Israël a arrêté sept de ses citoyens recrutés par les services secrets iraniens, alors que les deux pays se livrent à une chasse aux espions qui ne fait que s’intensifier depuis le début de la guerre à Gaza.
Par Pascal Brunel
« C’est l’affaire d’espionnage la plus grave que nous ayons connue », a admis Yaron Benyamin, un haut responsable de la police israélienne à la suite de l’arrestation de sept Israéliens originaires d’Azerbaïdjan accusés d’avoir, depuis deux ans, fourni des photos et des vidéos sur des sites militaires « sensibles » aux services de renseignements iraniens.
Tous ont agi pour l’appât du gain et ont touché des dizaines de milliers de dollars, versés en cryptomonnaies ou en espèces, a précisé la police. Le dossier est à ce point accablant que, selon Yaron Benyamin, certains des membres de ce réseau pourraient être reconnus coupables de trahison en temps de guerre et être passibles de la peine de mort ou d’un emprisonnement à perpétuité.
La police et le Shin Bet, le service de sécurité intérieure israélien chargé notamment du contre-espionnage, sont sur les dents depuis le début de la guerre dans la bande de Gaza et au Liban, avec le Hamas et le Hezbollah, deux mouvements soutenus par l’Iran. La République islamique tente de se procurer le maximum d’informations sur Israël, ne serait-ce que pour répliquer aux multiples « coups » revendiqués ou attribués au Mossad, le service de renseignements israélien, sur le sol iranien. Des deux côtés, la chasse aux espions bat son plein.
Sites « sensibles »
Les sept Israéliens arrêtés, dont la garde à vue a été prolongée de trente-cinq jours, ont mené, selon les enquêteurs, pas moins de 600 « missions » en deux ans. Ils ont fourni des photos, des vidéos, des informations sur une série de sites militaires « sensibles », telle la base aérienne de Nevatim dans le sud d’Israël, qui a été ciblée au début du mois par des missiles balistiques iraniens. Une autre base, elle aussi photographiée, a subi une attaque du Hezbollah.
Les agents iraniens ont également fourni des photos et des vidéos d’une importante centrale électrique, de sites où sont déployées les batteries d’interception de missiles de type « dôme de fer », ainsi que des données sur l’impact des missiles tirés par l’Iran, ce qui pourrait permettre de mieux ajuster des attaques ultérieures.
Ces dernières semaines, trois autres affaires impliquant quatre Israéliens accusés d’être en contact avec des agents iraniens ont été révélées. Ces suspects sont notamment accusés d’avoir fourni des renseignements sur les allées et venues de responsables politiques et des services de sécurité, susceptibles d’être la cible de tentatives d’assassinat. Comme le souligne un responsable de la police, « il y a tout lieu de penser que d’autres espions à la solde de l’Iran continuent de sévir ».
Complicités locales
L’Iran n’est pas en reste. Périodiquement, les autorités de la République islamique annoncent le démantèlement de réseaux d’espionnage israéliens. Le Mossad a prouvé, en effet, qu’il disposait d’agents efficaces en Iran, dont les informations sont indispensables pour mener à bien des opérations.
Quelques exemples : l’élimination le 31 juillet d’Ismaïl Haniyeh, le chef politique du Hamas à Téhéran, dans un complexe immobilier appartenant aux Gardiens de la révolution, n’aurait pas pu avoir lieu sans des complicités locales, de même que l’assassinat en novembre 2020 de Mohsen Fakhrizadeh, considéré comme le « père » du programme nucléaire iranien, sur une route près de Téhéran à l’aide d’une mitrailleuse actionnée à distance. Ces deux opérations n’ont pas été officiellement revendiquées par Israël, contrairement au vol des archives secrètes du programme nucléaire dans un bâtiment de la banlieue de Téhéran par le Mossad en 2018.
Les demandes adressées aux services secrets sont d’autant plus pressantes actuellement que la tension est à son comble entre les deux pays. Israël a annoncé son intention de se livrer à des représailles en Iran pour répliquer aux 200 missiles balistiques tirés par l’Iran le 1er octobre vers le territoire israélien. La menace d’une guerre, qui enflammerait la région, devait d’ailleurs être au menu, ce mardi, des discussions d’Antony Blinken, le secrétaire d’Etat américain, avec Benyamin Netanyahou.
Les Etats-Unis font pression pour que les attaques israéliennes ne visent pas les installations pétrolières et nucléaires iraniennes et se limitent à des objectifs militaires. Le Premier ministre a répondu qu’Israël est certes « attentif aux préoccupations de l’administration américaine, mais agit en fonction de ses intérêts nationaux ». Le chef de la diplomatie américaine espère avancer vers un cessez-le-feu à Gaza, alors qu’Israël intensifie ses opérations au Liban contre le Hezbollah, allié de l’Iran.