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Du 23 au 29 mai 2019, plus de 300 millions d’Européens éliront un nouveau Parlement pour un mandat de cinq ans. Les députés auront la tâche de bâtir les textes de lois appliqués par les Etats de l’Union européenne. En France, le vote aura lieu le dimanche 26 mai.
L’impact de ces élections sera bien sûr déterminant pour l’ensemble des politiques européennes. Mais le scrutin peut aussi, sur fond de montée des extrêmes, avoir des conséquences fondamentales sur l’avenir de l’Europe et de ses valeurs.
ELNET vous propose d’analyser les enjeux de ces élections européennes sous l’angle des  questions de politique étrangère.
 
L’avenir de l’Europe
C’est une Europe désunie qui se rendra aux urnes en mai prochain. Non seulement pour la première fois de son histoire un pays membre de l’Union européenne est en passe de la quitter, mais les crises et sujets de divisions ne manquent pas. Immigration, renforcement de la zone euro, budget, ou encore conflit en Ukraine, urgence climatique, voilà autant de défis à relever où le consensus est difficile à trouver. Mais l’un des plus importants enjeux du scrutin concerne l’avenir même de la construction européenne, remise en question par les mouvements nationalistes, autoritaristes et europhobes.
De la droite conservatrice à la social-démocratie, les forces politiques classiques et pro-européennes reculent, un peu partout en Europe, sous les coups de boutoir de mouvements qui prônent le repli sur soi et des exécutifs durs. Hongrie et Pologne ont des gouvernements autoritaires et nationalistes, l’extrême droite est au pouvoir en Italie avec les populistes, et en Autriche avec la droite, elle émerge en Espagne avec le parti Vox.
Les électeurs, eux, ont parfaitement conscience des luttes d’influence. Selon une étude de la Commission européenne, 59% des citoyens de l’UE redoutent l’influence d’acteurs étrangers ou de groupes criminels sur l’élection, et 67% craignent que leurs données personnelles en ligne soient récupérées à des fins de ciblage politique. En France, selon une autre étude réalisée par l’Ifop pour le colloque sur l’influence de la Russie en Europe, 68% des personnes interrogées pensent que le Kremlin a une responsabilité importante dans la propagation des fausses nouvelles.
 
Les questions de défense
En novembre 2018, l’Eurobaromètre rappelait que 76% des citoyens européens, dont les Français, soutiennent la Politique de Sécurité et de Défense Commune (PSDC), prémices d’une Défense européenne. Ce soutien repose sur le sentiment que « l’Union fait la force » et que les pays européens partagent une histoire, une culture, une géographie et des valeurs qui les rassemblent dans un destin commun, au-delà des seuls intérêts particuliers, et qui les poussent à mutualiser et renforcer ensemble leurs outils de défense en vue d’acquérir et de partager une certaine autonomie stratégique.
Les priorités de défense divergent cependant au sein même de l’Europe. Ainsi, les pays qui regardent principalement à l’Est privilégient la défense territoriale et donc l’OTAN. Pour ces pays-là, l’autonomie stratégique de l’UE ne répond pas ou trop peu à leurs besoins fondamentaux de sécurité. Conscients que l’Europe ne pourra pas répondre seule à une éventuelle menace russe, Varsovie, Bucarest ou encore Stockholm sont sceptiques à l’égard de tout ce qui risque de fragiliser le lien avec Washington.
Comment devront s’articuler autonomie stratégique nationale et autonomie stratégique européenne ? Cette question fait partie des enjeux des prochaines élections.
 
