Crises sociales, instabilité internationale, progression de l’islamisme : un sondage révèle l’inquiétude profonde des Français

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EXCLUSIF – L’enquête, réalisée par l’Ifop/Agir ensemble et dévoilée mercredi en exclusivité par Le Figaro, établit un constat inédit des craintes autour du délitement du lien social, de la conscience d’une forme de menace islamiste et de l’isolationnisme américain.

Par Elisabeth Pierson

La cohésion sociale est-elle en danger ? Les Français le redoutent, plus que jamais. Dans une enquête réalisée par l’institut de sondage Ifop et le groupe Agir ensemble (initiative apartisane qui veut «promouvoir les valeurs de la république, défendre la laïcité et combattre la menace islamiste»), révélée ce mardi en exclusivité par Le Figaro, les sondés expriment fortement leur inquiétude sur l’état interne du pays. Huit Français sur dix considèrent que le lien social a perdu de sa solidité ces vingt dernières années. Le même nombre considère que le niveau de violence a augmenté. Globalement, l’anxiété vis-à-vis de l’avenir atteint un niveau «inédit», selon Frédéric Dabi, directeur général de l’Ifop.

Cette enquête, qui a voulu évaluer «la cohésion nationale à l’épreuve des divisions et de l’islamisme», a été effectuée en marge d’une soirée prévue le 26 mars au Dôme de Paris. Pour marquer à la fois les 120 ans de la loi de 1905 sur la Laïcité et les 10 ans des attentats islamistes de Paris, Agir ensemble a convié plusieurs personnalités politiques comme Bruno Retailleau, Manuel Valls ou Jean-Michel Blanquer, intellectuelles comme Florence Bergeaud- Blackler ou Raphaël Enthoven, ou encore la sœur de Samuel Paty, Mickaëlle, et le journaliste syrien Omar Youssef Souleimane. L’objectif, aborder de front l’inquiétude des Français à propos d’une société perçue comme toujours plus violente, radicalisée et désagrégée.

Le multiculturalisme, facteur de division

Après la dissolution de l’Assemblée nationale et le blocage politique qui en a découlé, sur fond de guerre en Ukraine et à Gaza, la défiance et le pessimiste d’une certaine partie de la population envers la sécurité, la situation économique ou les divisions en Europe, s’étaient déjà exprimés. Dans cette nouvelle enquête, ils se révèlent toutefois à un niveau inédit. Huit Français sur dix estiment que le risque d’une explosion sociale existe dans les prochains mois. Un «record», souligne l’institut de sondage.

Cette explosion pourrait prendre la forme d’un nouveau mouvement des agriculteurs, d’émeutes dans des quartiers populaires (comme après la mort du jeune Nahel en juin 2023, NDLR) ou d’un «mouvement bis» des Gilets jaunes. Mais elle pourrait aussi s’avérer plus profonde et chaotique encore, selon certains. Quatre Français sur dix anticipent des scénarios encore jamais vus, tels qu’une guerre civile (42%). L’assaut des institutions comme l’Élysée ou l’Assemblée nationale (39%), à l’image de celui du Capitole, est désormais «une hypothèse probable dans l’esprit des Français», note l’Ifop. En tout état de cause, les institutions ne sont plus perçues comme un rempart : 60% des sondés doutent de leurs capacités à assurer une stabilité politique, un niveau de défiance «peut-être» jamais atteint «sous la Ve République», souligne l’institut de sondage.

Tout un symbole : interrogés sur les causes de ce délitement, les Français citent en premier lieu non pas les inégalités sociales en matière de revenu, de patrimoine, mais les limites du multiculturalisme. Les réponses évoquent l’«évolution de la délinquance» (88%), «la concentration de populations de même culture ou origine dans des quartiers» (82%), puis seulement les inégalités de revenus (77%). Vient ensuite «la place trop importante occupée par les religions dans l’espace public» (75%).

Bascule générationnelle

Dans ce climat d’anxiété, l’institut de sondage a voulu se pencher sur la question du terrorisme islamiste et son idéologie. L’institut a pris soin, sur ce sujet particulier, de poser des questions ouvertes, sans suggérer les réponses, pour «retranscrire vraiment le discours des Français». Parmi les religions, une majorité perçoit l’islam comme la religion adoptant les positions les plus radicales (63%), loin devant le judaïsme (23%) et le catholicisme (16%). Sans faire d’amalgame pour autant : l’opinion distingue clairement les signes d’une pratique modérée de l’islam, comme la fidélité aux cinq prières par jour ou l’interdiction de l’alcool, à ceux de l’islamisme.

