Par Corentin Pennarguear (à Tel-Aviv, Israël) — Publié le 05/08/2025 à 08:45
Un mois et demi après la fin de « la guerre des douze jours », chaque camp mobilise ses forces et ses alliés. Et personne, à Téhéran et Tel-Aviv, ne cache son envie d’en découdre, dans quelques mois ou quelques semaines.
La balafre cisaille le visage par ailleurs rayonnant de Tel-Aviv. En ce mois de juillet ensoleillé, les Israéliens se pressent sur la longue plage de leur capitale économique, entre joggeurs transpirants, footballeurs du dimanche et baigneurs détendus. À quelques mètres de cette carte postale, des immeubles sont coupés en deux, leurs toits effondrés, des appartements soufflés. Le résultat d’une frappe iranienne sur la zone résidentielle de Holon, le 19 juin dernier, pendant la « guerre des douze jours » qui a opposé Israël à l’Iran.
« Vous pouvez voir les dégâts qu’un seul missile balistique iranien peut causer à Tel-Aviv », souffle un haut gradé israélien depuis son bureau à quelques centaines de mètres de l’impact.
« C’est simple : si l’Iran continue d’être une menace existentielle pour notre pays, nous l’en empêcherons. S’ils veulent nous tuer, nous les tuerons avant. »
Un mois et demi après la fin d’un conflit ouvert inédit entre les deux grandes puissances militaires du Moyen-Orient, chacun active ses plans pour se préparer à l’acte II de la guerre.
« La barrière psychologique d’une attaque directe entre l’Iran et Israël est tombée trois fois en moins de deux ans », souligne Dahlia Scheindlin, chercheuse au centre de réflexion américain Century International et spécialiste de l’opinion publique israélienne.
« Cela signifie que désormais toutes les options sont sur la table, y compris celle d’une reprise des hostilités. De plus, tout le monde sait que les réussites [israéliennes en Iran] ont été significatives, mais leur portée reste limitée. »
Une situation potentiellement explosive.
1. Un climat toujours plus agressif
D’après le Pentagone, les frappes israéliennes et américaines du mois de juin n’auraient repoussé le programme nucléaire de la République islamique que de quelques mois, incitant les faucons de Tel-Aviv à réclamer de nouvelles frappes sur Téhéran pour « finir le travail » au plus vite.
« Ce serait suicidaire pour Israël de ne pas frapper l’Iran de manière préventive », confie ainsi un conseiller du Premier ministre Benyamin Netanyahou.
« Les Iraniens répètent eux-mêmes qu’Israël est un pays de la taille d’Hiroshima, qu’une seule bombe atomique suffirait à rayer de la carte… »
Le directeur de l’AIEA, Rafael Grossi, a alerté sur le fait que l’Iran pourrait reprendre l’enrichissement d’uranium d’ici trois à quatre mois. Le 11 juillet, Netanyahou a annoncé patienter soixante jours pour observer l’évolution de la menace nucléaire iranienne avant de « décider de la prochaine étape ».
Autre motif d’inquiétude : les capacités balistiques de l’Iran. Grâce au Dôme de Fer, la défense israélienne a intercepté 90 % des frappes. Mais cela signifie que 10 % sont passées. Et 10 %, c’est déjà trop.
« Pendant cette guerre de douze jours, l’Iran a tiré plus de 500 missiles balistiques sur Israël et prévoyait d’aller jusqu’à 10 000, voire 20 000 missiles balistiques », assure un haut gradé israélien.
« Aucun système de défense aérien au monde ne peut bloquer un si grand nombre. Si nous ne combattons pas maintenant, nous mourrons plus tard. Alors battons-nous dès maintenant ! »
Depuis le cessez-le-feu imposé par les États-Unis le 24 juin, l’Iran connaît une flambée d’explosions inexpliquées : raffineries, entrepôts militaires… Le régime refuse d’accuser Israël, pour ne pas révéler une infiltration massive dans ses rangs.
En juin, le directeur du Mossad avait déclaré :
« Nous continuerons d’être là-bas, comme nous l’avons été jusqu’à présent. »
2. Un réarmement à toute vitesse
Après le cessez-le-feu, Netanyahou s’est envolé pour Washington. Il a profité de la rencontre avec Trump pour lui remettre sa nomination au prix Nobel de la paix… et pour demander des missiles et munitions. Demande acceptée.
« Les Iraniens envoient de très mauvais signaux… Nous avons anéanti leurs capacités nucléaires. Et s’ils recommencent, nous les détruirons plus vite que vous ne pouvez lever le doigt », a averti Donald Trump.
L’Iran, de son côté, se réarme discrètement. La Chine aurait livré des batteries de missiles sol-air, et des négociations sont en cours pour l’achat de chasseurs J-10C contre du pétrole.
« Malgré les succès, un sentiment d’insécurité domine en Israël », résume Eran Etzion, ancien du Conseil de sécurité national israélien.
« L’Iran n’est pas le Hezbollah, ni le Hamas. C’est une puissance régionale. »
3. Chacun mobilise ses alliés
D’après Israel Hayom, Trump aurait donné son feu vert pour frapper de nouveau l’Iran si besoin. Mais les stocks militaires israéliens ont été entamés par les guerres au Liban et à Gaza.
L’Iran, lui, tente de relancer son « Axe de la résistance » :
-
Réunion à Bagdad début juillet entre Hezbollah, Houthis, Hamas, Jihad islamique, Hach al-Chaabi, et groupes islamistes d’Arabie saoudite et de Bahreïn.
-
Depuis, les affrontements reprennent, notamment dans le sud-Liban.
-
750 tonnes d’équipements militaires iraniens saisis au Yémen par les Américains.
« Nous avons des informations très précises sur un plan pour refaire un 7 octobre dans quelques années », affirme une source militaire israélienne.
« Mais cette fois depuis toutes les directions : Hamas, Hezbollah, milices en Syrie et Jordanie, et même des groupes activés depuis l’Égypte. »