La lutte contre le terrorisme
Après les attentats de Paris en novembre 2015 et Bruxelles en mars 2016, l’Union européenne a révélé de nombreuses failles en matière de sécurité : les auteurs des attaques avaient réussi à revenir de Syrie en se mêlant aux refugiés et à circuler dans l’espace européen sans se faire repérer. Face à la cette problématique de la porosité des frontières, les institutions européennes ont cherché à promouvoir une « union de la sécurité ». Dans son discours sur l’état de l’Union prononcé le 14 septembre 2016[1], Jean-Claude Juncker a fait le constat d’une « crise existentielle » de l’UE et appelé́ à un sursaut passant par le développement d’une « Europe qui protège ». Quelques jours plus tard, Julian King a été nommé commissaire chargé de l’union de la sécurité.
Depuis lors, la Commission publie régulièrement un document intitulé « rapport sur les progrès accomplis dans la mise en place d’une union de la sécurité réelle et effective » qui liste des mesures, souvent techniques, permettant de protéger les citoyens. Des mesures concrètes visant à accentuer le contrôle des frontières extérieures de l’UE, fluidifier la coopération judiciaire et policière, ou encore lutter contre la propagande terroriste sur internet. La démarche adoptée est pragmatique et incrémentale. Il ne s’agit pas de lancer de grands projets irréalisables : la « CIA européenne » voulue par Matteo Renzi et Charles Michel ne verra pas le jour de sitôt, en dépit de la création prochaine d’une Joint European Intelligence School.
 
Les relations transatlantiques 
Actuellement, le niveau de tension est très enlevé entre les États-Unis et les pays européens. Les tweets peu « orthodoxes » du président Trump, aux antipodes des usages de la diplomatie, constituent la face la plus visible de points de discorde profonds. Ouvertement nationaliste, défendant une vision transactionnelle des relations internationales, le président Trump n’accorde aucun caractère sacré à l’Alliance atlantique. Il considère au contraire que les pays européens de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) profitent à bon compte du « parapluie américain ». Il exige dès lors que tous les membres de l’alliance consacrent 2 % de leur produit intérieur brut (PIB) à leur défense. Cet engagement de 2006 n’est toujours pas respecté par nombre d’alliés, dont l’Allemagne. Les frictions en cours amèneront-elles les Européens à mieux définir une vision commune de leur possible autonomie stratégique ?
L’éloignement des Etats-Unis de l’Europe n’a pas commencé avec Donald Trump. Ce qui est nouveau avec l’actuel locataire de la Maison Blanche, c’est qu’avec son leitmotiv « America first » : les valeurs autrefois communes de chaque côté de l’Atlantique le sont de moins en moins.
Pour les Etats-Unis, l’Europe l’allié traditionnel, est devenu au fil du temps, un adversaire voire un ennemi. Les récriminations des Américains à l’égard des Européens sont nombreuses avec entre autres l’accord de Paris sur le climat, ou encore l’accord sur le nucléaire iranien, ou plus récemment avec la remise en cause des traités sur les armes nucléaires intermédiaires, sans oublier la guerre commerciale des Etats-Unis contre l’Europe. Donald Trump a adopté la stratégie du cavalier seul… en laissant les Européens désemparés.
 
Les relations Europe-Russie
Depuis l’annexion de la Crimée en 2014, les relations entre la Russie et l’Union européenne se sont tendues. En dépit des divergences entre les pays européens, les sanctions contre la Russie sont régulièrement reconduites depuis 2014. En effet de nombreux paramètres semblent séparer la Russie et l’UE : les valeurs, la vision de la sécurité, l’approche de l’ordre mondial. La relation reste aussi l’otage de l’évolution interne de l’UE et de celle de la relation transatlantique. Dans cette crise structurelle, le dialogue doit être maintenu en développant les  domaines de coopération.
En dépit des sanctions, l’UE reste le premier partenaire commercial de la Russie et le premier investisseur. Les exportations de gaz russe vers l’UE battent des records. Porté par le français Total et le russe Novatek, le projet Yamal LNG a vu le jour fin 2017 avec des financements chinois. À la différence des Américains, les sanctions européennes restent strictement conditionnées au respect des accords de Minsk et n’ont pas été confondues avec d’autres dossiers pour les rendre quasiment impossibles à lever.
 
Les enjeux des élections européennes sont donc importants. L’avenir de l’Union européenne dépendra certes de sa volonté propre mais aussi d’aléas exterieurs : ses relations avec ses États-Unis et la Russie, pour ne citer qu’eux, mais aussi des transformations en Méditerranée, en Afrique ou au Moyen-Orient.
 
[1] http://europa.eu/rapid/press-release_SPEECH-16-3043_fr.htm