Compte rendu du Forum de Strasbourg – 1er Juin 2021 Les Accords d’Abraham : Un espoir de paix pour le Moyen-Orient?

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Mardi 1er juin, s’est tenue la 3ème session du Forum de Strasbourg, plate-forme de dialogue ouvert entre la France et l’Allemagne, qui a pour objectif d’approfondir la compréhension mutuelle des enjeux au Moyen-Orient et d’élaborer des recommandations politiques pour les orientations stratégiques de l’Union européenne.

Après deux volets consacrés au Hezbollah puis au nucléaire iranien, les Accords d’Abraham étaient au cœur des échanges de cette nouvelle table ronde. Signés le 15 septembre 2020 à Washington, ces accords de paix conjoints entre Israël, les Emirats Arabes Unis (EAU), Bahreïn et les Etats-Unis ont indéniablement transformé la donne stratégique régionale. Quelques mois plus tard, le Soudan et le Maroc officialisaient eux aussi leurs relations diplomatiques avec l’Etat hébreu.

Les Accords d’Abraham ont permis de concrétiser la « pax economica » qui se développait discrètement depuis plusieurs décennies entre les Etats signataires, assurant ainsi une stabilité à l’ensemble de la région.

Pour discuter des enjeux et de l’avenir des Accords d’Abraham, étaient réunis un diplomate israélien, des experts et des parlementaires français et allemands.

 

Un changement de paradigme

Comme cela a été rappelé en propos liminaires, le conflit qui oppose « Israël » à « Ismaël » est millénaire. Cette confrontation a non seulement eu des répercussions au Moyen-Orient mais aussi en Europe, qui en paie aujourd’hui les conséquences. Dans cette perspective, les Accords d’Abraham peuvent être perçus comme une volonté de répondre aux nouveaux défis géopolitiques en créant une dynamique vertueuse qui bénéficie à une majorité d’acteurs dans la région.

Le diplomate israélien présent au Forum a relevé que ces Accords ont davantage surpris l’opinion publique que les chancelleries. Lui qui a personnellement participé à la construction des relations entre Israël et les pays du Golfe depuis les années 1990 y a vu l’aboutissement d’un travail de longue haleine. Le Ministère israélien des Affaires étrangères y avait alors un bureau de représentation pour établir des relations économiques et commerciales. Pour lui, les Accords d’Abraham ouvrent une nouvelle ère car ils ont été construits de façon différente de ceux qui ont officialisé la paix avec la Jordanie et l’Egypte. Du reste, il n’y a jamais eu de conflit direct avec les pays du Golfe.

Avec la Jordanie et l’Egypte, la paix a été construite en « G to G » (« governement to government ») et non par le bas. Il n’y a pas de relations entre les peuples contrairement aux Etats du Golfe où le tourisme s’est naturellement développé avec Israël.

L’implication des populations est donc essentielle pour le diplomate israélien qui estime par ailleurs que pendant trop longtemps, les Palestiniens ont pris en otage les relations d’Israël avec le monde arabe. Un constat partagé par l’expert français qui affirme depuis de nombreuses années que l’apaisement des relations avec le monde arabe n’était pas tributaire de la résolution du conflit israélo-palestinien. Avec les Accords d’Abraham, avec ou sans guerre avec le Hamas, les Etats peuvent parfaitement discuter avec Israël.

 

Des intérêts convergents

L’expert français a rappelé le rôle fondamental des Etats et de leurs intérêts stratégiques dans les Accords d’Abraham. Si le Maroc a reconnu Israël, c’est avant tout parce qu’il a obtenu des Etats-Unis son objectif diplomatique absolu : la reconnaissance du Sahara occidental. Même si les rapports n’ont jamais été mauvais avec Israël, et si les relations avec les juifs marocains étaient bonnes. Quant aux EAU, ils ont obtenu une vingtaine de chasseurs bombardiers et la prise de position de Benyamin Netanyahou en faveur de cette vente a été déterminante. Ainsi, les éventuels inconvénients politiques étaient bien faibles face aux gains politiques. Cette reconnaissance vient donc davantage de l’extérieur que d’une volonté irrépressible de vivre en paix pour le chercheur français.

L’experte allemande a également évoqué les intérêts économiques et sécuritaires qui ont permis aux Accords d’Abraham de voir le jour comme l’hostilité commune à l’égard de l’Iran qui a considérablement renforcé son influence au Moyen-Orient. Après la chute de Saddam Hussein en Irak, les chiites majoritaires ont pris le pouvoir et se sont rapprochés de l’Iran. La Syrie de Bachar el-Assad en a fait tout autant pendant la guerre civile permettant à la République islamique de devenir « un interlocuteur incontournable » pour les négociations internationales et un allié privilégié pour la Russie dans sa volonté de soutenir le régime syrien.

Ce constat a soulevé une interrogation : si les relations entre les Etats du Golfe et l’Iran devaient s’apaiser à l’avenir, les Accords ne seraient-ils pas remis en question ? Pour le diplomate israélien, ce moment n’est pas prêt d’arriver. Après la signature de l’Accord de Vienne en 2015, l’Iran a poursuivi ses ambitions hégémoniques et belliqueuses en s’implantant davantage dans la région.

 

Quel avenir pour les Accords ?

La mise en place des Accords d’Abraham étant encore trop récente, les intervenants se sont accordés à dire qu’il fallait plus de temps pour en évaluer les bénéfices.

Toutefois, tous ont salué cette démarche qui contribue à pacifier la région et met fin à des décennies d’hostilité.

Jusqu’à présent, seul Israël était le facteur démocratique et stabilisant de la région mais aujourd’hui la donne a changé. Les parlementaires français et allemands partagent cette vision politique où les attentes des peuples sont prises en considération, c’est pourquoi l’Europe, garante de paix ne peut se renforcer que si une politique du « bottom/up » y est favorisée.

Le chemin est encore long pour atteindre la paix et sécuriser cette région du monde. Il faut espérer que ce nouvel environnement inspirera d’autres acteurs de la région. C’est le rôle de l’Europe d’encourager cette dynamique.

***

Le 18 juin prochain se tiendra le « Sommet du forum de Strasbourg » qui réunira à nouveau des parlementaires de l’Assemblée franco-allemande, de la Commission des affaires étrangères, de la Commission de la défense, des groupes d’amitié parlementaires, ainsi que des experts. Les conclusions et les recommandations politiques issues des 3 forums de Strasbourg seront partagées et discutées avec les ministères des affaires étrangères et/ou de la défense des deux pays.