Comment la guerre des Six Jours a façonné la politique de la France dans la région?

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La guerre des Six Jours, dont Israël célèbre cette semaine le cinquantième anniversaire, a pris le monde par surprise. La veille de son déclenchement pourtant, le 4 juin 1967, le Premier ministre israélien Levi Eshkol redoutait « un vrai massacre ». Deux jours plus tard, après une succession de victoires éclatantes, Israël est parvenu à briser le mythe nassérien, à vaincre trois armées arabes qui menaçaient son existence et à fixer lui-même ses frontières sur le canal de Suez, le Jourdain et le Golan.

Cette guerre, dont les conséquences sont encore très présentes aujourd’hui, a amené des débats houleux et complexes dans la société israélienne mais surtout, elle a modifié les rapports stratégiques entre la France et Israël. Pour comprendre ce changement, il faut remonter quelques années en arrière. Le 20 mai 1949, La France reconnaît de jure l’Etat d’Israël mais ne souhaite pas pour autant se mettre à dos le monde arabo-musulman. Ainsi, jusqu’en 1967, elle cherchera à entretenir des rapports équilibrés entre les Israéliens et les Arabes, en dissuadant les uns et les autres de toute tentative d’agression.

La rupture de cet équilibre a lieu en juin 1967 avec l’attaque surprise de la chasse israélienne sur les aérodromes égyptiens. Fort de ses soupçons sur l’imminence d’un conflit, le 2 juin, le général de Gaulle vint à décréter un embargo préventif sur les ventes d’armes à destination du Proche-Orient, dont Israël était bénéficiaire. Paris tente de temporiser l’escalade mais lorsque de Gaulle s’exprime dans le communiqué du conseil des ministres du 15 juin 1967, il condamne l’« agression israélienne » et réaffirme le refus de la France de ne tenir pour acquis aucun fait accompli. En réalité, derrière les mots accusateurs se cache une réalité plus nuancée. L’embargo sur les armes décrété à la veille du conflit n’est que partiellement respecté. Des pièces détachées et du matériel continuent à être acheminés secrètement vers Israël. Pour autant, lors de la conférence de presse qui se tient le 27 novembre 1967, soit six mois après les événements du Moyen-Orient, le général prononce un discours accusateur :

« L’établissement, entre les deux guerres mondiales, car il faut remonter jusque-là, l’établissement d’un foyer sioniste en Palestine et puis, après la Deuxième Guerre mondiale, l’établissement d’un État d’Israël, soulevait, à l’époque, un certain nombre d’appréhensions. (…) Certains redoutaient même que les Juifs, jusqu’alors dispersés, mais qui étaient restés ce qu’ils avaient été de tous temps, c’est-à-dire un peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur, n’en viennent, une fois rassemblés dans le site de leur ancienne grandeur, à changer en ambition ardente et conquérante les souhaits très émouvants qu’ils formaient depuis dix-neuf siècles. »

L’expression « un Etat d’Israël » au lieu de « l’Etat d’Israël », peut être interprétée comme une tentative de le discréditer, de remettre en cause sa légitimité. Ensuite, cette impression est accentuée par le fait que de Gaulle affirme que la mise en cause de l’Etat d’Israël est une opinion partagée. Il finira son discours sur les événements de 1967 en accusant sans les invoquer, les Etats-Unis: « Mais on ne voit pas comment un accord quelconque pourrait naître tant que l’un des plus grands des quatre ne se sera pas dégagé de la guerre odieuse qu’il mène ailleurs. Car tout se tient dans le monde d’aujourd’hui. Sans le drame du Vietnam, le conflit entre Israël et les arabes ne serait pas devenu ce qu’il est ».

À la fin des hostilités, la rupture entre la France et Israël marque un tournant déterminant dans leurs relations futures. La politique gaulliste à l’égard de l’État hébreu ouvre la voie à un renforcement de la présence française sur la scène arabe, alors qu’Israël se tourne vers un État qui est encore à l’heure actuelle son principal allié politique et militaire.

Si les relations franco-israéliennes sont amicales aujourd’hui, les questions territoriales soulevées par la guerre des Six Jours ont façonné la position de la diplomatie française qui condamne depuis lors, ce qu’elle appelle la « politique de colonisation » israélienne.