ÉDITO. Le président de la République a pris le risque d’étaler son impuissance en annonçant la reconnaissance prochaine d’un État qui semble plus irréel que jamais.
Par Luc de Barochez – Le Point
Emmanuel Macron annonçait en avril dernier vouloir reconnaître l’État palestinien au nom de la France.
Dans les deux cas, il perd : Emmanuel Macron s’est mis tout seul dans une position bien inconfortable en annonçant en avril qu’il prendrait la décision historique de reconnaître l’État de Palestine au nom de la France, à l’occasion de la conférence sur le Proche-Orient qui doit s’ouvrir mardi 17 juin à New York. Car de deux choses l’une : soit il franchit le pas, et il prend le risque de jeter de l’huile sur le brasier au lieu de contribuer à un règlement politique du conflit ; soit il flanche, et il apparaît faible et indécis. Quoi qu’il fasse, la stature de la France sur la scène proche-orientale n’en sort pas grandie et l’objectif de coexistence pacifique entre Israéliens et Palestiniens est desservi.
Une telle démarche diplomatique ne pourrait avoir d’effet positif que si les conditions nécessaires à la reprise d’un dialogue politique israélo-palestinien – suspendu depuis plus d’une décennie – étaient remplies. Or ce n’est pas le cas, même dans l’hypothèse où les élections prévues dans les prochains mois en Israël devaient amener au pouvoir un gouvernement centriste à Jérusalem. Le peuple israélien dans son ensemble est moins disposé que jamais à accepter de cohabiter avec un État vu comme un foyer potentiel de terrorisme et de déstabilisation. Et en face, on voit mal comment le mouvement national palestinien, fracturé et paralysé, pourrait porter un projet de construction d’un État pacifique.
Malgré les assauts de l’armée israélienne, le Hamas reste la puissance dominante à Gaza. Il détient toujours 55 otages (dont 20 seraient encore en vie) et son désarmement paraît hors d’atteinte. La future gouvernance du territoire reste à imaginer. En Cisjordanie, l’Autorité palestinienne du cacochyme Mahmoud Abbas, rongée par la corruption, est incapable de se réformer alors que la situation lui échappe de plus en plus. Sur le terrain, le mouvement des colons continue à développer les implantations israéliennes avec l’appui du gouvernement Netanyahou.
Une dynamique étouffée dans l’œuf
Malgré tous ces obstacles, le président de la République imaginait que son initiative pourrait susciter une dynamique positive de reconnaissance mutuelle. C’était méconnaître le bouleversement géopolitique que le cataclysme du 7 Octobre a entraîné. L’Arabie saoudite n’est plus disposée à nouer des relations officielles avec Israël, tant que celui-ci n’aura pas accepté de manière crédible la création d’un État palestinien. Son homme fort, le prince héritier Mohammed ben Salmane, n’a pas envie de finir comme Sadate, le président égyptien assassiné en 1981 par des islamistes pour avoir conclu la paix avec Israël. Autre pays sollicité, l’Indonésie, le pays musulman le plus peuplé, a décliné les avances d’Emmanuel Macron qui s’y est rendu fin mai.
Face aux crimes de guerre à Gaza, et conscient de l’émotion suscitée dans l’opinion par le désastre humanitaire, le chef de l’État souhaitait montrer qu’il ne restait pas les bras croisés. Il a présenté la reconnaissance de l’État de la Palestine par la France (qui serait le premier pays du G7 à le faire) comme « un devoir moral et une exigence politique ». C’était aussi pour lui un moyen de donner un gage aux monarchies du Golfe, dont le rôle sera crucial pour la reconstruction de Gaza. Mais faute de leviers diplomatiques pour influencer les acteurs, il s’est engagé dans une impasse.
En réalité, la situation géopolitique post-7 Octobre est éminemment défavorable aux Palestiniens. L’affaiblissement de l’Iran et de son bras armé au Liban, le Hezbollah, ainsi que la disparition du régime de Bachar el-Assad en Syrie, ont marginalisé « l’axe de la résistance » anti-israélien. La lutte armée n’est plus une option crédible, tandis qu’aucune figure ni parti palestinien ne paraît pouvoir porter de manière plausible une négociation avec Israël aujourd’hui. Dans ces conditions, l’État palestinien paraît plus hors de portée que jamais. Les seuls qui ne l’ont pas encore compris sont les thuriféraires de la cause palestinienne à l’étranger – et l’hôte de l’Élysée.