Les obsèques du dernier otage français à Gaza se sont déroulées, ce mercredi 5 mars, au kibboutz Nir Oz. Les familles des 59 captifs restants redoutent une reprise des combats.
Par Roselyne Harel, correspondante à Tel-Aviv (Israël)
Beaucoup portent un tee-shirt noir affichant en hébreu le mot « Pardon » en lettres jaunes. Des milliers d’Israéliens ont pris la route, ce mercredi matin, en direction de Nir Oz. Ce kibboutz situé à moins de 2 km de la bande de Gaza, l’un des lieux d’Israël les plus meurtris le 7 Octobre 2023, a été le lieu d’un ultime hommage à Ohad Yahalomi. Le corps du dernier otage franco-israélien, tué en captivité, a été restitué une semaine plus tôt.
Sa famille a invité les visiteurs à se rassembler au pied de la salle à manger collective, sur la pelouse centrale de ce village pastoral et martyr. Nir Oz a perdu un quart de ses membres – tués ou kidnappés – lors des attaques du 7 Octobre 2023. Ohad Yahalomi, 51 ans, un responsable de l’Autorité de la nature, est le sixième habitant à revenir de Gaza dans un cercueil depuis l’entrée en vigueur de la trêve, le 19 janvier.
Ce père de famille habitait à quelques centaines de mètres des enfants Kfir et Ariel Bibas et de leur mère Shiri, assassinés durant leur captivité et enterrés voilà tout juste une semaine dans une localité voisine. Cet amoureux des paysages désertiques et des scorpions avait tout fait pour défendre sa famille lors de l’assaut terroriste.
« Je veillerai sur la famille »
Devant une assistance composée d’une bonne centaine de ses collègues de l’Autorité de la nature en uniforme beiges, les oraisons funèbres se succèdent, entrecoupées par les mélodies entonnées par le Gevatron, la plus célèbre chorale kibboutzique du pays.
L’ambassadeur de France en Israël, Frédéric Journès, et le consul général de Tel Aviv, Matthieu Clouvel-Gervaiseau, sont aussi là pour commémorer la 50e victime française des attaques du 7 Octobre.
Souhaitant respecter le deuil des proches, ils ne se sont pas exprimés publiquement.
Assis au bord de l’estrade, Nissan et Sharon Kalderon ne peuvent retenir leurs larmes : quelques semaines plus tôt, leur frère et beau- frère, Ofer Kalderon, l’autre otage franco-israélien, a pu revenir vivant de captivité. Lui aussi vient de Nir Oz. Bat-sheva, l’épouse d’Ohad, raconte en premier la tragédie de ce mari blessé lors de l’incursion des terroristes.
L’enseignante avait trouvé la force de s’arracher des griffes de ses ravisseurs avec sa fille de 10 ans et son bébé, après avoir assisté au kidnapping de son fils âgé de 13 ans, Eitan, libéré au bout de 52 jours de captivité.
« La lumière s’est éteinte. Je veillerai sur la famille et j’espère qu’un jour, nous pourrons à nouveau être réunis », clame-t-elle. Ayala, la sœur d’Ohad, prend à son tour la parole : « Pardon que ta vie se soit terminée ainsi. »
Gali, 51, une amie proche de l’ex-otage, prend à contrecœur le chemin du cimetière. Au bras, elle porte un tableau représentant le visage souriant d’Ohad sur fond jaune, le symbole de la cause des otages. « J’ai peint ce portrait pour alléger ma douleur et pour que Ohad puisse rire en le voyant, quand il serait libre, confie cette art-thérapeute de Beer Sheva. Je vais devoir le déposer sur sa tombe. »
Encore 59 otages à Gaza
Résidente du kibboutz HaOgen, dans le centre du pays, où Bat-sheva Yahalomi et ses enfants se sont réinstallés depuis le désastre, Einat Nachmias, une historienne de 64 ans, avoue ne pas parvenir à se détacher des informations en continu. « Il faut que tous les otages rentrent au plus vite. Rien n’est plus important. »
Ce mercredi matin, elle a été « très déçue ». Donald Trump n’a toujours pas reçu les survivants de captivité, libérés pendant la trêve, qui ont voyagé à Washington lundi. « Et il a seulement mentionné rapidement le sort des captifs à Gaza, lors de son adresse à la Nation », pointe-t-elle.
Les négociations pour la poursuite de la trêve entre l’État hébreu et le Hamas semblent au point mort, ces derniers jours. Israël a bloqué tout accès à l’aide humanitaire dans la bande de Gaza, accusant le mouvement islamiste de refuser un compromis brandi par les États- Unis. Les deux parties se préparent à une reprise potentielle des combats, plongeant dans l’effroi les familles de 59 captifs encore détenus dans l’enclave palestinienne.
Aux abords du cimetière du kibboutz, Ela partage ce pessimisme. Cette quadra a fait le voyage depuis Tel-Aviv. Activiste de la première l’heure contre la réforme judiciaire du gouvernement Netanyahou, elle prend part depuis des mois aux rassemblements apolitiques des
« femmes en blanc ». Celles-ci restent assises en silence pendant des heures pour réclamer le retour des captifs. « Tant que les gens ne sortiront pas en masse dans les rues, soupire-t-elle, il ne se passera rien. »