En Israël, l’intrigant soutien à Reza Pahlavi, fils du Shah d’Iran

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En pleine crise de l’eau en Iran, secoué depuis trois mois par de graves pénuries qui touchent la population, la visite en Israël d’une délégation de chercheurs iraniens exilés représentant le prince héritier Reza Pahlavi ne doit rien au hasard. « Merci, président Isaac Herzog et [Madame la] ministre Gila Gamliel d’avoir accueilli ma délégation d’experts à un moment où le peuple iranien souffre d’une grave crise de l’eau, de pénuries d’électricité et de l’effondrement de son économie », a souligné sur X le fils du dernier Shah d’Iran, l’un des principaux opposants à l’étranger à la République islamique.

Dirigée par Saeed Ghasseminejad, haut conseiller de Reza Pahlavi et économiste financier à la Fondation pour la défense des démocraties, un centre de recherche américain conservateur réputé proche de la droite israélienne, l’équipe iranienne de sept membres participait à la « Beyond Horizon Conference » (« Conférence Au-delà de l’Horizon »), un événement organisé mardi 2 septembre à Jérusalem par le ministère israélien de l’Innovation, des Sciences et de la Technologie, en présence de la ministre de tutelle Gila Gamliel et du président de l’État d’Israël, Isaac Herzog.

« En Israël, nous le soutenons également »

« Cette mission s’inscrit dans le cadre du Iran Prosperity Project [Projet Prospérité Iran], un plan pour la renaissance de l’Iran visant à libérer le plein potentiel de notre nation après la chute de la République islamique », a poursuivi le fils du monarque iranien déchu. « Je suis certain que les experts iraniens, en collaboration avec les experts israéliens, développeront non seulement des solutions pour répondre aux difficultés engendrées par le régime, mais jetteront également les bases des futurs #CyrusAccords [#AccordsdeCyrus] entre Israël et un Iran libre, démocratique et prospère, renforçant ainsi les liens profonds entre nos nations, envisagés par Cyrus le Grand il y a 2 500 ans. »

Le 12 août dernier, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou proposait au peuple iranien l’aide des « meilleurs experts d’Israël » pour recycler et désaliniser l’eau du pays « à l’instant » où le régime sera renversé. À l’issue de la conférence, la ministre israélienne Gila Gamliel a pour la première fois apporté un soutien public au prince héritier. « Le choix appartient à la nation iranienne, mais nous constatons que les Iraniens croient en Reza Pahlavi et le soutiennent », a-t-elle déclaré dans une interview à la chaîne d’opposition iranienne Iran International, basée à Londres. « En Israël, nous le soutenons également, car nous voyons le peuple iranien à ses côtés. »

Popularité grandissante malgré les divisions

Demeurant sans conteste l’une des principales figures de l’opposition iranienne à l’étranger, notamment chez les nostalgiques de la monarchie iranienne, Reza Pahlavi bénéficie d’une cote de popularité croissante en Iran auprès d’une jeunesse désabusée par la République islamique, favorisée par l’essor au cours des quinze dernières années de programmes offensifs de chaînes satellitaires acquises à la dynastie Pahlavi. Selon la dernière étude du Groupe pour l’analyse et la mesure des Attitudes en Iran (Gamaan), un centre de recherche indépendant basé aux Pays-Bas, le prince héritier serait la personnalité politique préférée en Iran, recueillant 31 % des suffrages sur un échantillon représentatif de 20 492 personnes interrogées en juin 2024, loin devant le rappeur contestataire Toomaj Salehi (6 %) ou le Prix Nobel de la paix 2023 Narges Mohammadi (5 %), même si la popularité du fils du Shah se serait légèrement effritée au cours des dernières années.

« Le soutien à Reza Pahlavi en Iran s’explique avant tout par les méfaits de la République islamique qui ont d’une certaine manière blanchi l’héritage controversé du Shah », explique depuis Téhéran un journaliste sous le couvert de l’anonymat. « Mais la personnalité du prince héritier reste très clivante en Iran, au sein d’un électorat polarisé. Si elle est adulée par les milieux de droite et d’extrême droite, elle est massivement rejetée par la gauche et l’extrême gauche. »

Visite en Israël et ambiguïtés

Son programme est simple. Se voulant le porte-voix de l’opposition iranienne, Reza Pahlavi se dit prêt à diriger, à la chute des mollahs, une transition politique avant l’organisation d’élections libres où il serait candidat. En quête de légitimité internationale, il a déjà été invité en Israël par la même ministre Gila Gamliel en avril 2023 pour y rencontrer de hauts responsables gouvernementaux. Alors ministre du Renseignement, elle avait notamment permis à Reza Pahlavi d’être reçu par le Premier ministre Benyamin Netanyahou, même si ce dernier s’était bien gardé d’adouber publiquement le prince héritier.