Imposer le ramadan à un enfant, voiler des fillettes ou refuser de serrer la main d’une personne de sexe opposé, sont autant de signes de radicalisation, selon les Français.

Une grande majorité des sondés s’inquiète de surcroît de la progression de l’idéologie islamiste dans la société, notamment dans les quartiers populaires (72%), dans les prisons (70%) mais aussi à travers l’école (63%), l’université (56%) et jusqu’aux clubs sportifs (52%). Sur ce point, une véritable bascule générationnelle apparaît. Si 84% des Français déclarent ne pas apprécier l’islamisme, 30% des moins de 25 ans perçoivent ce terme de manière «positive», relève l’Ifop. 36% des sympathisants de la France insoumise partagent cette vision positive du terme, qui définit la version radicale de la pratique musulmane.

Menaces internationales

L’inquiétude générale des Français ne repose pas seulement sur la situation intérieure. Le contexte international, sur fond de guerre en Ukraine et d’isolationnisme américain, est aussi source de préoccupation. «L’époque ou l’international n’intéressait que des cadres supérieurs, les personnes à capital culturel fort et les personnes âgées, est révolue», note Frédéric Dabi, directeur général de l’Ifop, soulignant la nouveauté de cette intrusion de l’actualité internationale dans la vie des Français. «Ce qui se passe dans le bureau ovale de la Maison-Blanche, en Ukraine ou dans la forêt amazonienne peut avoir un impact sur leur vie». Sur l’ensemble des sondés, 84% estiment que l’Hexagone est exposé à des menaces ou pressions venant d’autres pays. D’où vient le danger ? De la Russie d’abord, selon 81% d’entre eux, mais aussi de l’Iran (70%) et d’un certain nombre de pays du monde arabo-musulmans, parmi lesquels Syrie, Afghanistan et Algérie à (62%).

Sur les pays musulmans, là encore, l’inquiétude est inégale selon les générations. Seuls 55% des jeunes de 18 à 24 ans citent l’Iran comme une menace, 48% la Syrie et 38% l’Algérie. À cette liste s’ajoutent désormais les États-Unis. Trois mois après le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, les trois quarts des Français pensent que le président tonitruant va contribuer à déstabiliser l’ordre international. Mais 70% n’en reconnaissent pas moins chez lui une capacité d’autorité à laquelle ils aspireraient pour leur propre pays.

LFI plus diviseur que le RN

Partant du constat très largement partagé (85%) que les valeurs de la République ne sont pas respectées en France, plus de 80% des Français souhaitent en effet une lutte plus efficace contre les communautarismes, et considèrent que cela passe par davantage d’«autorité». Sur ce point, la France Insoumise est particulièrement pointée du doigt. 83% considèrent que le mouvement de Jean-Luc Mélenchon contribue à la division du pays. Autant assurent ne pas faire confiance à LFI pour lutter contre l’islamisme. Le Rassemblement national, en revanche, longtemps accusé de monter les Français les uns contre les autres, le parti à la flamme est désormais cité par 39% des sondés comme contribuant à la cohésion du pays (même si les partis de centre droit et centre gauche, LR (27), Modem (46) et Horizons (43) sont les premiers cités).

Malgré ce climat d’anxiété, les Français n’ont pas perdu tout espoir. Ils expriment une aspiration à une politique de proximité. Les maires, par exemple, sont considérés par 70% comme contribuant à la cohésion du pays – devançant d’au moins 30 points les acteurs politiques à l’échelle nationale. Ceux-ci sont objet d’une défiance de plus en plus marquée, à l’exception de deux ministres, celui de l’Intérieur Bruno Retailleau (47%) et celui de la Justice Gérald Darmanin (46%). Les services publics, hôpital, armée et école, gardent également la confiance des citoyens pour mener leurs missions. Les moments de cohésion nationale existent encore, en témoignent leurs réponses : plus des trois quarts citent les grands événements comme les Jeux Olympiques et la réouverture de Notre-Dame comme facteurs de cohésion. Les matchs de l’équipe tricolore de foot ou de rugby sont aussi facteurs de cohésion. Mais, dans les réponses des Français, ces événements sportifs sont devancés de 10 points par la célébration de fêtes nationales qui rappellent l’histoire de France, comme le 14 juillet ou le 11 novembre, ou encore la solidarité nationale lors d’attaques terroristes.