Paris, le 04 septembre 2025
Lettre ouverte au président de la République
Pas de reconnaissance d’un État palestinien sans la reconnaissance d’Israël par ses voisins
« Reconnaître la Palestine, c’est reconnaître quelle Palestine ?
Une Palestine où vous avez encore le Hamas dans des tas de tunnels ? »Emmanuel Macron, JT de TF1 du 6 juin 2024
Monsieur le Président de la République,
Votre volonté de reconnaître, à la tribune des Nations unies le 21 septembre, un État palestinien, a suscité un regain de haine à l’encontre des Juifs de France que vous ne pouviez ignorer, compte tenu du climat qui règne dans notre pays depuis le 7 octobre 2023.
Les faits parlent d’eux-mêmes. Pas un jour ne passe sans qu’une agression contre les Juifs de France ne soit signalée. Les lieux de mémoire ne sont pas épargnés, y compris l’arbre planté en souvenir d’Ilan Halimi scié par des lâches. Des comportements décomplexés d’un temps que l’on pensait révolu ont ressurgi.
À nouveau, les langues se délient contre les Juifs et Israël, désormais affublés du qualificatif ignominieux et infamant de « génocidaire », depuis l’agression barbare des islamistes palestiniens du Hamas.
Pour un nombre croissant de nos compatriotes juifs, l’air de France est devenu irrespirable. Certains en sont réduits à interroger leur présence dans le pays qui les a vus naître, et qu’ils envisagent aujourd’hui de quitter pour se réfugier en Israël.
Monsieur le Président de la République, l’année 2025 s’achève et nous en sommes là.
Ce n’est évidemment pas la première fois que l’Histoire de France est assombrie par des périodes d’hostilité à l’encontre des Juifs. Loin s’en faut. Mais cette fois, les causes en sont radicalement différentes : nous vivons l’extension sur le sol français d’une guerre idéologique menée par les islamistes contre nos démocraties, toujours ébranlées par les secousses du 7 octobre.
Car ce sont bien les islamistes qui, avec l’appui de la France Insoumise et de l’extrême-gauche, jettent l’opprobre sur les Juifs de France, en nouant le projet plus vaste de réduire en cendres les fondements de la République et de ses attributs laïques et démocratiques.
Ce sont les islamistes et leurs soutiens qui favorisent le séparatisme et l’entrisme des Frères musulmans, sources de troubles et de chaos, comme l’a démontré, preuves à l’appui, le Rapport sur l’entrisme des Frères musulmans en France présenté en conseil de Défense en mai 2025.
Ce sont les islamistes qui ont frappé à plusieurs reprises le sol français à Paris, à Toulouse, à Nice, à Saint-Étienne-du-Rouvray et dans tant d’autres villes de France, et qui jouissent d’un soutien massif tant à Gaza que dans les territoires administrés par l’Autorité palestinienne.
Ce sont d’abord les Arabes, sous l’influence des Frères musulmans, qui depuis toujours ont rejeté la « solution à deux États », ce mirage qui brouille, voire aveugle notre diplomatie qui en a fait son mantra.
Et, aujourd’hui, pensez-vous sérieusement, Monsieur le Président, pouvoir réaliser cette illusion diplomatique sur la base des engagements du président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, pris dans une lettre qui vous a été très opportunément adressée le 9 juin 2025, ainsi qu’au prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane ?
Certes, le président de l’Autorité palestinienne s’y engage, entre autres, à organiser des élections générales en 2026, les premières depuis 2006, en excluant le Hamas. Mais qui peut croire le dirigeant d’un pouvoir sclérosé et rongé par la corruption ?
Car, comment concilier cette promesse avec l’accord signé le 23 juillet 2024 à Pékin, qui a scellé une réconciliation entre le Hamas et le Fatah de M. Abbas, dix-huit ans après l’éviction sanglante de ce dernier hors de la bande de Gaza ?
Qu’adviendra-t-il de votre reconnaissance de l’État palestinien en cas de non-respect des engagements, pour le moins tardifs, de M. Abbas au pouvoir depuis vingt ans, et qui n’a jamais cessé sa politique de glorification des « martyrs », le financement du terrorisme et l’enseignement de la haine dans les manuels scolaires ?
