DÉCRYPTAGE – Paris a reconnu la détention depuis neuf mois d’un touriste français en Iran.
Parmi eux, la chercheuse franco-iranienne Fariba Adelkhah, assignée à résidence à Téhéran depuis octobre, après avoir été détenue pendant seize mois, et un «jeune touriste» français, arrêté en mai dernier, alors qu’il prenait des photos dans le désert. Révélée par Le Figaro et détaillée par Le Point, cette affaire envenime encore les relations, déjà mauvaises entre Paris et Téhéran, qui s’opposent sur le dossier nucléaire.
Mercredi, Jean-Yves Le Drian a dénoncé ce qu’il a assimilé à de «la prise d’otages». Un Allemand a également été arrêté, ces derniers mois. Paris comme Berlin ont tout fait pour ne pas médiatiser ces arrestations.
Ma crainte concerne surtout les Européens qui pourraient être les victimes de la diplomatie des otages
un diplomate occidental à Téhéran
Depuis longtemps, l’Iran utilise la détention d’étrangers comme monnaie d’échange avec l’Occident. «Ma crainte concerne surtout les Européens qui pourraient être les victimes de la diplomatie des otages», confiait au Figaro un diplomate occidental à Téhéran, il y a quinze jours. «Les Américains ont appris du passé. Mais les Européens sont un peu le ventre mou», ajoutait cet observateur qui décryptait «la logique iranienne». «L’Iran se dit: “la France arrête un Iranien recherché aux États-Unis. Ce n’est pas légitime. Donc, on fait quelque chose qui n’est pas légitime non plus, on arrête un chercheur et on l’échange”.»
Ce diplomate fait référence à l’arrestation, à l’aéroport de Nice en février 2019, d’un ingénieur, Jalal Rohollanejad, réclamé par les États-Unis pour avoir importé en Iran des systèmes électroniques sensibles. Il est finalement sorti des prisons françaises en mars 2020, contre la libération de Roland Marchal, chercheur et compagnon de Mme Adelkhah, arrêté en même temps que celle-ci, en juin 2019.
«Les Européens, explique ce diplomate, sont prêts, pour des raisons de politique intérieure, à procéder à ces échanges. Mais cela crée des précédents, une sorte de jurisprudence iranienne selon laquelle si on veut quelque chose de la Corée du Sud par exemple, on lui prend un pétrolier.» Allusion à l’arraisonnement, le 4 janvier, d’un pétrolier sud-coréen dans les eaux du golfe Persique. En échange de sa restitution, Téhéran vient de parvenir à un accord avec Séoul – après aval américain – obtenant le déblocage d’un milliard de dollars iraniens, gelés dans les banques coréennes depuis les sanctions américaines contre Téhéran.
Le 18 février 2020 déjà, Téhéran avait annoncé la libération d’un Allemand condamné à trois ans de prison. La veille, l’Iranien Ahmad Khalili avait été libéré de prison en Allemagne, alors que les États-Unis réclamaient là encore son extradition.
L’affaire Assadi
Ces derniers mois, l’affaire Assadi est venue relancer la machine aux otages. Le 4 février, la justice belge a condamné à vingt ans de prison Assadollah Assadi, un diplomate iranien membre des services de renseignements en poste en Autriche, reconnu coupable d’avoir organisé un attentat avorté contre un rassemblement d’opposants iraniens près de Paris en juillet 2018. L’affaire avait provoqué une vive tension entre la France et l’Iran. «Ce n’est pas la Belgique qui est derrière (cette condamnation), c’est la France», nous confiait début février un officiel iranien à Téhéran. «Il y aura des conséquences», prévenait-il.
En fait, avant même la tenue du procès d’Assadi et de ses trois complices, en novembre dernier, l’Iran avait pris des gages, en arrêtant quelques mois plus tôt le jeune touriste français, qui a pu commettre quelques maladresses, avec sa caméra GoPro baladeuse dans le désert, mais qui n’a rien d’un espion.
«L’Iran perd beaucoup en agissant ainsi», regrette le diplomate européen. Mais, prévient un Franco-Iranien au fait de ces affaires en eau trouble, «Assadi et les dernières arrestations d’étrangers en Iran ne sont plus un sujet français, belge ou allemand. L’homme a été condamné. On est maintenant sur un règlement politique de ces affaires, et plus dans un échange un contre un». Pas forcément plus facile à négocier.