Le gendarme du nucléaire dénonce des violations de Téhéran qui menacent les négociations en cours.
C’est un nouvel accroc dans les difficiles négociations qui ont repris à Vienne depuis le début du mois d’avril entre les Américains et les Iraniens, par l’entremise des Européens. Dans un nouveau rapport, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a fait part de ses «inquiétudes » concernant la situation de trois sites iraniens non déclarés. Malgré les demandes répétées du gendarme du nucléaire, l’Iran n’a toujours pas fourni la moindre explication pour justifier la présence de particules nucléaires retrouvées par l’Agence.
Dans un autre rapport, l’AIEA regrette que le stock d’uranium enrichi de Téhéran continue de s’accumuler. La quantité d’uranium enrichi à 5 % est désormais seize fois supérieure à la limite autorisée par l’accord international de 2015. L’Iran a également repris depuis le début de l’année l’enrichissement à 60 %, qui le rapproche dangereusement des 90 % nécessaires à la fabrication d’une arme nucléaire. Ces documents seront examinés lors d’un Conseil des gouverneurs la semaine prochaine à Vienne. Seront-ils de nature à remettre en cause les pourparlers qui visent depuis deux mois, dans la capitale autrichienne, à ressusciter le JCPOA, l’accord sur le nucléaire iranien conclu en 2015 entre la communauté internationale et l’Iran et qui visait à ralentir, à défaut de l’empêcher, la marche de l’Iran vers la bombe nucléaire?
Après quatre séries de pourparlers, des «progrès tangibles ont été effectués, dans une atmosphère de construction, pour gravir la montagne qui est devant nous», selon des hauts responsables européens. «Les contours de ce qui pourrait être un accord final» se dessinent peu à peu. Mais «le succès n’est toujours pas garanti». Sur le papier, les choses sont claires. Il s’agit de faire rentrer à nouveau les États-Unis dans l’accord, dont Donald Trump s’était retiré en mai 2018. Et d’obtenir le retour à ses engagements de l’Iran, qui depuis 2019 a multiplié les violations. Selon des responsables européens qui jouent les intermédiaires, les deux parties manifestent leur volonté d’y arriver.
Mais les négociations sont, de l’avis de l’un d’eux, «plus difficiles que prévu». Après des semaines de discussions, sous la pression du groupe européen E3 (France, Allemagne et Grande-Bretagne) mais aussi de la Russie et de la Chine, l’Iran a fini par accorder à l’AIEA une nouvelle prolongation, jusqu’au 24 juin, de ses activités de surveillance des sites. Il en allait à la fois de la crédibilité de l’Agence internationale et de la bonne poursuite des négociations de Vienne. Mais dans les autres domaines, les obstacles restent énormes. Côté américain, la discussion porte sur la levée des sanctions qui avaient été rétablies par Donald Trump. Mais la question a été rendue extrêmement complexe à dénouer par les mesures prises par l’ancienne Administration, qui a imposé des doubles sanctions aux entreprises et aux personnalités iraniennes. Ainsi, même si les sanctions sont levées sur le nucléaire, certaines, imposées au nom de la lutte antiterroriste, demeureront.
Un programme balistique
Côté iranien, c’est un casse-tête encore plus compliqué. Que faire, par exemple des nouvelles centrifugeuses accumulées pendant les deux ans de violation? Même si elles sont détruites, les connaissances en recherche et développement demeureront. Que faire, également, des stocks accumulés? Pour régler ces questions, les négociateurs européens ont jusqu’au 18 juin, date de l’élection présidentielle iranienne, qui pourrait voir la victoire d’un ultraconservateur, Ebrahim Raïssi, proche du guide suprême et compliquer encore plus la recherche d’une solution. Si les négociateurs de Vienne trouvent un accord d’ici à quinze jours, le JCPOA sera ressuscité, si ce n’est dans la forme de 2015, du moins dans un format qui respecte sa philosophie générale.
Mais ce ne sera pas encore la fin de la partie. Les Américains et les Européens veulent en effet compléter l’accord sur le nucléaire par des discussions concernant son avenir après expiration, mais aussi la politique régionale de l’Iran et son programme balistique, qui s’est rapidement développé ces dernières années. Ces discussions promettent d’être encore plus difficiles…