Faut-il rappeler, Monsieur le Président, que Mahmoud Abbas a attendu le 9 juin pour condamner du bout des lèvres les massacres du 7 octobre, qu’il avait d’abord préférés qualifier de « succès stratégique » ?
Le double langage de Mahmoud Abbas, hérité de son prédécesseur, ne peut continuer à duper la France et à l’engager dans un enlisement diplomatique sans précédent qui se soldera par la dégradation de la relation bilatérale avec Israël, préjudiciable à nos propres intérêts, et, paradoxalement, par notre perte d’influence au Proche et Moyen-Orient. Un échec cuisant pour la France qui donnera des gages aux radicaux avides de mettre à bas la République.
Le seul fait que le Hamas ait applaudi des deux mains à votre annonce de reconnaissance de l’État palestinien, en la présentant comme « un premier pas », mais vers leur objectif ultime, l’éradication de toute présence juive au Proche-Orient, devrait vous donner à réfléchir sur le bien-fondé de votre décision.
Et vous ne pouvez ignorer que ceux qui, parmi vos adversaires politiques les plus zélés, appellent à votre démission et ambitionnent d’attiser la subversion dans notre pays, sont les mêmes qui soufflent sur les braises de l’islamisme et vous félicitent pour votre initiative à l’égard des Palestiniens.
Votre intention d’instaurer une solution pacifique au Proche-Orient est certes louable. Mais elle ne doit en aucun cas être perçue comme une récompense accordée aux auteurs de l’attaque du 7 octobre, qui répètent, depuis, qu’ils frapperont à nouveau le territoire israélien dès qu’ils retrouveront leurs moyens de nuisance, que l’État juif tente à tout prix d’annihiler.
Elle ne peut en outre se faire sans les principaux intéressés et encore moins contre eux, notamment Israël.
D’autant que vous l’offrez sans les conditions incontournables que vous-même exigiez et que vous semblez délaisser à présent : en préalable absolu à toute perspective diplomatique, la libération de tous les otages israéliens qui croupissent depuis presque deux ans dans les tunnels de Gaza ; le désarmement et la reddition sans condition du Hamas ; son retrait définitif de toute gouvernance, à Gaza mais aussi dans les territoires de Cisjordanie où sa popularité ne cesse de croître ; une réforme en profondeur de l’Autorité palestinienne ; la déradicalisation de la société palestinienne qui passe par la fin de l’ « enseignement du mépris » dans les manuels scolaires et l’endoctrinement à la haine de la jeunesse.
Dans ce contexte volatile, une reconnaissance d’un État palestinien ne saurait intervenir en abandonnant la question de la réciprocité qui constituait le fondement de votre initiative : la reconnaissance d’Israël par la plupart des États arabes à l’occasion de l’Assemblée générale des Nations unies. Nous en sommes loin et votre initiative unilatérale nous en éloigne plus encore.
Si votre intention était réellement de neutraliser le Hamas et de l’exclure de toute gouvernance future, comme vous l’avez souvent défendu, celle-ci ne pourrait se réaliser que par cette reconnaissance mutuelle qui lui ferait perdre toute légitimité dans les esprits et sur le terrain.
Paul Ricoeur disait accorder une « grande confiance à l’islam qui (…) condamne les violences dites au nom de l’islam ». Sous votre impulsion, il est impératif que les condamnations du 7 octobre, entendues de la part de dirigeants arabes, se matérialisent par cette reconnaissance mutuelle qui établira un climat de confiance et qui, elle, changera le cours de l’Histoire.
Sans passer par cette étape indispensable, votre geste participera de la victimisation outrancière et de la déresponsabilisation des Palestiniens. Il ne fera que galvaniser les tenants de la haine des Juifs en France qui anime nombre de partisans de cette cause, véritable cheval de Troie d’un islamisme radical et foncièrement antirépublicain.
