le médiateur égyptien. Les deux mouvements ont le même protecteur, l’Iran. Mais le second est proche des régimes de Damas, de Téhéran et du Hezbollah, quand le Hamas a des relations étroites avec la Turquie et le Qatar.

La diplomatie égyptienne à l’épreuve

Médiateur incontournable, l’Egypte est plus que jamais à la manœuvre avec les Israéliens et les Palestiniens pour négocier une trêve dans les violences qui opposent les deux parties. Dans cet énième conflit, elle joue aussi son image au sein du monde arabe, en se présentant comme le seul Etat capable de mener des négociations. Celles-ci, qui impliquent également l’ONU, se déroulent néanmoins dans le plus grand des secrets, et les informations ne filtrent qu’au compte-gouttes.

La presse égyptienne, y compris la plus proche de l’appareil sécuritaire, se réfère elle-même uniquement à des sources palestiniennes ou aux médias israéliens pour les évoquer.

Alors que l’Egypte mène une campagne pour déloger ces jihadistes de la péninsule, Le Caire considère l’ensemble de la zone comme une priorité sécuritaire.

Dans ce contexte, le Caire a encore accru son implication sur Gaza depuis la dernière guerre dans l’enclave en 2014, la médiation égyptienne avait à l’époque abouti à un cessez-le-feu, régulièrement remis en cause depuis. Malgré sa défiance à l’égard du Hamas, longtemps honni pour ses liens avec la confrérie des Frères musulmans, le pouvoir égyptien envoie régulièrement des délégations dans la bande de Gaza.

Pour le Caire, au-delà de la question du cessez-le-feu avec Israël, le point essentiel reste la réconciliation entre le groupe terroriste islamiste et le Fatah au pouvoir en Cisjordanie. Sur ce point, comme sur le conflit entre Hamas et Israël, sa médiation n’a pas encore donné de résultats probants

 

La crédibilité de la diplomatie française à l’épreuve de la réalité du terrain à Gaza

L’analyse de la communication du Quai d’Orsay est un véritable cas d’école, symptomatique de son refus patent de désigner les responsables de la situation à Gaza, à savoir le Hamas et le Jihad islamique. Ainsi, on peut lire sur le communiqué officiel du Ministère des Affaires étrangères :

« La France condamne avec la plus grande fermeté les tirs nourris de roquettes qui ont visé ce jour des zones habitées du territoire israélien depuis la Bande de Gaza. Elle rappelle le droit des Israéliens comme des Palestiniens à vivre dans la paix, la dignité et la sécurité et déplore les victimes civiles, de part et d’autre, de ces tirs et des affrontements qui ont suivi. Elle exprime sa solidarité aux populations touchées.
La France soutient sans réserve les efforts de médiation entrepris par les Nations unies et par l’Egypte. Elle engage les parties à la retenue et rappelle les impératifs que sont la protection des civils et le respect du droit humanitaire. Elle rappelle qu’il n’y aura de stabilité durable à Gaza que dans le cadre d’un règlement négocié, qui passe par le retour complet de l’Autorité palestinienne d’une part, et par la levée du blocus d’autre part, assortie de garanties de sécurité crédibles pour Israël.
Au-delà, la France appelle à une relance du processus de paix au Proche-Orient, avec pour objectif l’établissement de deux États, Israël et la Palestine, vivant côte à côte dans la paix et la sécurité, au sein de frontière reconnues, conformément au droit international et dans le cadre des paramètres internationalement agréés ».

La France semble incapable de soutenir Israël dans son droit de légitime défense. Du reste, que vaut ce prétendu droit à la sécurité s’il ne permet pas de riposter en cas d’attaque ? Le Quai d’Orsay renvoie Israël et le Hamas dos-à-dos, comme si l’on pouvait mettre sur le même  plan un Etat démocratique et une organisation terroriste, désignant indistinctement ceux qui se défendent et ceux qui agressent. Ce que le ministère des Affaires étrangères refuse d’admettre, c’est la responsabilité du Hamas et du Jihad islamique qui ont commis un crime de guerre en ciblant délibérément des zones habitées. Israël n’avait pas d’autre choix que de riposter.

Si les 700 roquettes avaient été tirées sur un autre pays, nul doute que la condamnation du Quai aurait été bien plus ferme et plus franche face à l’intensité de l’offensive. Un deux poids deux mesures insupportable. Est-il trop difficile pour la France d’admettre que les Israéliens sont victimes du terrorisme palestinien ?

Pas une fois, pas une, le « Hamas » apparaît dans la déclaration. Or il est la cause du conflit à Gaza. Il est responsable de la misère du peuple qu’il prétend défendre et des guerres avec Israël qu’il a provoquées.

Si la France veut faire œuvre utile au Moyen-Orient, elle doit absolument faire preuve de lucidité. Sans vérité et sans justice – et cela vaut pour ceux qui se veulent médiateurs dans ce conflit, la paix ne restera qu’une chimère. Les innombrables provocations et actions criminelles des organisations terroristes palestiniennes doivent être condamnées sans détour et avec la plus grande fermeté car les abstractions sémantiques employées par le Quai pour les désigner ne font que les conforter dans leurs aspirations à détruire Israël.

Le conflit à Gaza de ces derniers jours a mis à mal la diplomatie française. Alors qu’elle avait l’opportunité de soutenir son allié israélien, elle s’est contentée d’une réaction mitigée où une fois encore elle a mis en avant l’urgence de parvenir à une solution à deux Etats qui n’aura pourtant aucune chance de voir le jour tant que les factions palestiniennes, qui ne reconnaissent pas Israël, feront usage de la violence et du terrorisme.