« Cette visite de 2023 ne représentait pas un soutien officiel par le gouvernement israélien de Reza Pahlavi, mais constituait plutôt une initiative politique personnelle de Madame Gamliel », pointe néanmoins une source diplomatique ayant requis l’anonymat. « Il n’y a pas d’alliance entre Israël et Reza Pahlavi, dont nous ne sommes pas certains qu’il fasse l’unanimité en Iran. Et il appartient de toute façon au peuple iranien de choisir ses dirigeants. »

Alignement sur l’opération « Rising Lion »

Pourtant, à l’occasion de la guerre des douze jours entre Israël et l’Iran qui a éclaté au mois de juin, le prince héritier a paru s’aligner entièrement sur l’opération militaire israélienne « Rising Lion » (« Lion qui se dresse »), estimant à l’époque que cela représentait « plus que jamais une opportunité pour le peuple iranien de se libérer », et emboîtant le pas au Premier ministre Netanyahou qui avait appelé la population en Iran à manifester contre le régime.

Las, les Iraniens ne sont pas descendus dans la rue, avant tout effrayés par les bombardements israéliens qui ont fait au moins 1 090 morts, dont 436 civils, selon la Human Rights Activists News Agency. « La fin du régime est proche », déclarait pourtant le 23 juin dernier Reza Pahlavi à l’Agence France-Presse à Paris, quelques heures à peine avant qu’un cessez-le-feu entre Israël et l’Iran ne soit annoncé à la surprise générale par Donald Trump.

Une stratégie controversée

« Le fils du Shah a joué un vrai rôle pour promouvoir l’agression israélienne contre l’Iran », dénonce une source au sein du régime iranien. « Mais comme Massoud Radjavi [fondateur de l’organisation d’opposition des Moudjahidines du peuple, NDLR] avant lui, qui a perdu toute crédibilité en s’alliant à Saddam Hussein durant la guerre lancée par l’Irak contre l’Iran (1980-1988), Reza Pahlavi a tout perdu en s’alliant à l’agresseur du peuple iranien. »

Pourtant, à peine un mois après la fin du conflit, le prince héritier poursuivait son offensive anti-régime et rassemblait près de 500 opposants à Munich pour lancer la « Convention de coopération nationale pour le sauvetage de l’Iran », une initiative visant à tracer une feuille de route pour une transition démocratique et un plan pour la reconstruction du pays à la chute du régime. « Il s’agit de tirer parti, avec l’aide d’Israël et du parti républicain aux États-Unis, de la mauvaise situation dans laquelle se trouve la République islamique pour peser sur l’avenir du pays en cas de nouvelle attaque », décrypte l’analyste iranien exilé Amir Taheri, partisan déclaré d’une monarchie constitutionnelle en Iran avec Reza Pahlavi sous la couronne.

Réactions en Israël et en Iran

À Jérusalem, Menashe Amir, qui anime le compte X du Mossad en langue persane, activé durant la guerre des douze jours, rejette la moindre ambiguïté concernant le statut en Israël du fils du dernier Shah d’Iran. « Si Reza Pahlavi est un opposant très actif qui possède une certaine popularité en Iran comme aucune autre personnalité iranienne à l’étranger, les déclarations de Gila Gamliel en sa faveur n’engagent qu’elle et ne reflètent absolument pas la position officielle du gouvernement israélien », souligne auprès du Point le journaliste israélien né en Iran. « Son ministère étant l’un des moins en vue en Israël, elle a simplement pris en charge la question du soutien au prince héritier dans un but de promotion personnelle. »

Condamnation par Téhéran

À Téhéran, le rapprochement du prince héritier avec Israël semble en tout cas suffisamment pris au sérieux pour être dénoncé au sommet de l’État. Le 24 août, lors d’un rare discours public tenu devant ses partisans, l’ayatollah Khamenei fustigeait, sans le nommer, le rôle de Reza Pahlavi aux côtés d’Israël. « Ils étaient tellement sûrs que cette attaque ébranlerait les fondements de la République islamique dans le pays, convaincus que cela pousserait le peuple contre la République islamique, qu’un jour après le début de l’attaque, ils se sont assis et ont discuté de la nature du pouvoir qui dirigerait l’Iran après la République islamique et ont même choisi un roi, le roi d’Iran », a dénoncé le guide suprême de la révolution, nommé à vie en 1989. « Au sein de cette assemblée d’idiots qui était assise pour trouver un remplaçant à la République islamique, a-t-il poursuivi, il y avait même un Iranien, que la terre s’abatte sur sa tête. »

Contexte aggravé par la sécheresse

Selon le dernier rapport statistique de la Société de gestion des ressources en eau d’Iran, 80 % des réservoirs des 19 plus grands barrages du pays seraient aujourd’hui vides en raison d’une sécheresse record, provoquant des coupures incessantes d’eau et d’électricité à travers le territoire. Cette crise a déjà conduit ces dernières semaines la population iranienne à manifester dans plusieurs villes sa colère face à l’incurie des autorités.