Monsieur le Président, la tribune des Nations unies n’est pas le lieu de déclarations symboliques, moralement contestables, qui vident de toute sa substance l’esprit et la lettre du droit international. Celle-ci a trop souvent été instrumentalisée par ceux qui poursuivent le seul but d’exercer une pression diplomatique sur l’État d’Israël. Elle a déjà trop souvent servi à délégitimer son existence, à procéder indignement à sa nazification via un lexique cynique employé à dessein, dans un double standard permanent qui dit davantage du climat d’acharnement de la communauté internationale sur le seul État juif, plutôt que d’une volonté d’œuvrer pour la justice et la paix.
En effet, selon le droit international (conférence de Montevideo du 26 décembre 1933), la reconnaissance d’un État relève d’un acte juridique qui répond à des critères précis : un territoire clairement délimité ; une population permanente ; un gouvernement qui a démontré sa capacité de fonctionnement et celle de vivre en bonne intelligence avec ses voisins.
À ce jour, l’État palestinien que vous souhaitez reconnaître, avant même qu’il n’existe, ne répond à aucune de ces exigences légales. Cela reviendrait en la circonstance à entériner une entité aux contours abstraits, contrôlée par une organisation terroriste liée à l’Iran des Mollahs et au Qatar des Frères musulmans, lancée de surcroît dans une guerre sans fin contre Israël.
Plus encore : les accords d’Oslo – traité intégré dans le corpus du droit international – signés en septembre 1993 par l’OLP et l’État d’Israël, stipulent explicitement qu’aucun changement de statut de la bande de Gaza et de la Cisjordanie ne peut intervenir sans l’agrément des deux parties : toute initiative diplomatique unilatérale qui n’inclurait pas l’une des parties ou serait le fait d’un État tiers, contreviendrait au droit international au nom duquel la France prétend agir.
Une telle reconnaissance d’un État palestinien viendrait non seulement légitimer les razzias génocidaires du 7 octobre, mais donnerait en plus l’illusion de mettre un frein au terrorisme islamiste, alors qu’en réalité, elle encouragerait l’instauration d’un nouveau califat au Proche-Orient, aggravant encore une situation déjà très instable dans cette région déchirée par de multiples conflits.
Elle se posera de facto comme une sanction contre Israël, pays ami et allié lourdement frappé par le djihadisme du Hamas, et qui est depuis contraint de mener une guerre déclarée par un ennemi irréductible qui a juré sa perte.
Par-dessus tout, elle nourrira le terreau de l’islamisme sur le sol français, favorisera les éléments extrémistes encouragés par des responsables pyromanes de l’extrême-gauche, dont la seule aspiration est de semer le chaos en France et qui se gargariseront de cette « victoire » que vous leur offrez sans condition, à quelques mois d’échéances électorales majeures pour notre pays.
Imaginez un instant notre pays, la France, vivant sous la menace permanente d’un tel voisin où proliférerait l’islamisme ? Quelles actions seriez-vous alors en droit d’engager pour défendre notre pays ?
Monsieur le Président de la République, il est encore temps de renoncer à votre geste et éviter l’irréparable. La France se doit de conserver sa position de neutralité au Proche-Orient qu’elle entacherait irrémédiablement si elle reconnaissait, au mépris d’Israël, un État dysfonctionnel, gangréné par le terrorisme et mû par une haine cultivée depuis toujours au sein de sa population.
À défaut de renoncer à ce qui serait une faillite morale, et à un point de non-retour dans la relation bilatérale avec Israël, un seul acte diplomatique fera entrer notre pays dans l’Histoire et contribuera à une paix tant espérée : la reconnaissance d’Israël par l’ensemble de ses voisins arabes, et en premier lieu l’Arabie Saoudite avec qui vous co-présidez la conférence du 22 septembre.
Et si tous les pays arabes reconnaissaient enfin Israël ? À l’initiative louable de la France et de son président, ils traceraient un nouveau chemin vers la paix au Proche-Orient.
Il est temps de changer de paradigme s’agissant de l’avenir du Moyen-Orient. Il est temps de se rendre à l’évidence que « la solution à deux États » est la seule dont nous sommes désormais certains qu’elle ne fonctionne pas.
Je vous prie de croire, Monsieur le Président de la République, en l’expression de ma très haute considération.
Dr. Arié Bensemhoun
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