À Beyrouth, la foule du Hezbollah a écouté son chef défier l’Amérique (Sunniva Rose – Le Figaro)

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REPORTAGE – L’assassinat de Qassem Soleimani a ravivé de vieilles haines contre les États-Unis.

Les femmes d’un côté, les hommes de l’autre, une marée humaine habillée de noir et de jaune a scandé pendant de longues minutes dimanche après-midi «mort à l’Amérique» dans une salle géante surchauffée de la banlieue sud de Beyrouth. Le Hezbollah, puissant parti chiite libanais soutenu par l’Iran, a sorti le grand jeu pour célébrer la vie et la mort du général Qassem Soleimani, artisan de la stratégie militaire de l’Iran dans la région, assassiné par un tir de drone américain vendredi à Bagdad.

Signe de son importance pour le Hezbollah, son portrait a été collé le long des routes des quartiers de Beyrouth acquis au parti depuis l’annonce de sa mort. Sur un fond rouge de mauvais augure, le «martyr» iranien scrute la capitale libanaise de son regard inquiétant. En Iran, une marée humaine a envahi les rues d’Ahvaz, dimanche au premier de trois jours d’hommage national, en Irak aussi des foules immenses se sont mises en mouvement pour crier vengeance. Et ils étaient donc encore des milliers de Libanais réunis pour écouter le discours de Hassan Nasrallah, le secrétaire général du parti chiite, retransmis en direct sur un écran géant.

Il a dénoncé un «crime public et scandaleux» commis par un président américain voulant marquer des points à quelques mois des prochaines élections et dont la politique étrangère a été minée par les «échecs». Désireuse de marquer son soutien à ses mots, la foule l’a interrompu plusieurs fois pour scander un slogan traditionnel: «Nous sommes à ton service, Nasrallah.»

L’assassinat de Qassem Soleimani a ravivé de vieilles haines contre les États-Unis. En plus de scander «mort à l’Amérique», les hommes portaient ces mêmes mots inscrits en rouge sur un bandeau jaune autour du front. Couvertes de la traditionnelle abaya noire chiite, les femmes, que les journalistes étrangers n’avaient pas le droit d’interroger, faisaient passer leur message via des pancartes géantes. «Israël a enfoncé le dernier clou dans son cercueil», mettait en garde l’une d’entre elles, écrite en arabe et en hébreu, à destination de l’ennemi juré du Hezbollah. Aux côtés des drapeaux jaunes du parti, on distinguait quelques drapeaux libanais et iraniens.

«Combattre de manière encore plus forte»

«Qassem Soleimani, c’est le symbole de l’axe de la résistance, de Gaza, au Liban, à la Syrie, à l’Irak, au Yémen», avance un jeune militant du Hezbollah. Son ami, près de lui, opine de la tête et joint les doigts de ses deux mains ensemble dans un geste d’unité. Assis au premier rang, ces deux jeunes faisaient partie de la poignée de militants au discours rodé autorisés à parler aux journalistes, observés de près par les hommes et femmes de la sécurité du parti.

«Les Américains se sont attaqués à un homme qui combattait le terrorisme au Moyen-Orient», abonde un autre homme plus âgé, en référence aux extrémistes sunnites de l’État islamique. «Mais la mort de Soleimani sera ce qui les fera quitter la région.» Quelques minutes plus tard, le Sayyed Nasrallah espérait le «départ des forces américaines d’Irak».

Pour sa propre protection, Hassan Nasrallah, qui dirige pourtant l’un des partis les plus influents du pays, vit caché. Cela ne l’empêche pas de recevoir des personnalités politiques libanaises ou de pays amis, tel Qassem Soleimani lui-même le jour de l’An. «J’étais très heureux», s’est vanté Hassan Nasrallah pendant son discours. Il y a plusieurs mois, il aurait mis en garde le général iranien d’un intérêt dangereux des États-Unis pour sa personne. Pour souligner la proximité supposée entre les deux hommes, des médias du parti ont publié des photos de leurs rencontres récentes. Souriant, Hassan Nasrallah reçoit un baiser du général iranien sur le front.

Malgré le choc, l’annonce de sa mort doit être accueillie avec fierté et non avec tristesse, soulignent les partisans du parti. «Cela nous a encouragés à combattre de manière encore plus forte», souligne Hussein, un portrait géant de Qassem Soleimani dans les mains.

Après plus d’une heure trente de discours du Sayyed, la foule compacte s’est lentement dirigée vers la sortie. Détendus, les militants se saluent. Lorsque l’on demande à l’un d’entre eux qui exactement, aux États-Unis, il souhaite voir mourir, il répond, affable: «Seulement Trump. Nous respectons les vies des civils américains.» Puis il se ravise. «Tous les leaders américains. Et tous leurs soldats dans la région.»